Contes de bord by Édouard Corbière


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Page 20

Le lieutenant hausse les �paules en faisant une grimace qui signifie:
�Ma foi, je n'en sais rien.�

_�Branle-bas g�n�ral de combat!�_ dit le commandant.

Le premier lieutenant ajoute: _�Chacun � son poste: les gens de la
batterie � la batterie, les gens de la manoeuvre � la manoeuvre.�_

Les officiers et les aspirans de la batterie descendent. Les autres
courent � leurs pi�ces sur les gaillards. Il se fait � bord un
remue-m�nage qui surprend assez d�sagr�ablement les passagers. Quelques
minutes apr�s l'ordre donn�, le lieutenant annonce au commandant que
tout est pr�t pour le combat.

�Messieurs les passagers, et vous mesdames, dit le lieutenant en
s'adressant au groupe des voyageurs plant�s mornes et silencieux sur le
gaillard d'arri�re, voudriez-vous descendre dans la cale ou dans la
sainte-barbe, pour ne pas g�ner la manoeuvre ou pour vous rendre utiles,
si vous le voulez, au pansement des bless�s ou � la distribution des
poudres?

--Mais monsieur, dit le pl�nipotentiaire, je demanderai � monsieur le
commandant la faveur de rester encore un peu sur le pont, apr�s avoir
conduit ces dames en lieu de s�ret�?�

Le commandant ne r�pond rien: il a bien autre chose � faire que de
s'occuper de monsieur son passager!

Celui-ci descend dans le faux-pont avec madame son �pouse. En passant
dans la batterie, il voit une centaine de gaillards rang�s le long d'une
file de canons bien d�marr�s et bien charg�s. Les m�ches sont allum�es:
les officiers se prom�nent le sabre en main, sans dire mot. Un parfum de
poudre et une odeur de carnage semblent d�j� se r�pandre dans cette
batterie si longue et si basse. Le passager se rend dans le faux-pont.
L� c'est bien un autre spectacle! Trois chirurgiens, les manches
retrouss�es, pr�parent, sur une longue table couverte de charpie et de
bandelettes, leurs larges couteaux et leurs scies � amputation. Ils se
disposent � nager dans le sang qui va couler. L'un d'eux, � l'aspect de
notre ambassadeur, lui dit en plaisantant, et en lui montrant un couteau
bien affil�: �Eh bien! monsieur l'ambassadeur, est-ce vous qui
m'�trennerez?...� Le passager sourit, mais du bout des l�vres, pour
accueillir cette saillie le plus ga�ment possible. Mais il fait
comprendre, par un signe, � l'Esculape goguenard, qu'il ne faut pas
effrayer les dames qui viennent chercher un refuge dans la cale.
L'Esculape se tait; mais, comme on dit proverbialement, il _n'en pense
pas moins_ sur le compte du passager, qui para�t un peu �mu.

Apr�s avoir plac� ses dames en s�ret�, l'ambassadeur remonte sur le
pont, en passant toutefois par l'escalier de l'avant, car l'aspect des
instrumens de chirurgie �tal�s sur l'arri�re du faux-pont a produit sur
lui une impression d�sagr�able. Tous ces cadres tendus pour recevoir
bless�s, tant d'hommes qui sont encore si bien portans, si pleins
d'ardeur, lui font faire des r�flexions p�nibles. Il aime mieux encore
voir l'appareil du combat dans toute sa majest�, que tous ces
pr�paratifs qui n'attestent que trop les tristes r�alit�s qui
accompagnent les illusions de la gloire.

En montant sur le pont et en regagnant le gaillard d'arri�re, il
s'aper�oit que la sc�ne est chang�e: le navire, qu'il avait quitt� �
quelques port�es de canon, n'est plus qu'� une port�e de fusil de la
fr�gate. Les deux b�timens s'observent en continuant silencieusement
leur route parall�le. La mer, qu'ils font clapotter le long de leurs
bords, est douce et tranquille; la brise se joue dans le pavillon et les
voiles qu'elle enfle gracieusement. Quel repos et quelle harmonie sur
les flots, dans les airs et sous le ciel! Et c'est au sein de ce calme
si d�licieux que deux �quipages vont bient�t se massacrer, que le sang
humain va rougir la blanche �cume des vagues que ces deux navires
sillonnent encore en paix.... Cette id�e fait fr�mir notre passager;
mais il la repousse comme une faiblesse: il se passe la main sur le
front comme pour chasser loin de lui toute pens�e indigne du courage
dont il veut faire preuve.... Il observe le commandant, dont l'air est
calme, dont la contenance est ferme.

�Eh bien! mon brave commandant, que pensez-vous que puisse �tre ce
navire?

--Je ne pense rien, mais je me pr�pare � tout �v�nement.

--Ce n'est probablement qu'une fr�gate anglaise?

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 12:31