En Kabylie by J. Vilbort


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Page 85

Apr�s une heure de marche, nous arrivons � son _azib_ d'�t�. C'est un
grand parc de citronniers, d'orangers et de c�drats, au milieu duquel
sur un petit monticule une tente arabe est pittoresquement dress�e. Ici
l'enchantement recommence. Le magicien, c'est l'orient radieux, tout
impr�gn� de parfums. Au fond de la coupole d'azur, le soleil
incandescent fait d�border la vie universelle. Toute la nature �clate de
joie. Une vapeur ti�de monte de la terre fra�chement remu�e au pied des
arbres odorif�rants. Il y m�le leurs ar�mes. Nous nous enivrons de cet
encens. Les feuilles r�fl�chissent la lumi�re comme de l'acier poli; et
lorsque la brise les agite, on croirait voir une bande de scarab�es
verts marchant � la conqu�te des Hesp�rides. Sur la m�me branche se
pressent les pommes d'or, les fruits en promesse et les bouquets de
fleurs. L'aga offre � madame Elvire une de ces branches, divin embl�me
de la nature f�conde. Nous voici sous la tente. Elle est d�cor�e
d'arabesques multicolores qu'encadrent des triangles entrecrois�s. Ces
tr�fles � six feuilles, sont-ce les gardiens du bonheur domestique?
Ben-Ali-Ch�rif habite parfois, l'�t�, cet _azib_ avec sa famille. Ces
deux mains, � l'entr�e, le prot�gent sans doute contre le mauvais oeil.
Entre les tapis de Smyrne et les coussins de brocart, court au milieu de
la tente et gazouille en courant une source vive. Un canal de fleurs la
conduit vers un moulin de pygm�e. Que cela est charmant! Le bon
serviteur qui a voulu �gayer les yeux de son ma�tre a d� construire, en
jouant, plus d'un de ces _thisirth_ [Moulin � eau.] lorsqu'il �tait
enfant. La roue est une orange naine o� s'enfoncent, en guise de dents,
des brins de paille; elle tourne sous l'effort de l'eau, et fait tourner
une _Fleur-de-Marie_. Saab [Le nuage.], le chien favori, Saab, le plus
beau et le moins m�chant, est couch� aux pieds de son seigneur. Seul il
a acc�s dans la tente, et les autres qui r�dent � l'entour, jaloux et
farouches, jettent sur lui des regards mena�ants. L�-bas, des marmitons
kabyles s'empressent, affair�s, autour d'un feu flambant sur lequel un
ma�tre-queux fait cuire � la broche un mouton entier. Plus loin, ce sont
les chevaux d'�ole et la mule du Proph�te qui, attach�s � des piquets,
grignotent quelques brins d'herbe ou prom�nent leurs naseaux sur les
citrons et les oranges. Plus loin encore, une for�t d'oliviers; puis la
vall�e radieuse, couverte de moissons et de troupeaux, pleine de fleurs
et de chansons. Enfin, le Djurjura, au midi comme au nord imposant et
superbe!

--Je vous demande pardon, dit Ben-Ali-Ch�rif, de vous faire d�jeuner de
peu de chose, une omelette et un mouton!

Nous sommes couch�s sur le brocart, et si nous mangeons l'omelette � la
fran�aise, nous nous r�galons du mouton � la kabyle, nous servant de nos
doigts en guise de fourchette et de couteau.

Pendant que nous savourons cette chair tendre et succulente, un vieil
Arabe, courb� en deux par la mis�re encore plus que par l'�ge,
s'approche de notre h�te et lui baise la main. Nous voudrions lui faire
la charit�.

--Cet homme ne manque de rien, nous dit l'aga; c'est un de mes
commensaux. J'en ai deux � trois cents tous les jours de l'ann�e.

Nous savons que la Maison d'Or ne se ferme devant personne, et que celui
qui y entre n'est jamais invit� � en sortir.

--C'est de tradition dans ma famille, et comme le droit des malheureux;
quelques-uns en abusent mais bien peu. J'h�berge depuis quatre mois un
vieil invalide fran�ais � qui sa croix et sa pension font un revenu de
six cents francs. Ce brave homme � la jambe de bois a trouv� le pays si
beau et la maison si � son gr�, qu'il ne peut pas se d�cider, me
disait-il hier, � porter ailleurs ses p�nates. Quant � cet Arabe, il
m'arriva un soir, il y a deux ans, avec une petite fille, tous deux nus
et mourant de faim. Ils ne m'ont plus quitt�. Le p�re a cherch� � se
rendre utile; il donne l'orge � ma jument blanche et l'attache au
piquet, lorsque je viens visiter mon orangerie.

--Il doit vous en co�ter un beau denier de nourrir tout ce monde.

--Je ne compte pas avec le pauvre. Ce que je sais, c'est que ma maison
consomme quatre-vingt mille litres d'huile par an, et pour deux mille
francs de farine par semaine.

Un serviteur apporte et pr�sente � son ma�tre une aigui�re en argent de
forme antique et d'un travail pr�cieux. D'une main, notre h�te la tient
devant madame Elvire, et de l'autre il lui verse de l'eau sur les
doigts. Il lui pr�sente ensuite une serviette tiss�e en laine d'agneau,
douce � la peau comme une caresse.

--Ah! quel souvenir nous garderons de votre hospitalit�!

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 28th Dec 2025, 0:32