Contes de bord by Édouard Corbière


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Page 2

Les matelots qui composent un nouvel �quipage ne se familiarisent bien
les uns avec les autres que lorsque quelque circonstance un peu d�cisive
est venue op�rer un rapprochement forc� entre eux, les r�unir c�te �
c�te, en leur offrant l'occasion de faire connaissance dans la pratique
du m�tier.

Au premier mauvais temps qu'on �prouve, les hommes qui ont �t� oblig�s
de monter ensemble sur une vergue pour prendre le dernier ris ou pour
serrer une voile que leur dispute la violence du vent, commencent � se
traiter avec bienveillance et quelquefois m�me avec courtoisie:
�Matelot, halez-moi, sans vous commander, un peu de toile au vent, pour
que je puisse bien _souquer_ mon empointure.

--Oui, matelot; avez-vous assez de _mou_ comme �a?

--Oui, c'est suffisant, mon ancien.

--Dites si vous en avez � votre id�e?

--C'est tout ce qu'il m'en faut.

--A la bonne heure!

L'intimit�, qui n'existait pas une minute avant de monter sur la vergue
de hune, se trouve ainsi �tablie, en descendant sur le pont, entre les
deux ou trois gaillards que l'officier a envoy�s en haut.

Les marins, assez grands amateurs, pour la plupart, de chants langoureux
et de romances plaintives, ne commencent ordinairement � fredonner leurs
airs favoris que lorsque le temps devient sombre et que le vent se
soul�ve et g�mit autour d'eux. On dirait que ces Bardes monotones de
l'Oc�an ont besoin d'�tre accompagn�s par le mugissement des vagues et
le hurlement de la temp�te, pour jeter au vent les accords de leur
triste m�lop�e. Rien au reste ne s'accorde mieux avec la sauvage
harmonie des �l�mens courrouc�s, que les complaintes m�lancoliques des
matelots; mais ce sont les vieux ma�tres d'�quipage surtout qui
paraissent ne retrouver les airs qu'ils ont appris �a et l�, que quand
la bourrasque souffle avec violence. Aussi entend-on quelquefois les
matelots r�p�ter, en entendant le ma�tre grommeler un lambeau de couplet
entre ses dents: �Ma�tre un tel chante sur le bossoir: nous aurons
bient�t du f...traud.�

L'eau dont on approvisionne les navires, pour une longue travers�e, est
m�nag�e � bord avec une parcimonie dont on se ferait difficilement une
id�e � terre. Cette habitude d'�conomiser cette partie si essentielle de
l'alimentation en mer, finit par exercer un tel empire sur les marins,
qu'il serait tr�s-rare de trouver un matelot qui p�t voir, m�me dans la
ville la mieux pourvue de fontaines, r�pandre inutilement l'eau la plus
abondante. Aussi faut-il voir la mine que font les gens de l'�quipage
aux passagers qui prodiguent, pour se laver la figure et les mains,
l'eau qu'ils prennent dans les pi�ces amarr�es sur le pont. Un ma�tre
d'�quipage disait � deux dames qui s'amusaient � se jeter au visage les
gouttes d'eau qu'elles avaient laiss�es dans leur verre: �Mes braves
dames, sans vous faire de la peine, je dirai que vous �tes sans
comparaison comme ces petits enfans qui jouent avec des armes � feu....
Peut-�tre avant qu'il soit quinze jours vous p�rirez faute de ces
gouttes d'eau que vous vous jetez actuellement par la mine.�

Jamais l'eau potable n'est employ�e � laver des effets; on se contente
d'en prendre un quart de verre pour se faire la barbe. L'eau de mer sert
aux ablutions que prescrit la propret�.

Quand un nuage, pouss� au-dessus du navire par le vent qui souffle,
promet de la pluie, les hommes qui sont sur le pont tendent des
_pr�lars_, pi�ces de toiles goudronn�es, pour recevoir l'ond�e qui se
pr�pare. Les dallots, les trous par lesquels l'eau qui coule sur le pont
pourrait s'�chapper, sont bouch�s soigneusement. Chacun prend son linge
sale, s'arme d'une brosse � manche, et se dispose � faire la lessive.
C'est dans ces momens que les passag�res, qu'effraie la musculaire
nudit� des matelots, doivent se retirer dans leur chambre; car alors il
est d'usage que chaque homme ne garde sur lui que son pantalon. La
veste, la chemise, la cravatte, tout est plac� � l'abri sous la chaloupe
ou dans le fond du chapeau. La pluie peut tomber sur les �paules de ces
lessiviers intr�pides. Pendant qu'ils prennent un bain et que l'onde
ruisselle sur leur dos, ils lavent avec impassibilit� les effets qu'ils
�treignent sous leurs pieds, et souvent la brosse qui a servi � frotter
leur casaque ou leur chemise, passe sur l'omoplate et les reins du
voisin. Chacun se fait un plaisir de frictionner ainsi son matelot, qui
lui rend la pareille de la meilleure gr�ce possible.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 29th Mar 2024, 12:51