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Page 57
Pascalon aurait voulu aussi endosser son manteau de premi�re
classe, mais le ma�tre ne fut pas de cet avis; lui-m�me ne
passerait pas le cordon de l'Ordre.
�Ce n'est pas le Gouverneur qu'on invite, dit-il � son secr�taire,
c'est Tartarin. Il y a une nuance.�
Ce diable d'homme comprenait tout.
Le d�ner fut vraiment princier, servi dans une vaste salle �
manger, toute reluisante, richement meubl�e en thuya et en �rable,
et pour cloisons, pour plancher, de ces jolies boiseries
anglaises, si fines, si minutieuses, dont les minces lamelles
semblent s'embo�ter comme des joujoux.
Tartarin �tait assis � la place d'honneur, � la droite de lady
William. Peu de monde invit�, seulement le lieutenant Shipp et le
docteur du bord, qui comprenaient le fran�ais. Un domestique en
livr�e nankin, raide, solennel, se tenait debout derri�re chaque
convive. Rien de riche comme le service des vins, la massive
argenterie aux armes des Plantagenet, et au milieu de la table un
magnifique surtout garni des orchid�es les plus lares.
Pascalon, tr�s intimid� au milieu de tout ce luxe, b�gayait
d'autant plus qu'il se trouvait toujours la bouche pleine au
moment o� on lui adressait la parole.
Il admirait l'aisance tranquille de Tartarin en face de ce
commodore aux babines de chat-tigre, aux yeux verts stri�s de sang
sous des cils d'albinos.
Mais le Tartarin, bon traqueur de fauves, se moquait un peu des
chats-tigres, et faisait sa cour � lady Plantagenet avec autant
d'empressement et de gr�ce que si le commodore e�t �t� � cent
lieues de l�. Milady, de son c�t�, ne cachait pas sa sympathie
pour le h�ros et le regardait avec des yeux tendres, des yeux
extraordinaires.
�Les malheureux! Le mari va tout voir,� se disait � chaque instant
Pascalon.
Eh bien, non, le mari ne voyait rien, et semblait lui aussi
prendre un plaisir extr�me aux r�cits du grand Tarasconnais.
Sur un d�sir de lady William, Tartarin conta l'histoire de la
Tarasque, sainte Marthe et son ruban bleu; il parla de son peuple,
dit la race tarasconnaise, ses traditions, son exode; puis il
exposa son gouvernement, ses projets, ses r�formes, le nouveau
code qu'il pr�parait. Un code, par exemple, c'�tait bien la
premi�re fois qu'il lui arrivait d'en parler, m�me � Pascalon;
mais sait-on jamais tout ce que roulent ces vastes cervelles de
conducteurs de peuples!
Il fut profond, il fut gai, il chanta des airs du pays, Jean de
Tarascon pris par les corsaires, ses amours avec la fille du
sultan.
Pench� vers lady William, de quel vibrant et br�lant �� mi-voix�
il lui fredonnait le couplet:
�_On dit qu'en �tant g�n�ral d'arm�e, -- la t�te enram�e -- avec
du laurier, la fille du roi jolie et luisante, -- de lui
amoureuse, -- un jour lui disait..._
La languissante cr�ole, si p�le d'ordinaire, en devenait toute
rose.
Puis, la chanson finie, elle voulut savoir ce que c'�tait que la
farandole, cette danse dont les Tarasconnais parlent toujours.
�Oh mon Dieu, c'est bien simple, vous allez voir...,� fit le bon
Tartarin.
Et, voulant m�nager l'effet pour lui tout seul, il dit � son
secr�taire:
�Restez, vous, Pascalon.�
Il s'�tait lev�, il esquissa un pas en le rythmant sur un air de
farandole, _Ra-pa-taplan, pa-ta-tin, pa-ta-tan... _Malheureusement
le navire tanguait: il tomba, se releva, toujours de bonne humeur,
et fut le premier � rire de sa m�saventure.
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