Contes de bord by Édouard Corbière


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Page 30

�Savez-vous bien, disait le capitaine � son second, en faisant les
quatre � cinq pas que l'exiguit� de l'espace lui permettait de
parcourir, savez-vous bien, Pinchaud, que nous courons l� une bien
vilaine bord�e?

--Mais vilaine! Oui, capitaine, pas trop belle! Nous risquons, � ce que
je me suis laiss� dire, de faire bient�t le saut de carpe au bout d'un
morceau de bois.

--C'est _fichant_!

--Oui, et bigrement fichant! pour moi surtout qui entrais aujourd'hui
justement dans ma vingt-septi�me ann�e.

--C'est qu'il n'y a pas l� � tortiller! Pour avoir cherch� � introduire
des esclaves sur une terre anglaise, la potence: c'est la loi..... Nous
aurions joliment fait notre beurre cependant, si nous avions eu le
hasard de mettre nos quatre-vingt-dix Malgaches � l'abri de la lame du
Ouest.

--Sans doute, mais que voulez-vous! Je n'ai jamais eu de r�ussite dans
ma vie, ni vous non plus, capitaine.

--Ah! coquin de sort, si nous pouvions tailler une petite soupe � ces
chiens d'Anglais qui sont � bord!... Voyez-vous comme ce gredin de brick
est loin de la go�lette, avec les deux grelins qu'il a amarr�s bout �
bout pour nous remorquer!... Le diable m'�lingue, rien que de les voir,
�a vous donne des envies....

--Oui, des envies _d'escapade_, n'est-ce pas? Pour moi, tenez, depuis
que vous venez de me dire ce que vous m'avez dit, je sens la plante des
pieds qui me br�le!... Regardez donc nos gens, capitaine, comme ils ont
la figure de travers, et la physionomie chavir�e.... Les pauvres b...es!
La potence ne leur va pas mieux qu'� nous!

--Eh bien! Pinchaud, il faut leur porter la consolation en douceur dans
le tuyau de l'oreille, et leur remonter la mine. Mourir pour mourir,
c'est toujours risquer le m�me paquet, n'est-ce pas?

--Ah! mon Dieu oui; et on peut bien se donner, en fait de �a, l'agr�ment
du choix.

--En ce cas-l�, �coutez-moi....�

Le capitaine parla bas alors � l'oreille de son second; et apr�s avoir
�chang� myst�rieusement entre eux quelques mots auxquels ils
paraissaient attacher une grande importance, tous les deux all�rent
causer avec chacun des hommes de leur �quipage.

On vit bient�t les hommes de la go�lette, r�unis auparavant en groupes,
se disperser et se coucher, l'un sur le gaillard d'arri�re, l'autre sur
l'avant, l'un au pied du grand m�t, l'autre au pied du m�t de misaine,
et les derniers enfin aupr�s du grand panneau, ou sur le capot du
logement d'�quipage.

Ils parurent un instant dormir de lassitude: les Anglais veillaient
toujours.

Le capitaine se promenait sur l'arri�re, pr�s du midshipman. Un grain
tombe � bord. Il faut manoeuvrer un peu: les Anglais s'emploient
beaucoup plus activement que les matelots fran�ais. Au moment de la plus
grande confusion, le capitaine se met � tousser de toutes ses forces.

L'aspirant lui demande s'il est enrhum�.

�Oui, r�pond-il; mais mon rhume va �tre bient�t gu�ri, et le tien va
commencer. Tiens, voil� de mon jus de r�glisse!�

En pronon�ant ces derniers mots, il saute sur le midshipman, qui se
d�bat en vain entre les bras poilus de son nerveux assaillant. Chaque
matelot n�grier s'empare d'un matelot anglais: le nombre triomphe de la
r�sistance; les pistolets dont les Anglais sont arm�s ratent: la pluie a
mouill� les amorces. Les _capteurs_ crient au secours; mais leur voix
n'est pas entendue � bord du brick, trop �loign� de la go�lette, dans un
moment surtout o� le vent souffle dans les cordages et emporte de
l'avant � l'arri�re le bruit qu'on fait � bord du n�grier.

Les dix Anglais et leur midshipman sont tomb�s � la disposition de
l'�quipage de _l'Oiseau-Mouche_. Un matelot fran�ais a remplac� � la
barre du gouvernail le timonier anglais qu'on y avait apost�. La
go�lette navigue toujours tra�n�e par la remorque dans les eaux du
brick, qui continue paisiblement sa route comme si rien d'extraordinaire
ne s'�tait pass� derri�re lui.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 23:06