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Page 59
En passant devant le petit salon, il aper�ut par la porte
entrouverte Pascalon, assis � une table, la t�te dans ses mains,
tr�s occup� � feuilleter un dictionnaire.
�Que faites-vous l�, enfant?�
Le fid�le secr�taire lui apprit le scandale caus� par son brusque
d�part, les chuchotements indign�s autour de la table et surtout
une certaine phrase myst�rieuse du lieutenant Shipp, que le
commodore avait fait r�p�ter et dont ils s'�taient tous tant
�gay�s.
�Quoique j'entende passablement l'anglais, je n'ai pas bien saisi
ce que cela voulait dire, mais j'ai retenu les mots et je suis en
train de reconstituer la phrase.�
Pendant ces explications Tartarin s'�tait couch�, bien �tendu dans
son lit, bien � l'aise, la t�te envelopp�e de son foulard, un
grand verre d'eau de fleur d'oranger, et il demanda, en allumant
la pipe qu'il fumait tous les soirs avant de s'endormir:
��tes-vous venu � bout de votre traduction?
-- Oui, mon bon ma�tre, la voici: _En somme, le type tarasconnais,
c'est le Fran�ais grossi, exag�r�, comme vu dans une boule de
jardin_.
-- Et vous dites qu'ils ont tant ri l�-dessus?
-- Tous, le lieutenant, le docteur, le commodore lui-m�me, ils ne
s'arr�taient pas de rire.�
Tartarin haussa les �paules avec une moue de piti�.
�Il se conna�t que ces Anglais n'ont pas souvent occasion de rire,
pour s'amuser de b�tises pareilles! Allons, bonsoir, mon enfant,
va te coucher.�
Et bient�t tous deux furent partis dans les r�ves o� l'un
retrouvait sa Clorinde, l'autre la dame du commodore, car Likiriki
�tait d�j� bien loin.
Les jours suivaient les jours, se groupaient en semaines, et le
voyage continuait, une travers�e charmante, d�licieuse, o�
Tartarin, qui aimait tant � inspirer la sympathie, l'admiration,
les sentait autour de lui sous les formes les plus vari�es.
C'est lui qui aurait pu dire comme Victor Jacquemont[8] dans sa
correspondance: �Que ma fortune est bizarre avec les Anglais! Ces
hommes, qui paraissent si impassibles et qui entre eux demeurent
toujours si froids, mon abandon les d�tend aussit�t. Ils
deviennent caressants malgr� eux et pour la premi�re fois de leur
vie, je fais des bonnes gens, je fais des Fran�ais de tous les
Anglais avec lesquels je reste vingt-quatre heures.�
Tout le monde, � bord, l'arri�re comme l'avant du _Tomahawk_,
officiers et matelots l'adoraient; il n'�tait plus question de
prisonnier de guerre, de proc�s devant les tribunaux anglais; on
devait le rel�cher d�s qu'on arriverait � Gibraltar.
Quant au farouche commodore, enchant� d'avoir trouv� un partenaire
de la force de Pascalon, il le tenait le soir, pendant des heures,
devant l'�chiquier, ce qui d�sesp�rait l'infortun� soupirant de
Clorinde et l'emp�chait d'aller lui porter, � l'avant, des
friandises de son d�ner.
Car les pauvres Tarasconnais, eux, continuaient � mener leur
triste vie d'�migrants, toujours parqu�s dans leur chiourme, et
c'�tait la tristesse, le remords de Tartarin, lorsqu'il p�rorait
sur la dunette ou fusait sa cour, � l'heure m�lancolique du
couchant, de voir au loin, en contre-bas, ses compatriotes
entass�s comme un vil b�tail, sous la garde d'une sentinelle,
d�tournant leurs regards de lui avec horreur, surtout depuis le
jour o� il avait tir� sur la Tarasque.
Ils ne lui pardonnaient pas ce crime, et lui non plus ne
l'oubliait pas, ce coup de fusil qui devait lui porter malheur.
On avait pass� le d�troit de Malacca, la mer Rouge, doubl� la
pointe de Sicile; on approchait de Gibraltar.
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