En Kabylie by J. Vilbort


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Page 84

Tandis que Ben-Ali-Ch�rif nous �difiait de la sorte sur l'avenir de la
Kabylie et sur la vertu d'une colonisation kabyle auxiliaire des colons
d'Europe, nous savourions les d�lices d'un succulent d�ner maure: la
_shourba,_ potage gras piment�; la _tourta,_ m�lange de viandes et de
p�tes; la _makrouda,_ compos�e d'oeufs, de viande et de farine; la
_doulma,_ hachis au riz, fortement assaisonn� de poivre; puis des grives
en conserves, au beurre; enfin une _biklanva,_ plat exquis d'amandes, de
sucre, de beurre et de farine, et le _kouskoussou_ traditionnel, mais
accommod� aux raisins secs et aux corinthes. Au dessert, les fruits les
plus d�licieux: des oranges parfum�es � la vanille comme Mahomet en
offre aux saints du septi�me paradis. Pour prendre le caf�, nous
retournons au salon.

--Messieurs, fumez! dit madame Elvire.

--Puisque vous l'ordonnez... madame. Go�tez donc ce _chebli_ qui vient
des Ouled-Chebel, dans la Mitidja, ou ce tabac r�colt� dans le Souf �
soixante lieues au sud de Biskra. Vous appr�cierez ainsi, exempts de
tout m�lange, nos deux meilleurs tabacs indig�nes: une des grandes
promesses de l'avenir alg�rien.

Nous trouvons le _chebli_ agr�able; le tabac du Souf a de l'ar�me; mais
il est �pre et violent: c'est du _felfel_ en cigarettes.

--Monsieur Ben-Ali-Ch�rif, avez-vous plusieurs... enfants?

Madame Elvire avait failli lui demander: avez-vous plusieurs femmes?

Il r�pondit en souriant:

--Madame Ben-Ali-Ch�rif e�t �t� tr�s-heureuse de vous faire elle-m�me
les honneurs de sa maison; mais depuis deux jours elle est souffrante,
et vous prie de vouloir bien l'excuser. J'ai deux enfants, madame, deux
fils: celui que vous avez vu, c'est l'a�n�, et un autre d'un an, un bien
joli enfant; je vous le montrerai demain.

Le visage de Ben-Ali-Ch�rif se voila de tristesse.

--Est-ce le plus jeune qui vous cause du chagrin?

Notre h�te h�sita avant de r�pondre:

--Pourquoi vous le cacherais-je? dit-il; je tremble d'en perdre un.
Jamais depuis des si�cles aucun des miens n'a pu conserver plus d'un
fils. C'est l� une fatalit� qui p�se sur ma famille, et dussiez-vous
sourire, madame, c'est �crit!

Cette confession nous frappa. Ainsi la superstition de l'in�vitable p�se
sur le plus intelligent et le plus civilis� des Kabyles comme sur le
plus sauvage.

Le sommeil nous gagnait. Nos membres �taient rompus par trente-six
heures de mulet, et les merveilles de ces trois jours �taient comme un
fardeau sur nos �mes. Avant de dormir nous all�mes pourtant, par un
grand effort de courage, prendre cong� de nos bons muletiers, du beau
Kabyle et de notre ami Bel-Kassem.

--Au revoir jusque l�-haut, nous dit-il en nous montrant le ciel; car
vous ne reviendrez pas en Kabylie, et moi je mourrai sur le rocher o� je
suis n�; mais quand je serai vieux je me rappellerai, comme les plus
belles, ces heures si courtes que j'ai pass�es pr�s de vous.

Quant au beau Kabyle, il porta � son front, en s'inclinant, la main de
madame Elvire, et dit:

--_Allah isselmec_! La protection de Dieu soit avec vous!

--Nous faisons tout d'un somme le tour du cadran. A dix heures on vient
nous annoncer que les chevaux sont sell�s, la mule harnach�e, et que
notre h�te nous attend dans la cour.

--Partons! nous dit-il; sous la tente comme sur la table, le d�jeuner
veut �tre mang� � point.

En notre honneur plusieurs cavaliers en burnous blancs ouvrent la
marche, le mousquet dress�; devant ou derri�re les chevaux s'�bat une
bande de l�vriers g�ants, aux formes �l�gantes, � la dent f�roce.
Plusieurs portent des cicatrices h�ro�ques; les d�fenses formidables du
plus vieux solitaire ne les arr�tent pas. Ils font la guerre � la hy�ne;
un chacal leur co�te � peine un coup de dent. Ont-ils faim? ils
�tranglent une ch�vre ou un mouton dont ils font trois bouch�es. �
droite et � gauche de la route ondoient de luxurieuses moissons: le
maquis d�frich� par les colons de Ben-Ali-Ch�rif est un eldorado.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 27th Dec 2025, 22:14