Contes et historiettes à l'usage des jeunes enfants by Zulma Carraud


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Page 43

M. Piquet �tant all� en ville prendre mesure de souliers, sa femme resta
avec les ouvri�res pour leur distribuer l'ouvrage. Elle recommanda �
Eug�nie de ne pas quitter le plus jeune de ses fr�res, qui avait la
rougeole.

�Tu entends bien, ma fille? il ne faut pas laisser ton fr�re seul un
instant; car s'il sort seulement les bras de son lit, il peut en mourir.

--Soyez tranquille, maman, j'en aurai bien soin.

--Eug�nie, je me d�fie de ta paresse: songe qu'il y va de la vie de ton
fr�re!�

Pendant la premi�re demi-heure, Eug�nie resta pr�s du lit, ramenant
soigneusement les couvertures sur l'enfant qui, dans le transport de la
fi�vre, cherchait sans cesse � les �carter. Mais tant de surveillance
lassa bient�t la paresseuse. Elle voulut s'asseoir et recommanda au
petit de se tenir tranquille. Comme elle s'ennuyait, elle se mit � la
fen�tre pour voir les passants. Au bout de quelque temps elle b�illa,
puis finit par s'assoupir comme d'habitude. Elle fut r�veill�e par les
cris du petit malade qui demandait sa m�re. Elle se leva et courut au
lit de l'enfant, craignant d'�tre grond�e; mais le lit �tait vide!
Eug�nie commen�a � comprendre combien elle avait eu tort de quitter son
fr�re et se mit � sa recherche; elle trouva le pauvre petit assis sur
l'escalier, o� il continuait d'appeler sa m�re.

Celle-ci, qui l'avait enfin entendu, fut au d�sespoir de trouver son
enfant expos� nu � tous les vents; elle l'enveloppa dans sa robe et le
remonta promptement, puis le remit dans son petit lit. Elle lui fit
prendre une infusion de tilleul et le couvrit beaucoup afin de ramener
la transpiration; mais tous ses soins furent inutiles: la rougeole �tait
rentr�e et l'enfant mourut dans la nuit.

M. et Mme Piquet furent si f�ch�s contre leur fille, dont la n�gligence
avait occasionn� ce malheur, qu'ils la mirent en apprentissage d�s le
lendemain chez une ling�re. Eug�nie ne voulant pas se corriger ne put
contenter sa ma�tresse, qui la rendit � ses parents au bout de six mois.
La petite fille, pour s'excuser, dit que cet �tat-l� ne lui convenait
pas et qu'elle voulait �tre brodeuse. On la mit dans un grand atelier de
broderies o� elle travailla assez assid�ment pendant les premiers temps;
mais son invincible paresse prit encore le dessus; d'abord elle n�gligea
son ouvrage, et finit m�me par ne plus rien faire du tout. La ma�tresse
de l'atelier l'ayant menac�e plusieurs fois de la renvoyer � ses
parents, la mit enfin � la porte.

On la pla�a chez un tapissier, o�, comme � l'ordinaire, elle fit
tr�s-bien d'abord l'ouvrage qu'on lui confiait, car elle ne manquait pas
d'intelligence; mais, quelque temps apr�s l'entr�e d'Eug�nie chez le
tapissier, les pratiques de cet homme se plaignirent � lui de ce que
les franges et les anneaux des rideaux �taient � peine cousus et se
d�tachaient pour peu qu'on y touch�t. Le tapissier surveilla ses
ouvri�res avec soin, et il ne fut pas longtemps � s'apercevoir
qu'Eug�nie ne faisait qu'un point l� o� il en aurait fallu quatre. Il
la gronda s�v�rement et lui signifia que si cela recommen�ait, il la
renverrait.

Dans ce temps-l� le p�re et la m�re d'Eug�nie moururent du chol�ra. La
famille se chargea des deux autres enfants; mais, quant � Eug�nie, dont
chacun connaissait la paresse, personne ne voulut la prendre, et on lui
dit qu'elle �tait d'�ge � gagner sa vie. Ce fut une rude le�on qui lui
fit impression d'abord et qui aurait d� la corriger pour toujours,
puisqu'elle n'avait plus au monde d'autres ressources que celles que
lui fournirait son travail; mais cette impression s'effa�a bien vite:
Eug�nie recommen�a � faire de grands points, puis � dormir sur son
ouvrage, et le tapissier la renvoya de chez lui comme il l'en avait tant
de fois menac�e. Quand elle se v�t seule dans la rue avec son petit
paquet sous le bras, elle marcha quelque temps, puis s'assit sur un
trottoir et se mit � pleurer. Elle s'en prit de son malheur � tous les
gens de sa connaissance, au lieu de s'en prendre � sa paresse qui en
�tait la seule cause.

Une dame charitable qui passait par l� eut piti� de cette jeune fille,
et lui demanda d'o� venait son chagrin. Eug�nie lui dit qu'ayant perdu
ses parents du chol�ra, elle ne savait plus o� aller. La dame l'emmena
chez elle, la prit pour femme de chambre et lui apprit le service.
Quand elle avait fait l'appartement, elle travaillait au linge avec sa
ma�tresse et la servait � table.

Cette dame aimait beaucoup les oiseaux. Un de ses fr�res, qui �tait
marin, lui avait apport� de Marseille deux bengalis, deux amarantes,
deux pinsons d'Afrique, une veuve et une charmante perruche rose qu'on
appelait _Coquette_. Eug�nie �tait charg�e de soigner tous ces petits
animaux. On donnait la libert� � Coquette deux fois par jour, mais il
fallait veiller � ce que les portes et les fen�tres ne fussent pas
ouvertes; car la perruche �tait sauvage et se f�t envol�e. Il n'y avait
pas encore un mois qu'Eug�nie �tait chez sa ma�tresse o� elle �tait
fort heureuse, quoiqu'on e�t � lui reprocher bien des n�gligences, que,
succombant � sa paresse habituelle, elle ouvrit la cage de Coquette
avant d'avoir ferm� les fen�tres, et la perruche s'en alla pour ne plus
revenir. La ma�tresse en eut bien du chagrin et gronda beaucoup sa femme
de chambre.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 20:20