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Page 1
Une fois ce changement de costume op�r�, notre homme montre sa t�te au
capot. Sa physionomie semble aussi s'�tre m�tamorphos�e avec son
costume. A l'air s�millant et galant qu'il affectait encore en montant
avec souplesse � bord, a succ�d� un calme m�ditatif ou le ton d'un peu
de mauvaise humeur. Il va ordinairement se joindre � la file des
promeneurs qui s'est d�j� form�e sur le pont, pour parcourir, en
revirant de bord � chaque instant, les dix ou douze pas que la longueur
des passavans permet de faire � chacun. Il parle peu d'abord; il ne
chante pas encore: il attend que la voix de l'officier de quart lui
ordonne de prendre la barre ou de monter larguer un perroquet, prendre
un ris, carguer ou amurer une basse-voile; c'est alors seulement qu'il
para�tra, en agissant avec activit�, se d�rouiller, et reprendre un peu
les habitudes du bord; car tout le temps qu'il restera oisif, il
semblera �tre encore tourment� des souvenirs de la terre. J'ai vu
d'anciens marins soupirer trois ou quatre heures encore apr�s le d�part.
La plupart d'entre eux cependant se r�signent avant cela.
Quand l'heure du premier repas vient, on se presse autour de la gamelle
dans laquelle fume la soupe que vient de tremper le _cook_ (le
cuisinier); mais la ga�t� ne pr�side pas encore � ce d�ner ou � ce
souper presque improvis�. L'ordre y manque surtout: c'est sa cuiller
qu'il faut chercher; c'est un endroit commode qu'il faut trouver sur le
pont, pour y assuj�tir la gamelle et ne pas exposer le pr�cieux potage �
�tre renvers� par un coup de roulis ou submerg� par un _revolis_ de
lame. Cette place commode, on ne la rencontre jamais bien la premi�re
fois; aussi la gamelle est-elle transport�e d'un bord � l'autre, suivie
par les six ou sept marins qui doivent y puiser, le clair bouillon de la
chaudi�re. Jamais cette premi�re soupe de la travers�e n'est trouv�e
bonne: le cuisinier l'a manqu�e. Un des gastronomes lui reproche de
n'avoir pas assez forc� sur le poivre; un autre, d'avoir fait aller trop
_de l'avant_ le _consomm�_ de l'�quipage. Quand la ration de viande
fra�che, travers�e d'une broche en bois, arrive ficel�e d'un bout de fil
� voile qui a bouilli avec elle, c'est encore pis: elle n'est pas
mangeable!... le cuisinier ne l'a pas mise assez t�t dans la marmite,
ou l'a laiss�e se s�cher dans la chaudi�re, comme de l'�toupe. L'un se
l�ve, irrit� de la maladresse du cook; l'autre, plus indign�, jette sa
ration par-dessus le bord. Le cook s'excuse en all�guant l'impossibilit�
de faire de bonne soupe dans une chaudi�re neuve, et de faire cuire �
point une viande _coriace_, avec un _feu_ qu'il ne conna�t pas bien
encore. Vingt accusateurs sont l� pour lui r�pondre que la viande est
bonne et que c'est lui seul qui est _mauvais_. Il faut que le quart de
vin, distribu� � chaque m�content par le mousse _du plat_, passe
par-dessus cette petite contrari�t�, pour que les convives cessent de
gourmander le pauvre cook, qui ne trouve de refuge contre l'unanimit�
des plaintes, qu'en se renfermant dans la cabane, dans l'esp�ce
d'�choppe qui lui sert � la fois d'office, de laboratoire et de cuisine.
Cette cabane en bois, plac�e et amarr�e sur le pont, est surmont�e d'un
capuchon en t�le par lequel s'�chappe la fum�e qui s'exhale des
fourneaux; mais il faut, pour que cette fum�e s'envole avec le vent qui
enfle les voiles, que le tuyau du capuchon soit toujours tourn�, ou pour
mieux dire _orient�_ selon la direction de la brise que l'on re�oit.
Ainsi, chaque fois que l'on vire de bord, le cuisinier doit faire
�voluer aussi sur sa base le tuyau mobile dont la manoeuvre lui est
confi�e. Pour peu que le pauvre diable ait indispos� les gens de
l'�quipage, dans le d�but de la travers�e, c'est � la manoeuvre du
capuchon qu'ils l'attendent, pour le tourmenter et signaler sa
n�gligence au capitaine ou � l'officier de quart.
Vient-on � virer de bord, � changer d'allure, si le chef est en retard
dans l'�volution de son tuyau de cuisine, aussit�t on entendra une
grosse voix de matelot lui crier: �Allons donc, _br�le-chaudi�re_,
orienterez-vous votre capuchon aujourd'hui? Jamais ce marmiton ne peut
revirer de bord avec le navire! Il y a deux heures de diff�rence entre
la manoeuvre de boutique et celle du bord!...
--Non, ajoute un autre censeur, tu ne vois pas qu'il lui faudra un
officier de manoeuvre pour faire envoyer vent-devant � son cabanon de
cuisine, quand on _enverra_ de l'autre bord, � bord du b�timent!�
Alors le malheureux chef sort tout enfum�, l'oeil rouge et la bouche
tombante, de sa chaude cahutte, pour grimper sur la toiture de son
fragile �difice, et orienter selon la brise le maudit capuchon qui lui a
d�j� attir� tant de reproches, sans compter ceux qu'il lui fera essuyer
tout le long de la travers�e. Mais il faut voir, avant qu'il ait tourn�
l'appareil du tuyau dans le sens voulu, le regard interrogant qu'il
jette de son oeil piteux sur l'horizon, pour voir de quel c�t� vient le
vent, et sur quel bord il fera pirouetter sa machine!
Le mousse de la chambre et le cuisinier sont les deux martyrs du bord.
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