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Page 86
--Quelqu'un, Madame, a pourtant �crit dans un livre que le voyageur sans
galons n'�tait pas le bienvenu chez moi.
--Et moi, dis-je, je raconterai aussi dans un livre l'accueil que vous
f�tes � des gens qui, en se pr�sentant devant vous, ne payaient certes
pas de mine.
--Je n'ai qu'un regret, c'est que vous vouliez partir aujourd'hui; mais
si le site vous pla�t, vous y reviendrez, je l'esp�re, et daignerez
alors m'accorder quelques jours. J'ai trac� le plan d'une villa qu'on va
me construire ici m�me; dans un an, vos chambres y seront pr�tes.
Ah! que l'endroit est bien choisi, et qu'il y fait bon vivre! Qu'on
oublie ais�ment, en face de cette belle nature et de sa resplendissante
harmonie, tant d'esp�rances d��ues, tant de luttes st�riles, tant
d'iniquit�s triomphantes! Et comme le corps et l'�me, enivr�s de parfums
et de lumi�re, d�livr�s de la cha�ne infinie des mis�res humaines, s'y
sentent libres et heureux. Mais ce paradis retrouv� n'est qu'une �tape:
il faut partir! Ben-Ali-Ch�rif nous ram�ne � son bordj � travers une
for�t d'oliviers s�culaires. Beaucoup de ses clients y sont occup�s �
faire de l'huile dans la _ma�nsera_ [Moulin � huile.]. Les uns broient
les oliviers sous une grosse meule; les autres soumettent cette p�te au
pressoir dont la vis, artistement faite, est taill�e sans r�gle ni
compas dans un tronc d'arbre avec la seule _gadoum_. Chaque village
poss�de un ou plusieurs _ma�nsera_ qui font partie de son communal,
comme le _mechmel,_ terrain banal, cimeti�re, chemin, place publique ou
pacage, et l'_azzela,_ bien en d�sh�rence, acquis au tr�sor public par
un vote de la _djem�a_. Nous remontons au bordj. Devant la porte, une
jeune Kabyle prom�ne sur son bras un bel enfant coiff� d'une calotte
brod�e d'or.
--Voici mon dernier-n�, dit notre h�te, et l'ayant pris entre les bras
de sa bonne, il l'embrasse tendrement et l'emporte, assis sur son
�paule, dans la cour de la maison.
D'autres muletiers nous attendent. L'aga offre sa propre mule � madame
Elvire. Un cavalier nous accompagnera jusqu'au bordj des Beni-Mansour.
De l�, nous irons demain aux Bibans, aux fameuses Portes de Fer, et � la
for�t d'Anif, pleine de l�gendes terribles, repaire redout� des
_djenouns_ et des b�tes f�roces.
Vite, qu'on charge les bagages; la traite est longue, et le soir
Sidi-Izem [Le seigneur lion.] cherche son souper dans la vall�e. Il faut
arriver chez les Beni-Mansour avant la nuit. Nous prenons cong� de notre
h�te:
--Nous ne vous disons pas adieu, mais au revoir: nous nous reverrons �
Paris.
--Ou en Kabylie, vous me l'avez promis.
Il est quatre heures de l'apr�s-midi quand nous redescendons dans la
vall�e. Nous suivons l'Oued-Sahel, sur la rive gauche, ayant � notre
droite le Djurjura. Le siroco souffle et nous embrasse en plein visage.
Il soul�ve des tourbillons de poussi�re qui, par moments, nous aveuglent
en nous enveloppant d'un brouillard fauve et br�lant. Alors le soleil
est comme l'oeil d'une monstrueuse panth�re. La mule de l'aga va d'une
telle allure que, pour suivre son pas, il nous faut subir le trot heurt�
et cruel de nos b�tes. Le cavalier a mis son cheval au petit galop.
--_Kod�che S�a_ [Combien d'heures?]? lui demandons-nous.
--_Besef_! _besef_ [Beaucoup! beaucoup!]! Et nous crions _har'r har'r_!
en faisant la grimace; car � chaque pas un millier d'�pingles
s'enfoncent dans notre chair. Madame Elvire, assise � califourchon sur
une selle trop large, souffre, elle aussi, un supplice inconnu, et avec
quel sto�cisme! Nos muletiers, tous jeunes, alertes et gais, font de la
fantasia p�destre. D'innombrables oliviers, de grasses prairies et des
orges touffues forment un beau jardin sur chaque bord de la rivi�re,
tandis que son large lit � sec avec ses sables jaunes, ses graviers
arides et ses cailloux roul�s nous donne comme un avant-go�t du D�sert.
Devant et derri�re nous, de chaque c�t�, c'est la _K'bila-Ousammeur,_ la
Kabylie expos�e au soleil, la Kabylie m�ridionale. A droite, sur les
contreforts djurjuriens, voici les A�th-Illoula du sud, 27 villages,
1,655 fusils, avec la _zaou�a_ de Chellata. Hier, � la m�me heure, nous
descendions leurs rochers. A c�t� d'eux, vers l'ouest, les
A�th-Mlikeuch, 24 villages, 850 fusils: _manefguis_ farouches, pillards
d�termin�s, nagu�re toujours en lutte, soit entre eux, soit avec leurs
voisins, surtout avec les A�th-Abb�s dont les s�pare l'Oued-Sahel. Il
fut un temps o� cette tribu _sanhadja_ poss�dait Alger et son
territoire, et il semble que l'ancien souvenir de sa grandeur pass�e la
soul�ve incessamment contre sa mis�re pr�sente. Chez elle Bou-Bar'la
trouva des patriotes non moins ardents � piller qu'� combattre. On dit
d'un A�th-Mlikeuch qu'il tue son ami pour un douro, son fr�re pour deux
et son p�re pour trois. Autrefois, quand le khalifat du bey de
Constantine passait au pied de leurs montagnes pour aller porter le
tribut � Alger, ils lui jetaient un chien garrott�, en lui criant:
�Voil� pour ta _diffa_!� Soumis depuis 1857, ils commencent � s'amender
pourtant, et trouvent dans la fabrication des moulins � huile et �
farine des ressources moins pr�caires que dans le vol et dans le
meurtre. Puis ce sont, toujours � l'ouest, les A�th-Kani, 7 villages et
370 fusils, alli�s par leur faiblesse aux A�th-Mlikeuch; les
A�th-Ouakhour, 2 villages, 160 fusils, qui fournissent le ciment des
toits aux maisons des cr�tes neigeuses; la Chorfa, village de marabouts,
et les A�th-Mchedallah, 14 villages, 343 fusils, avec le Thamgouth par
excellence qui fut la _doukana_ de Lalla-Khredidja, la grande sainte
canonis�e par les Kabyles. Enfin, adoss�s aux Guechtoula du revers nord,
au sommet, sur le flanc ou au pied du revers sud, les A�th-A�ssi,
longtemps pers�cut�s par leurs voisins, les Mchedallah; les A�th-Yalla,
12 villages, 640 fusils, qui vivent dans des gourbis arabes; les
A�th-Meddour, Merkalla et Ouled-el-Aziz, group�s sur les d�clivit�s qui
descendent vers la plaine du Hamza, o� s'�l�ve un ancien fortin turc, le
bordj du _Petit Puits,_ ou bordj Bou�ra.
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