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Page 3
Les mousses �chappent rarement � cette lessive g�n�rale. Quand l'eau de
pluie abonde, les laveurs ne manquent presque jamais d'�lever, sur la
propret� de ces jeunes gamins du bord, des soup�ons que l'officier de
quart accueille assez volontiers. On ordonne aux mousses de se
d�shabiller et de passer docilement sous l'inflexible brosse qui doit
leur faire subir un nettoyage complet. Aucun effort n'est �pargn� par le
brosseur, qui frotte l'�piderme des petits patiens, comme il ferait l'un
des bordages du gaillard d'arri�re, ou de la chambre du capitaine. Les
mousses, ainsi balay�s et fourbis une bonne fois, n'ont garde de manquer
ensuite de se laver tous les matins, de crainte, � la premi�re ond�e,
d'�tre encore accus�s de malpropret�, et d'�tre forc�s de subir la
rigoureuse op�ration lustrale � laquelle on les a d�j� si
impitoyablement soumis.
Les matelots, avec le peu de v�temens et de linge qu'ils poss�dent, sont
en g�n�ral tr�s-propres. L'id�e de la vermine, qui s'engendre si
facilement au milieu d'un grand nombre d'individus r�unis dans un petit
espace, leur fait horreur. L'homme qui parmi eux n�glige de se laver ou
de se peigner, �prouve � bord une esp�ce de proscription � laquelle il
n'�chappe que bien rarement. On l'exile du logement commun; on le force
� manger seul, et nul ne lui adresse la parole que pour lui prodiguer
les �pith�tes les plus dures et anath�matiser sa salet�. Les jeunes
marins, ceux que l'on appelle de _jolis matelots_, sont surtout soigneux
de leur chevelure: chaque matin on les voit passer, avec une
complaisance qui n'est pas toujours sans pr�tention, le peigne de buis
bien nettoy�, dans les longs tire-bouchons chevelus dont ils ont soin
d'encadrer leur figure quand ils descendent � terre pour faire ces
rapides conqu�tes dont ils ne sont pas toujours tr�s-fiers en revenant �
bord.
Il est pour les jeunes matelots un genre de coquetterie que l'on ne
s'expliquerait pas facilement, si l'on ne savait l'amour-propre que
chacun attache � la profession qu'il est forc� d'exercer.
Voici quel est ce raffinement d'�l�gance:
Quand un novice commence � travailler aux amarrages et � apprendre le
_matelotage_ sous la surveillance des _gabiers_ du bord, il ne se pare
jamais pour aller se promener, sans �viter de se laver trop les mains.
Souvent m�me, lorsqu'il craint d'avoir les doigts trop blancs, il se les
trempe dans du goudron pour compl�ter sa toilette. C'est un t�moignage
visible de ce qu'il peut faire comme matelot, qu'il veut laisser
subsister � c�t� du costume destin� � relever sa bonne mine. Comme le
travail qu'il sait faire l'honore � ses propres yeux, il croit que
l'indice de sa capacit� servira � le recommander � la consid�ration des
autres personnes, et m�me � la faveur des belles qu'il va courtiser.
Est-ce l� d�j� si mal penser, et n'y a-t-il pas dans ce calcul de
coquetterie du matelot, une opinion trop favorable de ce qui � terre
d�termine le plus souvent la pr�f�rence que les hommes et les femmes
accordent � tels ou tels individus, � tel ou tel genre de m�rite? Un
m�tier qui condamne ceux qui l'exercent � lutter sans cesse contre des
obstacles renaissans, ou � vaincre des incidens presque toujours
impr�vus, doit faire des marins les hommes les plus prompts et les plus
ing�nieux du monde. Un matelot est, au reste, l'�tre qui trouve le plus
vite le plus d'exp�diens possibles pour se tirer le mieux d'un mauvais
pas ou d'une situation critique.
Que quelques matelots soient jet�s sans ressource sur un rivage d�sert,
et si quelques heures apr�s leur naufrage ils ne se sont pas b�ti une
cabane, procur� du poisson ou du gibier, et s'ils ne sont pas parvenus �
allumer du feu, vous pourrez � coup s�r en conclure que la c�te sur
laquelle ils se sont sauv�s n'a ni bois, ni gibier, ni poisson. Les
vieux soldats, qui sont incontestablement des hommes � exp�diens,
mourraient peut-�tre de faim ou de mis�re, l� o� des marins trouveraient
encore � s'abriter, � se v�tir et � se nourrir assez convenablement.
C'est pendant les longues travers�es que l'on est surtout � port�e de se
convaincre du parti qu'ils savent tirer, pour eux-m�mes, des moindres
choses qu'on leur abandonne comme inutiles. Qu'un morceau de mauvaise
toile � _fourrure_ leur tombe sous la main, ils s'en font une casquette
ou un chapeau. Si l'on peint le navire, ils barbouillent leur chapeau de
toile des gouttes de peinture tomb�es sur le pont. Qu'un pantalon leur
manque, ils retournent le pantalon d'un de leurs camarades pour tailler,
sur les coupures du mod�le qu'ils d�cousent, les parties du v�tement
qu'ils veulent se faire. S'ils n'ont pu se procurer des aiguilles et du
fil, ils se feront une aiguille avec un clou, ou m�me avec du bois dur,
et du fil � coudre avec du fil � voile d�doubl�. Pour peu qu'un morceau
de basane, destin� � garnir les manoeuvres dormantes, soit mis au rebut,
ils s'en emparent pour composer les semelles des souliers qu'ils
confectionnent avec de la mauvaise toile. Long-temps avant que l'on
songe�t � fabriquer des capotes cir�es, les matelots s'�taient fait des
casaques inperm�ables, en goudronnant leurs _hulots_, et en passant, sur
la toile dont ils �taient faits, deux ou trois copieuses couches de
peinture.
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