|
Main
- books.jibble.org
My Books
- IRC Hacks
Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare
External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd
|
books.jibble.org
Previous Page
| Next Page
Page 14
Le roi, en visitant l'�le, avait vu du coin de l'oeil qu'il y avait de
gros rats partout, comme � bord d'une vieille carcasse de navire. Il
demanda � son souper, pendant plusieurs jours, � manger du lard grill�.
Et puis la nuit, sous pr�texte d'un besoin, il allait graisser, avec le
reste de ce lard, le pied des haubans qui soutenaient le m�t du tr�ne de
l'empereur. Vous sentez bien que lorsque les rats, qui sont friands, se
mirent � flairer l'odeur de cette graisse, ils ne manqu�rent pas de
rogner le bas des haubans. Les dents de ces animaux jou�rent tant, qu'en
moins de quarante-huit heures les bas-haubans ne tinrent plus qu'� un
fil carr�. C'est alors que le roi, un jour qu'il ventait bonne brise, se
mit � dire par mani�re d'acquit � l'empereur: �Je voudrais bien savoir
si Votre Majest� aurait assez de toupet, au moment o� l'on y pense le
moins, pour faire venir tout son peuple autour de son tr�ne.
--Crois-tu donc, camarade, que ce soit si difficile?
--Non, rien ne vous est difficile � vous; mais je voudrais bien le voir
tout de m�me.�
Voil� que, sans ajouter un mot, l'empereur monte en vrai gabier sur son
tr�ne, son porte-voix de combat � la main. Mais, en mettant le pied sur
ses enfl�chures, il vint � penser � la parole que la vieille sorci�re,
que vous savez bien, lui avait dite avant son embarquement: �Le navire
ne p�rira que par son gr�ement, rognona-t-il en montant. Il vente bonne
brise aujourd'hui, et mes gueux de ministres ne visitent pas souvent mon
haubantage: c'est �gal, il ne s'agit pas de caponner devant le roi. En
descendant, je ferai pendre les principaux de l'�tat.�
Au commandement de l'empereur, grimp� sur son tr�ne, tout le peuple vint
en courant, comme vous autres, sans comparaison, quand on commande le
branle-bas g�n�ral de combat � bord. Mais au moment o� les habitans se
poussaient comme des moutons au pied du m�t du tr�ne, ne voil�-t-il pas
que les haubans larguent du bord du vent, et que le m�t, qui n'est plus
soutenu contre la raffale qui soufflait dur, craque en deux endroits, et
qu'il tombe avec l'empereur au bout! Je vous demande un peu quel boucan
de cinq cent mille diables cette avarie fit dans l'�le! Le corps de
l'empereur fut trouv� en quatre morceaux au milieu des parias du peuple,
que la cassure du m�t du tr�ne avait �cras�s comme des mouches. Mais la
t�te de Nasica tenait encore � ses �paules par ce tas de petits fils �
voile en chair que nous avons dans le cou; et avant de fermer les
sabords (les yeux) de sa batterie, il dit � ses ministres, qui �taient
venus pour le relever: �Mes amis, la vieille sorci�re avait raison:
c'est par le gr�ement que mon navire a p�ri. Mais vous �tes tous des tas
de gredins de n'avoir pas fait la visite de mes bas-haubans; et si
j'avais seulement dix minutes de plus � vivre, je vous trouverais
joliment votre marche.... Bonsoir....�
C'est de cette fa�on que finit le Roi-Matelot. On l'enterra comme un
chien, mais ce n'est pas l'enterrement qui fait quelque chose �
l'affaire: une fois mort, tous les logemens sont bons. Ce conte est
seulement pour vous apprendre que, si jamais vous devenez roi, ce qui
n'est pas _aussi s�r_ que du vinaigre, et que vous vous mettiez dans la
t�te de gouverner votre royaume comme un navire, il ne faudra jamais
oublier de visiter vous-m�me votre gr�ement tous les matins. Les
ministres, c'est bon, si l'on veut; mais le coup-d'oeil du capitaine
vaut encore mieux. C'est celui qui est charg� de la route qui doit
regarder le plus souvent au compas et se m�fier des embard�es.
Cric! crac! le conte est fini.... Tant pis pour ceux qui ont dormi;
attrape � taper de l'oeil, et dorment en double ceux qui sont de quart �
minuit!
Un murmure d'approbation s'�leva, apr�s la narration du conteur, des
hamacs de tous les auditeurs qui avaient pr�t� jusqu'au bout la plus
scrupuleuse attention aux paroles du canonnier. Les r�flexions morales
sur l'impr�voyance du Roi-Matelot ne manqu�rent pas. La critique
d'artiste vint apr�s. Les uns trouvaient que le conte �tait trop long:
c'�taient ceux qu'on devait appeler au quart � minuit. Les autres
Aristarques trouvaient que les �v�nemens p�chaient surtout par
l'invraisemblance. Comment une �le d�serte pouvait-elle avoir dix mille
habitans? Le moyen de croire que dans une �le tant de sauvages n'eussent
pas essay�, avant l'arriv�e du _chr�tien_, � faire des pirogues pour
visiter les autres insulaires du voisinage! Le conte du canonnier �tait
�videmment une folie; et puis _ce m�t du tr�ne_, et puis _ce long nez_,
cause premi�re de la fortune du _Roi-Matelot_, et cette sorci�re qui,
sans savoir ce que c'�tait qu'un navire, avait pr�dit au monarque _que
le navire p�rirait par_ _son gr�em�nt_! Tout cela �tait de
l'_embrouillamini_; mais, quelque s�v�res que fussent ces critiques,
chacun convenait que le conteur avait une _bonne platine_, et _que la
citoyenne qui lui avait coup� le filet avait bien, gagn� son argent_!
Previous Page
| Next Page
|
|