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Page 87
Notre course se pr�cipite; la nuit approche, et nous sommes loin du but.
La mule excit�e par la marche a le diable au corps. Le G�n�ral est un
martyr �cartel� sur une selle kabyle. Madame Elvire aurait bien envie de
pleurer; mais elle sourit toujours. Le Caporal se lamente pour elle,
tout en sanglant des coups de fouet � son mulet r�tif qui s'en venge par
des ruades dans le vide. Le Conscrit s'�vertue en vain � maintenir ses
pieds entre les fentes du _tellis,_ il s'impatiente, il s'irrite, il
geint comme un enfant qui ne parvient pas � faire tourner sa toupie.
Moi, je regrette am�rement mon arabe, me d�t-il emporter � travers cette
vall�e immense o� le jour qui se meurt ne nous montre ni une maison ni
un homme.
Eh! qu'est-ce donc l�, au bord de la rivi�re? Cette ferme fran�aise
entre des saules, et cette mare o� barbottent des canards ne sont-elles
qu'un mirage d�cevant? Non, non, la France vit et travaille dans cette
solitude. Si nous allions serrer la main au fermier et embrasser la
fermi�re?
--Cavalier, sommes-nous encore loin des Beni-Mansour?
Il secoue la t�te, il ne nous comprend pas.
--_Kod�che S�a_?
--_Besef_! _besef_!
Il faut marcher, marcher vite; voici la nuit qui accourt sur son cheval
noir, lanc� au grand galop. Nous passons la rivi�re. Ces larges flaques
d'eau, o� s'�teint le ciel p�le, ont des reflets sinistres, et ces
galets dont les prismes ne scintillent plus sous la lumi�re nous
regardent d'un air morne. Le clapotement de l'eau sur les pierres est
comme une voix qui se plaint. Que cette rivi�re est longue a passer!
Nous pressons nos b�tes.
--_Choua_! _choua_! [Doucement! doucement!] nous crie le cavalier. De la
prudence, ne nous �cartons pas du gu�. Il y a des endroits o� l'eau
tourbillonne: ce sont autant de trous creus�s par les _djenouns_ de
l'Oued-Sahel, o� ils se divertissent � noyer les voyageurs. Enfin, nous
voici sur l'autre bord. Mais l'obscurit� nous enveloppe, et notre
isolement nous met une vague angoisse au coeur. Nos muletiers n'ont pu
nous suivre, ils sont loin, tr�s-loin en arri�re. Le cavalier est seul
avec nous. A-t-il du moins son bon fusil pour nous d�fendre?
--Et votre revolver, Caporal? dit madame Elvire d'un air railleur.
--Il est au fond de ma malle.
--Ah!
--D�sirez-vous que je l'en retire?
--Mais votre malle est � une lieue d'ici, sur le dos du mulet aux
bagages.
--C'est vrai; je n'y songeais pas.
--A quoi songez-vous donc?
--A vos souffrances, madame.
--Bah! on s'habitue � tout, m�me � une selle kabyle.
--Je vous admire, et...
Un bruit formidable s'�l�ve du fond de la vall�e, comme l'�cho d'un
tonnerre lointain. Nos mulets tressaillent, la mule du G�n�ral dresse
les oreilles.
--Sidi-Yzem! dit le cavalier en �tendant la main dans la direction de la
for�t d'Anif. Alors, parmi nous un grand silence se fait. Nous
n'entendons plus rien que le bruit du coeur dans la poitrine. Les mulets
ont les jambes de la mule, et la mule a des ailes. De grands nuages
noirs pareils � des d�mons, escaladant le ciel, nous d�robent les
�toiles, si ch�res au voyageur nocturne. Sommes-nous sur le chemin de
l'enfer? On le croirait, tant les t�n�bres sont profondes. Tout � coup,
deux lueurs rouges phosphorescentes, deux charbons incandescents
brillent devant nous et s'�teignent. Sont-ce les yeux de Lucifer? Une
sueur glac�e perle sur nos fronts. Le danger pass�:
--C'est un chacal qui a peur, dit madame Elvire.
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