Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 31

Cette motion de Franquebalme, qui mettait tout le monde d'accord,
une fois adopt�e, sans plus tarder on fit commencer le vote.

Une grande agitation se produisit sur le pont et dans les cabines,
d�s qu'on sut de quoi il s'agissait. On n'entendait que plaintes
et g�missements. Ces pauvres gens avaient mis leur avoir en
l'achat des fameux hectares: allaient-ils donc tout perdre,
renoncer � ces terres qu'ils avaient pay�es, � leur espoir de
colonisation. Ces raisons d'int�r�t les poussaient � rester, mais
aussit�t un regard sur le sinistre paysage les jetait dans
l'h�sitation. La grande baraque en ruines, cette verdure noire et
mouill�e derri�re laquelle on s'imaginait le d�sert et les
cannibales, la perspective d'�tre mang�s comme Cambalalette, rien
de tout cela n'�tait encourageant, et les d�sirs se tournaient
alors vers la terre de Provence, si imprudemment abandonn�e.

La foule des �migrants remplissait le navire d'un grouillement de
fourmili�re d�vast�e. La vieille douairi�re d'Aigueboulide errait
sur le pont, sans l�cher sa chaufferette ni sa perruche.

Au milieu de la rumeur des discussions qui pr�c�daient le vote, on
n'entendait que des impr�cations contre le Belge, le sale Belge...
Ah! Ce n'�tait plus M. le duc de Mons!... Le sale Belge... On
disait cela les dents serr�es, le poing tendu.

Malgr� tout, sur un millier de Tarasconnais, cent cinquante
vot�rent pour rester avec Tartarin. Il faut dire que la plupart
�taient des dignitaires et que le Gouverneur avait promis de leur
laisser leurs fonctions et leurs titres. De nouvelles discussions
s'�lev�rent pour le partage des vivres entre les partants et les
restants.

�Vous vous ravitaillerez � Sydney�, disaient ceux de l'�le � ceux
du navire.

-- Vous chasserez et vous p�cherez, r�pondaient les autres,
qu'avez-vous besoin de tant de conserves?�

La Tarasque donna lieu aussi � de terribles d�bats. Retournerait-
elle � Tarascon?... Resterait-elle � la colonie?...

La dispute fut tr�s ardente. Plusieurs fois Scrapouchinat mena�a
le P�re Bataillet de le faire passer par les armes.

Pour maintenir la paix, l'avocat Franquebalme dut employer de
nouveau toutes les ressources de sa sagesse de Nestor et faire
intervenir ses judicieux _verum enim vero. _Mais il eut beaucoup
de peine � calmer les esprits, surexcit�s en dessous par cet
hypocrite Excourbani�s qui ne cherchait qu'� entretenir la
discorde.

Velu, hirsute, criard, avec sa devise de �_Fen d� brut!., _faisons
du bruit!...� Le lieutenant de la milice �tait tellement du Midi
qu'il en �tait n�gre, et n�gre pas seulement par la noirceur de la
peau et les cheveux cr�pus, mais aussi par sa l�chet�, son d�sir
de plaire, dansant toujours la bamboula du succ�s devant le plus
fort, devant le capitaine Scrapouchinat entour� de son �quipage
quand on �tait � bord, devant Tartarin au milieu de la milice
quand on se trouvait � terre. � chacun d'eux il expliquait
diff�remment les raisons qui le d�cidaient � opter pour Port-
Tarascon, disant � Scrapouchinat:

�Je reste parce que ma femme va s'accoucher, sans quoi...�

Et � Tartarin:

�Pour rien au monde je ne ferai route encore avec cet ostrogoth.�
Enfin, apr�s bien des tiraillements, le partage se termina tant
bien que mal. La Tarasque restait � ceux du navire en �change
d'une caronade et d'une chaloupe.

Tartarin avait arrach�, pi�ce � pi�ce, vivres, armes et caisses
d'outils. Pendant plusieurs jours il y eut un perp�tuel va-et-
vient de canots charg�s de mille choses, fusils, conserves, boites
de thon et de sardines, biscuits, provisions de p�t�s
d'hirondelles et de pains-poires. En m�me temps la cogn�e
r�sonnait dans les bois, o� l'on faisait force abattages pour la
r�paration de la grande maison et du blockhaus. Les sonneries du
clairon se m�laient au bruit des haches et des marteaux. Dans le
jour les miliciens en armes gardaient les travailleurs, par
crainte d'une attaque des sauvages; la nuit, ils restaient camp�s
sur le rivage, autour des bivouacs. �Pour se rompre au service en
campagne,� disait Tartarin. Quand tout fut pr�t, on se quitta un
peu fra�chement. Les partants jalousaient les restants: ce qui ne
les emp�chaient pas de dire sur un petit ton moqueur:

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 28th Oct 2025, 13:54