Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 52

Un ma�tre d'h�tel, deux ou trois domestiques, �taient attach�s �
la personne de Son Excellence, qui acceptait ces honneurs du plus
beau sang-froid, et � chaque nouvelle pr�venance r�pondait
�Parfaite _main_!�_ _d'un ton de souverain habitu� � tous les
respects et � toutes les sollicitudes.

Au moment o� on leva l'ancre, Tartarin monta sur le pont, malgr�
la pluie, pour dire un dernier adieu � son �le.

Elle lui apparut confus�ment, dans le brouillard, assez distincte
cependant � travers ce voile gris pour qu'on p�t entrevoir le roi
N�gonko et ses bandits en train de piller la ville, la R�sidence,
et de danser sur le rivage une farandole effr�n�e.

Tous les cat�chum�nes du P�re Bataillet, sit�t le missionnaire et
les gendarmes partis, retournaient � leur bon instinct de nature.

Pascalon crut m�me reconna�tre, au milieu des danses, la gracieuse
silhouette de Likiriki, mais il n'en dit rien, de peur d'affliger
son bon ma�tre, qui semblait du reste fort indiff�rent � tout
cela.

Tr�s calme, les mains au dos, dans une historique et marmor�enne
attitude, le h�ros tarasconnais regardait devant lui sans voir de
plus en plus pr�occup� des analogies de sa destin�e avec celle de
Napol�on, s'�tonnant de d�couvrir entre le grand homme et lui
mille points de ressemblance, m�me des faiblesses communes dont il
convenait tr�s simplement.

�Ainsi, tenez, disait-il � son petit Las Cases, Napol�on avait des
col�res terribles; moi de m�me, surtout dans mon jeune temps...
Par exemple, cette fois, au caf� de la Com�die, o�, discutant avec
Costecalde, j'envoyai d'un coup de poing sa tasse et la mienne en
mille miettes...

-- Bonaparte � L�oben!... remarqua timidement Pascalon.

-- Tout juste, mon enfant, fit Tartarin avec un bon sourire.

Mais, en y songeant, c'est par l'imagination, leur fougueuse
imagination m�ridionale, que l'Empereur et lui s'�taient le plus
ressembl�s. Napol�on l'avait grandiose, d�bordante, � preuve sa
campagne d'�gypte, ses courses dans le d�sert sur un chameau, --
encore une similitude frappante, ce chameau, -- sa campagne de
Russie, son r�ve de la conqu�te des Indes.

Et lui, Tartarin, son existence tout enti�re n'�tait-elle pas un
r�ve fabuleux!...

Les lions, les nihilistes, la Jungfrau, le gouvernement de cette
�le � cinq mille lieues de France! Certes il ne contestait pas la
sup�riorit� de l'Empereur, � certains points de vue; mais lui, du
moins, n'avait pas fait verser le sang, des fleuves de sang! ni
terrifi� le monde comme _l'otre..._

Cependant l'�le disparaissait au loin, et Tartarin, appuy� contre
le bastingage, continuait � parler � haute voix pour la galerie,
pour les matelots qui enlevaient les escarbilles tomb�es sur le
pont, pour les officiers de quart qui s'�taient rapproch�s.

� la longue, il devenait ennuyeux. Pascalon lui demanda la
permission d'aller � l'avant se m�ler aux Tarasconnais, dont on
apercevait de loin quelques groupes constern�s sous la pluie,
afin, disait-il, de savoir un peu ce qu'ils pensaient du
Gouverneur, surtout dans l'esp�rance de glisser � sa ch�re
Clorinde quelques mots d'encouragement et de consolation.

Une heure plus tard, en revenant, il trouva Tartarin install� sur
le divan du petit salon, � l'aise, en cale�on de flanelle et
foulard de t�te, comme chez lui � Tarascon, dans sa petite maison
du Cours, en train de fumer pipette devant un d�licieux sherry-
gobbler.

D'une humeur adorable, le ma�tre demanda:

�H� bien, qu'est-ce qu'ils vous ont dit de moi, ces braves gens?�

Pascalon ne cacha pas qu'ils lui avaient paru tous �tr�s mont�s!�

Empil�s dans l'entrepont de l'avant comme des bestiaux, mal
nourris, durement trait�s, ils rendaient le Gouverneur responsable
de toutes leurs d�convenues.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 13:31