Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 55

Elle se trouvait � deux cent cinquante ou trois cents m�tres
environ, et tant�t se montrait, tant�t disparaissait, suivant le
mouvement de la mer, moutonnante et tr�s lourde, ce qui rendait le
tir difficile.

Apr�s quelques coups de feu, dont les gabiers dans les enfl�chures
annon�aient les r�sultats, elle n'avait pas encore �t� touch�e,
car elle continuait � jouer, � cabrioler au ras de l'eau, et tout
le monde regardait, m�me les Tarasconnais, qui grelottaient l�-bas
� l'avant, arros�s, tremp�s, bien plus expos�s aux �claboussures
des coups de mer que les gentlemen de l'arri�re.

M�l� aux jeunes officiers, qui essayaient leur adresse, Tartarin
jugeait les coups:

�Trop loin!... trop court!...

-- Si vous tiriez, ma�...a�tre?� b�la Pascalon.

Aussit�t, d'un geste vif de jeunesse, un midship se tourna vers
Tartarin:

�Voulez-vous, monsieur le Gouverneur?�

Il offrait sa carabine; et ce fut quelque chose, la fa�on dont
Tartarin prit l'arme, la soupesa, l'�paula, tandis que Pascalon
demandait, fier et timide:

�Combien comptez-vous pour la baleine?

-- Je n'ai pas souvent tir� ce gibier-l�, r�pondit le h�ros, mais
il me semble qu'on peut compter dix.�

Il visa, compta dix, tira et rendit la carabine � l'officier.

�Je crois qu'elle en a, dit le midshipman.

-- Hurrah!... criaient les matelots.

-- Je le savais,� dit Tartarin, modeste.

Mais � ce moment des hurlements �pouvantables remplirent l'air,
une bousculade enrag�e qui fit accourir le commandant, croyant �
quelque assaut de son bord par une bande de pirates. Les
Tarasconnais de l'avant bondissaient, gesticulaient, vocif�rant
tous ensemble dans le bruit du vent et des vagues.

�La Tarasque... Il a tir� sur la Tarasque... Il a tir� sur la
m�re-grand...

-- _Outre! _Que disent-ils donc?� fit Tartarin, qui p�lissait.

� dix m�tres maintenant du navire, la Tarasque de Tarascon, la
monstrueuse idole, dressait au-dessus des flots verts son dos
squameux, sa t�te chim�rique au rire f�roce et vermillonn�, aux
yeux sanglants.

Faite de bois tr�s dur, solidement charpent�e, elle tenait la lame
depuis le jour o�, comme on le sut plus tard, un coup de mer
l'avait arrach�e du pont de Scrapouchinat. Elle roulait au gr� de
tous les courants marins, luisante, algueuse, coquillageuse, mais
sans avarie, �chapp�e aux typhons les plus �pouvantables, intacte,
indestructible; et sa premi�re, son unique blessure, �tait celle
que Tartarin de Tarascon venait de lui faire...

Lui! � elle! La cicatrice toute fra�che apparaissait au milieu du
front de la pauvre m�re-grand!

Un officier anglais s'exclama:

�Regardez donc, lieutenant Shipp, quel dr�le d'animal est-ce que
cela?

-- C'est la Tarasque, jeune homme, dit Tartarin solennel. C'est
l'a�eule, la grand'm�re v�n�rable de tout bon Tarasconnais.�

L'officier resta stup�fait, et il y avait de quoi, en apprenant
que ce monstre bizarre �tait la grand'm�re de l'�trange peuplade
noiraude et moustachue, recueillie sur une �le sauvage � cinq
mille lieues en mer.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 19:38