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 Page 6
 
Cette r�ponse sembla att�rer le matelot d'Alain. Sans chercher �
 
s'excuser, il descendit dans le logement de l'�quipage. Ceux de ses
 
camarades qui s'effor�aient de le consoler ne purent obtenir un seul mot
 
de lui, et pendant plusieurs jours toutes les pri�res, les injonctions
 
et les menaces du capitaine furent vaines pour l'engager ou le forcer �
 
prendre quelque nourriture.
 
 
Une fi�vre c�r�brale, produite par l'exaltation de sa douleur, se
 
d�clara avec la derni�re intensit� chez lui. Dans les acc�s de son
 
d�lire, il r�p�tait sans cesse: �Moi qui _as_ tu� ce pauvre Alain! Moi
 
qui deux fois l'avais sauv� en me jetant � la mer apr�s lui!... Ah bien,
 
oui!... Alain! Alain! dis donc, mon matelot, est-ce que c'est vrai que
 
c'est ce que je t'ai donn� sur ma ration, qui t'a fait du mal,
 
matelot?... Hein? Parle donc! Tu ne dis rien! tu ne r�ponds pas! C'est
 
donc moi qui t'ai donn� le coup de la mort!... Ah! mon Dieu, que je suis
 
malheureux!...�
 
 
Le matelot d'Alain expira peu de jours apr�s avoir re�u les reproches de
 
son capitaine sur l'imprudence de sa conduite.
 
 
L'homme se r�signe facilement � supporter et � subir l'empire des choses
 
que sa volont� et ses efforts ne sauraient changer. L'id�e de s'irriter
 
contre les obstacles irr�sistibles ne lui vient m�me pas dans les momens
 
o� il pourrait cependant, avec le plus d'apparence de raison, accuser
 
d'injustice le malheur qui le poursuit ou la destin�e qui l'accable.
 
C'est ainsi, par exemple, que tel matelot qui s'emporte contre le chef
 
qui le maltraite sans motifs, ne laissera �chapper aucun signe de
 
m�contentement parce qu'il pla�t � la Providence de lui faire �prouver
 
un temps horrible pendant des mois entiers. Que la temp�te le tourmente
 
nuit et jour, que les accidens qui se multiplient � bord durant le
 
mauvais temps le forcent � monter deux ou trois fois par heure dans la
 
m�ture, au p�ril de sa vie, vous ne l'entendrez presque jamais jurer
 
contre la mer qui grossit ou contre le vent qui continue � souffler. Il
 
prend tout ce qui lui vient de l�-haut avec r�signation. Mais qu'apr�s
 
avoir pass� une heure � la barre d'un navire difficile � gouverner, il
 
revienne causer devant avec ses camarades, vous l'entendrez crier contre
 
la _chienne de barque_ qui est trop _ardente_ ou trop molle. On croirait
 
que les imperfections seules qui tiennent, dans les choses, � l'erreur
 
ou � l'ignorance des hommes, ont le privil�ge d'exciter sa col�re et de
 
provoquer ses reproches. Ce n'est qu'� ce qui est _irr�formable_ ou
 
irr�sistible qu'il se soumet sans murmurer.
 
 
Les marins, � qui certes le don de la po�sie n'est que tr�s-rarement
 
d�parti, et chez qui les habitudes du m�tier ne contribuent gu�re �
 
d�velopper l'imagination, sont port�s cependant � animer tous les objets
 
qui se meuvent autour d'eux; ils donnent de la vie � presque tout ce qui
 
a du mouvement. Un navire, � leurs yeux, a une physionomie, une volont�,
 
et presque des passions. Ils vous disent, en parlant du dernier b�timent
 
sur lequel ils ont navigu�: �Jamais je n'ai vu de brick aussi capricieux
 
que ce coquin-l�! aussit�t qu'on ne veille pas � gouverner, il revient
 
dans le vent comme un gredin! C'est trop _volage_ et trop _sensible_ au
 
coup de barre. Mais �a vous a un air guerrier, par exemple! et puis il
 
n'y a pas de _boulinier_ comme �a!�
 
 
Quand un navire est rencontr� � la mer, ils le personnifient en quelque
 
sorte: �Voyez-vous, disent-ils, comme il �ternue en plongeant son avant
 
dans la lame!... Ah! voil� qu'il masque son grand hunier pour nous
 
parler!... Il n'est pas vif pourtant � la manoeuvre; c'est dommage, car
 
il est bien _espalm�_ et bien faraud, ce coquin-l�!�
 
 
Rarement, malgr� cette tendance � tout individualiser, il leur arrive
 
cependant de personnifier la mer, malgr� la constante mobilit� qu'ils
 
observent en elle, et l'influence qu'elle exerce sur tout ce qui les
 
entoure. Ils disent bien que la mer est _m�le_ quand elle grossit, que
 
la lame grimpe � bord comme un chat, que la houle est sourde; mais ils
 
ne pr�tent pas � cet �l�ment une �me, une volont�, des passions et des
 
caprices, enfin, comme ils le font quelquefois en parlant d'un navire.
 
 
Les fun�railles du marin sont aussi modestes que sa vie a �t� obscure et
 
que ses moeurs ont �t� simples. D�s qu'un homme meurt � la mer, soit de
 
maladie ou par l'effet d'un de ces accidens qui n'arrivent que trop
 
fr�quemment � bord, le capitaine, qui a recueilli, quand la mort le lui
 
a permis, les derni�res volont�s du malheureux, ordonne au voilier du
 
navire, ou au matelot du d�funt, de faire _son sac_; on sait ce que cela
 
veut dire, et alors l'ensevelisseur se met � coudre le cadavre dans un
 
morceau de serpilli�re ou de toile � voile us�e. Quelquefois on se sert
 
du hamac du tr�pass� pour en faire son linceul, ou d'un pavillon, si
 
c'est un officier. Aussit�t que cette op�ration est termin�e, on monte
 
sur le pont le corps ainsi emball�. Une longue planche, qui est
 
ordinairement celle du _cook_, est plac�e sur le plabord de dessous le
 
vent, et deux hommes s'avancent pour la soutenir. C'est sur cette voie
 
glissante qu'on va lancer le pauvre diable dans l'�ternit�, comme disent
 
les Anglais. Si l'on a des boulets � bord, on en fourre un ou deux dans
 
l'emballage du mort: c'est du luxe. Quand les boulets manquent, on les
 
remplace par du lest, des cailloux ou du sable. Le moment fatal arrive:
 
chacun se d�couvre et s'arr�te. Si quelqu'un parmi l'�quipage sait une
 
pri�re, il la r�cite: on l'�coute avec recueillement, et, au signal
 
donn� par le capitaine ou l'un des officiers, le corps est lanc�
 
par-dessus le bord: il tombe, coule, dispara�t. On jette les yeux sur
 
les flots qui l'emportent derri�re le navire, qui continue paisiblement
 
sa route, et bient�t le souvenir du malheureux que la mer vient
 
d'engloutir, s'efface comme la trace que laisse apr�s lui le b�timent
 
sur la surface de l'onde immense.
 
 
         
        
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