Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 14

Alors seulement il comprit la dr�lerie de ce grand farceur
d'Excourbani�s, et partit d'un joyeux �clat de rire.

�Votre mari se moque de vous, ma petite. Ce n'est pas la
_Polygamie_ que le pays s'appelle, c'est _Polyn�sie_, ce qui
signifie: groupe d'�les, et n'a rien pour vous alarmer.�

On en a ri longtemps dans la soci�t� tarasconnaise!

Cependant les semaines passaient et toujours pas de lettres des
�migrants, rien que des d�p�ches communiqu�es de Marseille par le
duc. D�p�ches laconiques, exp�di�es � la h�te d'Aden, de Sydney,
des diff�rentes escales de la _Farandole_.

Apr�s tout, on ne devait pas trop s'�tonner, �tant donn�
l'indolence de la race.

Pourquoi auraient-ils �crit? Des t�l�grammes suffisaient bien;
ceux qu'on recevait, r�guli�rement publi�s par la Gazette
n'apportaient d'ailleurs que de bonnes nouvelles:

_Travers�e d�licieuse, mer d'huile, tous bien portants._

Il n'en fallait pas plus pour entretenir l'enthousiasme.

Un jour enfin, en t�te du journal, parut la d�p�che suivante
exp�di�e toujours via Marseille:

_Arriv�s Port-Tarascon. -- Entr�e triomphale -- Amiti� avec
naturels venus au-devant sur la jet�e -- Pavillon tarasconnais
flotte sur maison de ville -- Te Deum chant� dans l'�glise
m�tropolitaine -- Tout est pr�t, venez vite._

� la suite, un article dithyrambique, dict� par Tartarin, sur
l'occupation de la nouvelle patrie, sur la jeune ville fond�e, la
visible protection de Dieu, le drapeau de la civilisation plant�
en terre vierge, l'avenir ouvert � tous.

Du coup, les derni�res h�sitations s'�vanouirent. Une nouvelle
�mission de bons � cent francs l'hectare s'enleva comme des petits
pains blancs.

Le tiers, le clerg�, la noblesse, tout Tarascon voulait partir;
c'�tait une fi�vre, une folie d'�migration r�pandue par la ville,
et les grincheux, comme Costecalde, les ti�des ou les m�fiants se
montraient maintenant les plus enrag�s de colonisation lointaine.

Partout on activait les pr�paratifs du matin au soir. On clouait
les caisses jusque dans les rues jonch�es de paille, de foin, au
milieu d'un roulement de coups de marteau.

Les hommes travaillaient en bras de chemise, tous de bonne humeur,
chantant, sifflant, et l'on s'empruntait les outils de porte �
porte en �changeant de gais propos. Les femmes emballaient leurs
ajustements, les P�res-Blancs leurs ciboires, les tout petits
leurs joujoux.

Le navire nolis� pour emporter tout le haut Tarascon, baptis� le
_Tutu-panpan_, nom populaire du tambourin tarasconnais, �tait un
grand steamer en fer command� par le capitaine Scrapouchinat, un
long-cours toulonnais. L'embarquement devait avoir lieu � Tarascon
m�me.

Les eaux du Rh�ne �tant belles et le navire sans grand tirant
d'eau, on avait pu lui faire remonter le fleuve jusqu'� la ville,
et l'amener � bord du quai, o� le chargement et l'arrimage prirent
un grand mois.

Pendant que les matelots rangeaient dans la cale les innombrables
caisses, les futurs passagers installaient d'avance leurs cabines;
et avec quel entrain! Quelle urbanit�! Chacun cherchant � se
rendre serviable et agr�able aux autres.

�Cette place vous va mieux? Comment donc!

-- Cette cabine vous pla�t davantage? � votre aide!� Et ainsi de
tout.

La noblesse tarasconnaise, si morgueuse d'ordinaire, les
d'Aigueboulide, les d'Escudelle, gens qui d'habitude vous
regardaient du haut de leur grand nez, fraternisaient maintenant
avec la bourgeoisie.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 25th Oct 2025, 0:57