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Page 17
Depuis, les Tarasconnais c�l�brent tous les dix ans une f�te o�
l'on prom�ne � travers les rues un monstre en bois et carton
peint, tenant de la tortue, du serpent et du crocodile, grossi�re
et burlesque effigie de la Tarasque d'autrefois, v�n�r�e
maintenant comme une idole, log�e aux frais de l'�tat et connue
dans tout le pays sous le nom de �la m�re-grand!�.
Partir sans la m�re-grand, ne leur semblait pas possible. Quelques
jeunes gens s'�lanc�rent et l'amen�rent au quai rapidement.
Ce fut une explosion de larmes, de cris d'enthousiasme, comme si
l'�me de la ville, la patrie elle-m�me respirait en ce monstre de
carton d'un si difficile embarquement.
Beaucoup trop grande pour trouver place � l'int�rieur du navire,
on attacha la Tarasque sur le pont � l'arri�re; et l�, cocasse,
�norme, l'air d'un monstre de f�erie, avec son ventre en toile et
ses �cailles peintes, sa t�te dress�e au-dessus du bastingage,
elle compl�tait bien l'ensemble pittoresque et bizarre du
chargement, semblait une de ces chim�res sculpt�es � la proue des
naufs et charg�es de pr�sider aux destin�es du voyage. On
l'entourait avec respect; quelques-uns lui parlaient, la
flattaient de la main.
En voyant cette �motion, Tartarin craignit qu'elle n'�veill�t dans
les coeurs le regret de la patrie quitt�e, et, sur un signe de
lui, le capitaine Scrapouchinat commanda tout � coup, d'une voix
formidable:
�Machine en avant!...�
Aussit�t �clat�rent les sonneries de la fanfare, les sifflements
de la vapeur, les bouillonnements de l'eau sous l'h�lice, domin�s
par la voix d'Excourbani�s:
�Fen d� brut!... faisons du bruit!...�. Le rivage s'enfuit d'un
bond; la ville, les tours du roi Ren�, recul�rent dans le
lointain, de plus en plus rapetiss�es, comme brouill�es dans la
vibrante lumi�re du soleil sur le Rh�ne.
Tous, pench�s sur les bordages, tranquilles, souriants,
indiff�rents, regardaient la patrie s'en aller, dispara�tre l�-
bas, sans plus d'�motion, maintenant qu'ils avaient avec eux la
bonne Tarasque, qu'un essaim d'abeilles changeant de ruche au son
des chaudrons, ou qu'un grand triangle d'�tourneaux en vol vers
l'Afrique.
Et, vraiment, elle les prot�gea, leur Tarasque. Temps divin, mer
resplendissante, pas une temp�te, pas un grain, jamais travers�e
ne fut plus favorable.
Au canal de Suez, on tira bien un peu la langue, sous le feu d'un
soleil ardent, malgr� la coiffure coloniale adopt�e par tous �
l'exemple de Tartarin: casque de li�ge recouvert de toile blanche
et garni d'un voile de gaze verte; mais ils ne souffrirent pas
trop de cette temp�rature de fournaise, � laquelle le ciel de
Provence les avait d�s longtemps acclimat�s.
Apr�s Port-Sa�d et Suez, apr�s Aden, la mer Rouge franchie, le
_Tutu-panpan_ se lan�a � travers la mer des Indes, d'une marche
rapide et soutenue, sous un ciel blanc, laiteux, velout� comme un
de ces a�olis, une de ces cr�meuses pommades d'ail que les
�migrants mangeaient � tous leurs repas.
Ce qu'il s'en consommait d'ail, � bord! On en avait emport�
d'�normes provisions, et son d�licieux bouquet marquait le sillage
du navire, m�lant l'odeur de Tarascon � l'odeur de l'Inde.
Bient�t on longea des �les �mergeant de la mer en corbeilles de
fleurs �tranges o� voltigeaient de magnifiques oiseaux habill�s de
pierreries. Les nuits calmes, transparentes, illumin�es de
myriades d'�toiles, semblaient travers�es de vagues musiques
lointaines et de danses de bayad�res.
Aux Maldives, � Ceylan, � Singapour, on e�t fait des escales
divines, mais les Tarasconnaises, Mme Excourbani�s en t�te,
d�fendaient � leurs maris de descendre � terre.
Un f�roce instinct de jalousie les mettait toutes en garde contre
ce dangereux climat des Indes et ses effluves amollissantes qui
flottaient jusque sur le pont du _Tutu-panpan_. Il n'y avait qu'�
voir, le soir venu, le timide Pascalon s'appuyer au bastingage
aupr�s de Mlle Clorinde des Espazettes, grande et belle jeune
fille dont le charme aristocratique l'attirait.
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