Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 58

Malgr� le _cant _et_ _la discipline, toute la table s'esclaffait,
trouvait le Gouverneur d�licieux.

Tout � coup les vins apparurent. Aussit�t lady William quitta la
salle, et Tartarin, jetant brusquement sa serviette, se retira �
son tour sans saluer, sans s'excuser, conform�ment � la l�gende
napol�onienne.

Les Anglais se regard�rent avec stupeur, �changeant quelques mots
� voix basse.

�Son Excellence ne boit jamais de vin...,� dit Pascalon, qui crut
devoir expliquer la sortie de son bon ma�tre et prendre la parole
� sa place.

Il tarasconnait fort agr�ablement lui aussi et, tout en tenant
t�te aux Anglais pour boire le _claret_, il les �gayait, les
frictionnait de sa verve joyeuse et de sa chaude pantomime.

Puis, lorsqu'on se leva de table, se doutant bien que Tartarin
�tait mont� sur le pont rejoindre lady Plantagenet, il s'offrit
insidieusement pour faire la partie du commodore, grand amateur
d'�checs.

Les autres convives du d�ner causaient et fumaient autour d'eux;
et � un moment, le lieutenant Shipp ayant chuchot� au docteur une
dr�lerie qui le fit beaucoup rire, le commodore leva la t�te:

�Qu'est-ce qu'il a dit, ce Shipp?� Le lieutenant r�p�ta sa phrase,
et l'on rit encore plus fort sans que Pascalon p�t comprendre de
quoi il s'agissait.

L�-haut, pendant ce temps, appuy� au fauteuil de lady William,
dans le parfum de la brise mourante et l'�blouissant reflet sur la
mer, sur le pont du navire, d'un soleil couchant qui suspendait �
tous les cordages des gouttelettes de groseille, Tartarin
racontait ses amours avec la princesse Likiriki, et leur
s�paration d�chirante. Il savait que les femmes aiment � consoler,
et que porter ses chagrins de coeur en �charpe est la meilleure
fa�on de r�ussir aupr�s d'elles.

Oh! la sc�ne des adieux entre la petite et lui, chuchot�e de tout
pr�s par Tartarin dans le myst�re du cr�puscule! Qui n'a pas
entendu cela n'a rien entendu.

Je ne vous affirmerai pas que le r�cit f�t absolument exact, que
la sc�ne ne f�t pas un rien arrang�e; mais, en tout cas, c'�tait
comme il aurait voulu que cela f�t, une Likiriki passionn�e et
br�lante, la pauvre princesse prise entre ses sentiments de
famille et son amour conjugal, s'accrochant au h�ros de ses
petites mains d�sesp�r�es:

�Emm�ne-moi! emm�ne-moi!�

Lui, le coeur broy�, la repoussant, s'arrachant � ses �treintes
�Non, mon enfant, il le faut. Reste avec ton vieux p�re, il n'a
plus que toi,...�

En racontant ces choses, il versait de vraies larmes et il lui
semblait que les beaux yeux cr�oles lev�s vers lui se mouillaient
� son r�cit, pendant que le soleil, lentement descendu dans la
mer, laissait l'horizon noy� dans une bu�e violette.

Soudain des ombres s'approch�rent, et la voix du commodore,
coupante, glaciale, rompit le charme:

�Il est tard, il fait trop frais pour vous, ma ch�re, il faut
rentrer.�

Elle se leva, s'inclina l�g�rement:

�Bonne nuit, monsieur Tartarin!�

Et il resta tout �mu de la douceur qu'elle avait mise dans cette
parole.

Pendant quelques instants encore il se promena sur le pont,
entendant toujours ce �Bonne nuit, monsieur Tartarin!� Mais le
commodore avait raison, le soir fra�chissait rapidement, il prit
le parti d'aller se coucher.

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 1:52