Port-Tarascon by Alphonse Daudet


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Page 13

La _Gazette_ publiait m�me un roman, _la Belle Tarasconnaise_, une
fille de colon enlev�e par le fils d'un roi papoua; et les
p�rip�ties de ce drame d'amour ouvraient aux imaginations des
jeunes personnes des horizons sans fin. La partie financi�re
donnait le cours des denr�es coloniales, les annonces d'�mission
des bons de terre et des actions de sucrerie ou de distillerie,
ainsi que les noms des souscripteurs et les listes de dons en
nature qui continuaient � affluer, avec l'�ternel �costume pour un
sauvage� de Mlle Tournatoire.

Pour suffire � de si fr�quents envois, il fallait que la bonne
demoiselle e�t install� chez elle de v�ritables ateliers de
confection. Du reste elle n'�tait pas la seule que ce prochain
d�m�nagement pour des �les inconnues et si lointaines e�t jet�e en
d'�tranges pr�occupations.

Un jour Tartarin se reposait tranquillement chez lui, dans sa
petite maison, ses babouches aux pieds, douillettement envelopp�
de sa robe de chambre, pas inoccup� cependant, car pr�s de lui,
sur sa table, s'�parpillaient des livres et des papiers: les
relations de voyages de Bougainville, de Dumont-Durville, des
ouvrages sur la colonisation, des manuels de cultures diverses. Au
milieu de ses fl�ches empoisonn�es, avec l'ombre du baobab qui
tremblotait minusculement sur les stores, il �tudiait �sa colonie�
et se bourrait la m�moire de renseignements puis�s dans les
livres. Entre temps il signait quelque brevet, nommait un grand de
premi�re classe ou cr�ait sur papier � t�te un emploi nouveau pour
satisfaire, autant que possible, le d�lire ambitieux de ses
concitoyens.

Tandis qu'il travaillait ainsi, ouvrant de yeux et soufflant dans
ses joues, on lui annon�ait qu'une dame voil�e de et qui refusait
de dire son nom, demandait � lui parler. Elle n'avait m�me pas
voulu entrer, et attendait dans le jardin, o� il courut
pr�cipitamment, en pantoufles et en robe de chambre.

Le jour finissait, le cr�puscule rendait d�j� les objets
indistincts; mais, malgr� l'ombre tombante et l'�paisse voilette,
rien qu'au feu des yeux ardents qui brillaient sous le tulle,
Tartarin reconnut sa visiteuse:

�Madame Excourbani�s!

-- Monsieur Tartarin, vous voyez une femme bien malheureuse.�

La voix tremblait, lourde de larmes. Le bonhomme en fut tout �mu
et l'accent paternel:

-- Ma pauvre Evelina, qu'avez-vous?... Dites...�

Tartarin appelait ainsi par leur petit nom � peu pr�s toutes les
dames de la ville, qu'il avait connues enfants, qu'il avait
mari�es comme officier municipal, restant pour elles un confident,
un ami, presque un oncle.

Il prit le bras d'Evelina, la fit marcher en rond autour du petit
bassin aux poissons rouges, pendant qu'elle lui contait son
chagrin, ses inqui�tudes conjugales.

Depuis qu'il �tait question de s'en aller coloniser au loin,
Excourbani�s prenait plaisir � lui dire � propos de tout sur un
ton de menace gouailleuse:

�Tu verras, tu verras, quand nous serons l�-bas, en _Polygamille._

Elle, tr�s jalouse, mais aussi na�ve, m�me un peu b�tasse, prenait
au s�rieux cette plaisanterie.

�Est-ce vrai, cela, monsieur Tartarin, que dans cet affreux pays
les hommes peuvent se marier plusieurs fois?

Il l'a rassura doucement.

�Mais non, ma ch�re Evelina, vous vous trompez. Tous les sauvages
de nos �les sont monogames. La correction de leurs moeurs est
parfaite, et, sous la direction de nos P�res-Blancs, rien �
craindre de ce c�t�-l�.

Pourtant, le nom m�me du pays?... Cette _Polygamille_?...�

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 22nd Jun 2025, 23:17