Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 15

Au milieu du tohu-bohu de l'embarquement, on re�ut un matin une
lettre du P�re Vezole, le premier courrier dat� de Port-Tarascon:

�Dieu soit lou�! Nous sommes arriv�s, disait le bon P�re. Nous
manquons de bien des petites choses, mais Dieu soit lou� tout de
m�me!...�

Gu�re d'enthousiasme dans cette lettre, gu�re de d�tails non plus.

Le R�v�rend se bornait � parler du Roi N�gonko, et de Likiriki, la
fillette du roi, une charmante enfant � qui il avait donn� une
r�sille de perles. Il demandait ensuite qu'on envoy�t quelques
objets un peu plus pratiques que les dons habituels des
souscripteurs. C'�tait tout.

Du port, de la ville, de l'installation des colons, pas un mot. Le
P�re Bataillet grondait, furieux:

�Je le trouve mou, votre P�re Vezole... Ce que je vais vous le
secouer en arrivant!�

Cette lettre �tait en effet bien froide, venant d'un homme si
bienveillant; mais le mauvais effet qu'elle aurait pu produire se
perdit dans le remue-m�nage de l'installation � bord, dans le
bruit assourdissant de ce d�m�nagement de toute une ville.

Le gouverneur -- on n'appelait plus Tartarin que de ce nom --
passait ses journ�es sur le pont du _Tutu-panpan_. Les mains
derri�re le dos, souriant, allant de long en large, au milieu d'un
encombrement de tas de choses �trangers, paneti�res, cr�dences,
bassinoires, qui n'avaient pas encore trouv� place dans l'arrimage
de la cale, il donnait des conseils d'un ton patriarcal:

�Vous emportez trop, mes enfants. Vous trouverez tout ce qu'il
vous faut l�-bas.�

Ainsi lui, ses fl�ches, son baobab, ses poissons rouges, il
laissait tout �a, se contentant d'une carabine am�ricaine �
trente-deux coups et d'une cargaison de flanelle.

Et comme il surveillait tout, comme il avait l'oeil � tout, non
seulement � bord mais aussi � terre, tant aux r�p�titions de
l'orph�on qu'aux exercices de la milice sur le cours!

Cette organisation militaire des Tarasconnais, survivant au si�ge
de Pamp�rigouste, avait �t� renforc�e, en vue de la d�fense de la
colonie et des conqu�tes que l'on comptait faire pour l'agrandir!
Et Tartarin, enchant� de l'attitude martiale des miliciens, leur
exprimait souvent sa satisfaction, ainsi qu'� leur chef Bravida,
dans des ordres du jour.

Pourtant un pli sillonnait anxieusement parfois le front du
Gouverneur.

Deux jours avant l'embarquement, Barafort, un p�cheur du Rh�ne,
trouvait dans les oseraies de la rive une bouteille vide
herm�tiquement bouch�e, dont le verre �tait encore assez
transparent pour laisser distinguer � l'int�rieur quelque chose
comme un papier roul�.

Pas un p�cheur n'ignore qu'une �pave de ce genre doit �tre remise
aux mains de l'autorit�, et Barafort apportait au gouverneur
Tartarin la myst�rieuse bouteille contenant cette lettre �tranger:

_Tartarin._

_Tarascon._

_Europe._

_Cataclysme �pouvantable � Port-Tarascon. �le, ville, port, tout
englouti, disparu. Bompard admirable comme toujours, et comme
toujours mort victime de son d�vouement. Ne partez pas, au nom du
ciel! Que personne ne parle!_

Cette trouvaille paraissait l'oeuvre d'un farceur. Comment cette
bouteille, du fond de l'Oc�anie, serait-elle arriv�e de flot en
flot directement jusqu'� Tarascon?

Et puis ce �mort comme toujours� ne trahissait-il pas une
mystification? N'importe, ce pr�sage troublait le triomphe de
Tartarin.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 25th Oct 2025, 4:47