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Page 88
--Ou une hy�ne qui fuit, ajout�-je.
Cette course �chevel�e dure une heure environ, puis nos b�tes
d'elles-m�mes ralentissent leur allure. Nous approchons du bordj des
Beni-Mansour. Allah soit lou�! nous en franchissons la porte. Un rire
�clate; mais dans ce rire, il y a des sanglots.
--Jamais, dit le G�n�ral, je ne pourrai descendre de ma mule!
Le Conscrit lui tend ses bras. Madame Elvire s'y laisse tomber; elle ne
peut se tenir sur ses jambes. Alors, sans piti� pour elle-m�me, elle
brave la douleur qui lui arrache des larmes. Son mari offre de la
porter.
--Je marcherai!
--Mais pourquoi?
--Parce que je le veux!
Et elle marche vers une lumi�re qui, en l'�clairant, nous montre deux
grands yeux cercl�s de noir, illuminant des joues d�color�es. Nous
trouvons le commandant du bordj � table avec le m�decin militaire, le
ma�tre d'�cole et sa fille. Ah! pauvre enfant! Je ne vous raconterai pas
sa triste histoire, ni celle de son p�re, ex-professeur du coll�ge
d'Alger, tomb�... de verre d'absinthe en verre d'absinthe jusqu'�
l'�cole primaire des Beni-Mansour. J'aime mieux vous dire le menu qui
s'�tale fastueusement sur la table: un brouet vert o� l'oseille nage
dans l'eau de la source prochaine, deux vieilles perdrix et... un
app�tit kabyle!
--Et nos poulets! dit le Caporal � l'oreille du G�n�ral; c'est le moment
de les manger ou jamais.
--Assur�ment; mais ils se prom�nent encore sur la route. Sidi-Yzem nous
en d�barrassera.
--H�las! non, madame, lui r�pond M. Jules visiblement mortifi�. A
Sidi-Yzem il faut de la chair fra�che.
Avant le dessert, nous dormons sur nos chaises. Il n'y a qu'un lit;
celui du commandant qui l'offre courtoisement � madame Elvire. Est-il
heureux le Conscrit, de pouvoir le partager avec son G�n�ral! Mais on
dort bien aussi entre les bras d'un fauteuil ou sur une botte de paille.
Au petit jour, dispos et gais, nous sommes en route; le soleil a chass�
les _djenouns_ et nous promet un nouveau jour de f�te. Nos montures sont
efflanqu�es et maigres; mais ne les jugeons pas sur la mine, non plus
que nos guides qui certes ne mangent pas deux fois par an le kouskoussou
� la viande. Nous ferons avec eux aujourd'hui quinze lieues en douze
heures! Madame Elvire ne troquerait pas son pauvre b�t kabyle contre sa
selle d'hier, f�t-elle constell�e de diamants. Les campagnes que nous
traversons d'abord, en remontant la vall�e de l'Oued-Sahel, sont
fertiles et assez bien cultiv�es. Mais bient�t les bl�s deviennent
rares, rares aussi les figuiers et les oliviers. Et lorsqu'apr�s une
heure de marche vers l'ouest, nous tournons brusquement � gauche, vers
le sud, laissant le Djurjura derri�re nous, voici que tout � coup la
nature change de toilette: elle se montre � nous par�e d'une indicible
sauvagerie. Nous sommes dans le pays d'Anif. Plus de moissons, plus
d'arbres fruitiers, mais des massifs de pins et de m�l�zes parsem�s ��
et l� de tamarins, de tuyas, de lentisques, de t�r�benthes, de
lauriers-roses. Un sol schisteux, ravin�, d�chir�, boulevers�, gris,
noir ou fauve; de grands sapins, les uns encore debout, dont la racine
s'�vertue en vain � percer la pierre que recouvre � peine une mince
couche v�g�tale; les autres, renvers�s et tordu par l'ouragan, couch�s
sur le roc comme des squelettes blanchis. Partout autour de nous, quelle
d�solation!
Cependant des aub�pines blanches corrigent un peu l'aspect lugubre de ce
cimeti�re; d'autres fleurs s'y �panouissent aussi, nous montrant la vie
qui rena�t sur chaque tombe. Les plus nombreuses, ce sont les _El-atey_
� cinq p�tales roses. Les Kabyles en font une boisson aromatique que les
Roumis d�daignent, mais qu'estimaient les Osmanlis. Dans chaque bas-fond
o� les torrents d'hiver charrient et accumulent l'humus, se presse une
herbe touffue dont le vert �clatant est une joie pour les regards
attrist�s par les teintes mornes du paysage. Au milieu d'un de ces pr�s
si riants se dresse, majestueux, un palmier centenaire. Il y a un si�cle
ou plus, quelque fils du D�sert jeta en cet endroit le noyau de sa datte
qui ombrage � pr�sent une nouvelle oasis. Nous atteignons une haute
montagne au pied de laquelle coule l'Oued-Mahrir. La grande porte des
Bibans est devant nous, form�e par deux cr�tes verticales de dyke de
calcaire siliceux, violemment soulev�es. Entre elles, dans une �troite
et profonde crevasse, gronde la rivi�re. Est-ce elle qui s'est ouvert ce
passage � travers la pierre, et si c'est elle combien de milliers
d'ann�es lui a-t-il fallu pour cela? Les Fran�ais se sont aventur�s pour
la premi�re fois dans ce d�fil� impraticable le 29 octobre 1839, sous la
conduite du duc d'Orl�ans. Nous nous y engageons par un sentier de
ch�vres que la pioche a taill� dans d'abruptes rochers; et nous trouvons
sur la pierre cette inscription grossi�rement grav�e: �3e de ligne, 2me
bataillon, mai 1860, les soldats ont fait ce chemin.� En sortant du
d�fil�, nous traversons une plaine aride que sillonne la rivi�re
profond�ment encaiss�e, et qu'�gayent � peine quelques maigres bouquets
d'arbres.
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