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Page 18
Le bon Tartarin leur souriait de loin dans sa barbe, et d'avance
pr�voyait un mariage pour l'arriv�e.
Du reste, depuis le commencement de la travers�e, le Gouverneur se
montrait � tous d'une douceur, d'une indulgence, qui contrastait
avec les violences et les sombreurs du capitaine Scrapouchinat,
v�ritable tyran � son bord, s'emportant au moindre mot parlant
tout de suite de vous �faire fusiller comme un singe vert�.
Tartarin, patient et raisonnable, se soumettait aux caprices du
capitaine, cherchait m�me � l'excuser, et, pour d�tourner la
col�re de ses miliciens, leur donnait l'exemple d'une infatigable
activit�.
Les heures de sa matin�e �taient consacr�es � l'�tude du papoua,
sous la direction de son chapelain, le R.P. Bataillet, qui, en sa
qualit� d'ancien missionnaire, connaissait cette langue et bien
d'autres.
Dans la journ�e, Tartarin r�unissait tout son monde, soit sur le
pont, soit dans le salon, et faisait des conf�rences, d�bitait sa
science toute fra�che sur les plantations de canne � sucre et
l'exploitation du tripang.
Deux fois par semaine, cours de chasse, car l�-bas, dans la
colonie, on allait trouver du gibier, ce ne serait pas comme �
Tarascon, o� l'on �tait r�duit � chasser des casquettes lanc�es en
l'air.
�Vous tirez bien, enfants, mais vous tirez trop vite,� disait
Tartarin. Ils avaient le sang trop chaud; il faudrait se mod�rer.
Et il leur donnait d'excellents conseils, leur enseignait les
temps qu'il fallait prendre selon les diff�rentes esp�ces
animales, en comptant m�thodiquement comme au m�tronome.
�Pour la caille, trois temps. Un, deux, trois..., pan!... �a y
est... Pour la perdrix,� -- et secouant sa main ouverte il imitait
le vol de l'oiseau, -- �pour la perdrix, comptez deux seulement.
Un, deux..., pan!... Ramassez, elle est morte.�
Ainsi passaient les heures monotones de la travers�e, et chaque
tour d'h�lice rapprochait de la r�alisation de leurs r�ves tous
ces braves gens qui se ber�aient au long de la route de beaux
projets d'avenir, voyageaient avec l'illusion de ce qui les
attendait l�-bas, ne parlaient qu'installation, d�frichements,
embellissements imaginaires � leurs futures propri�t�s.
Le dimanche �tait jour de repos, jour de f�te.
Le P�re Bataillet disait la messe � l'arri�re, en grande pompe; et
des sonneries de clairons �clataient, les tambours battaient aux
champs, au moment o� le pr�tre levait l'hostie. Apr�s la messe, le
R�v�rend P�re racontait quelqu'une de ces paraboles ardentes o� il
excellait, moins un sermon qu'un myst�re po�tique tout br�lant de
foi m�ridionale.
Voici un de ces r�cits, na�f comme une histoire de saints se
d�roulant sur les vitraux d'une vieille �glise de village; mais,
pour en savourer tout le charme, il vous faut imaginer le bateau
lav� de frais, tous ses cuivres reluisants, les dames en cercle,
le Gouverneur sur son fauteuil cann�, entour� de ses directeurs en
grand costume, les miliciens sur deux rangs, les matelots dans les
enfl�chures, et tout ce monde silencieux, attentif, les yeux
tourn�s vers le P�re, debout sur les marches de l'autel. Les coups
de l'h�lice rythment sa voix; sur le ciel pur, profond, la fum�e
du steamer s'allonge, droite et mince; les dauphins cabriolent au
ras des lames; les oiseaux de mer, go�lands, albatros, suivent en
criant le sillage du navire, et le P�re-Blanc, avec son �paule de
c�t�, a l'air lui-m�me, quand il l�ve et secoue ses larges
manches, d'un de ces grands oiseaux battant des ailes et pr�t �
partir.
Chapitre V
_La v�ritable l�gende de l'Ant�christ racont�e par le R. P.
Bataillet sur le pont du �Tutu-Panpan.�_
C'est encore au paradis que je vous emm�ne, mes enfants, dans
cette vaste antichambre bleu-de-roi o� se tient le grand saint
Pierre, son trousseau de clefs � la ceinture, toujours pr�t �
ouvrir sa porte aux �mes des �lus, lorsqu'il s'en pr�sente;
malheureusement, depuis des ann�es et des ann�es, l'humanit� est
devenue si m�chante, que les meilleurs, apr�s la mort, s'arr�tent
au purgatoire, sans aller plus haut, et que le bon saint Pierre
n'a pour toute besogne qu'� passer ses clefs rouill�es au papier
de verre, et � chasser les toiles d'araign�es tendues en travers
de sa porte comme des scell�s de justice. Par moment, il a
l'illusion que quelqu'un frappe. Il se dit:
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