Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 29

Si bien qu'une belle nuit les sauvages envahirent le baraquement,
p�n�trant comme des diables par la porte, par les fen�tres, par
les ouvertures du toit, s'empar�rent des armes, massacr�rent ceux
qui tentaient de r�sister et emmen�rent les autres � leur camp.

Pendant un mois ce fut une suite ininterrompue d'horribles
festins. Les prisonniers, � tour de r�le, �taient assomm�s � coups
de casse-t�te, r�tis sur des pierres br�lantes dans la terre,
comme des cochons de lait, et d�vor�s par ces sauvages
cannibales...

Le cri d'horreur pouss� par tout le conseil porta la terreur
jusque sur le pont, et le gouverneur eut � peine la force de
murmurer encore:

�Continuez, Ferdinand.�

Le pharmacien avait vu dispara�tre ainsi, un par un, tous ses
compagnons, le doux P�re Vezole, souriant et r�sign�, disant:

�Dieu soit lou�!� jusqu'� la fin, le notaire Cambalalette, le
joyeux cadastreur, trouvant la force de rire m�me sur le gril.

�Et les monstres m'ont oblig� d'en manger, de ce pauvre
Cambalalette� ajouta B�zuquet tout fr�missant encore de ce
souvenir.

Dans le silence qui suivit, le bilieux Costecalde, jaune, la
bouche tordue de rage, se tourna vers le Gouverneur:

�Pas moins, vous nous aviez dit, vous aviez �crit et fait �crire
qu'il n'y avait pas d'anthropophages!�

Et comme le gouverneur accabl� baissait la t�te, B�zuquet
r�pondit:

�Pas d'anthropophages!... C'est-�-dire qu'ils le sont tous. Ils
n'ont pas de plus grand r�gal que la chair humaine, surtout la
n�tre, celle des blancs de Tarascon, � ce point qu'apr�s avoir
mang� les vivant ils ont pass� aux morts. Vous avez vu l'ancien
cimeti�re? Il n'y reste rien, pas un os; ils ont tout racl�,
nettoy�, torch� comme des assiettes chez nous, quand la soupe est
bonne ou qu'on nous sert une carbonade � l'a�oli.

-- Mais vous-m�me, B�zuquet, demanda un grand de premi�re classe,
comment f�tes-vous �pargn�?�

Le pharmacien pensait qu'� vivre dans les bocaux, � mariner dans
les produits pharmaceutiques, menthe, arsenic, arnica, ip�cacuana,
sa chair � la longue avait pris un go�t d'herbages qui ne leur
allait sans doute pas, � moins qu'au contraire, justement � cause
de son odeur de pharmacie, on ne l'e�t gard� pour la bonne bouche.

Le r�cit termin�:

�H� bien, maintenant, qu'est-ce que nous faisons? interrogea le
marquis des Espazettes.

-- Quoi, qu'est-ce que vous faites?... dit Scrapouchinat de son
ton hargneux, vous n'allez toujours pas rester ici, je pense?�

On s'�cria de tous c�t�s:

�Ah! Non... Bien s�r que non...

--...Quoique je ne sois pay� que pour vous amener, continua le
capitaine, je suis pr�t � rapatrier ceux qui voudront.�

En ce moment tous ses d�fauts de caract�re lui furent pardonn�s.
Ils oubli�rent qu'ils n'�taient, pour lui, que des �singes verts�
bons � fusiller. On l'entoura, on le f�licita, les mains se
tendaient vers lui. Au milieu du bruit, la voix de Tartarin se fit
tout � coup entendre, sur un ton de grande dignit�:

�Vous ferez ce que vous voudrez, messieurs, quant � moi je reste.
J'ai ma mission de Gouverneur, il faut que je la remplisse.�

Scrapouchinat hurlait:

�Gouverneur de quoi? Puisqu'il n'y a rien?�

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 27th Oct 2025, 23:00