|
Main
- books.jibble.org
My Books
- IRC Hacks
Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare
External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd
|
books.jibble.org
Previous Page
| Next Page
Page 83
Le ch�rif s'�tait �loign� sur un mot que son p�re lui avait dit en
kabyle; il revint avec la plus belle rose des plates-bandes.
--Permettez-moi de vous l'offrir, dit galamment l'aga � madame Elvire;
il y en a de plus rares, mais aucune n'a son parfum.
Nous retrouvons le jardinier pr�s de la porte du jardin. �tant demeur�
en arri�re:
--Fran�ois, lui dis-je, quelle besogne faites-vous l�?
--Vous le voyez, Monsieur, je sale un jambon.
--Mais je n'ai pas vu un seul porc dans toute la Kabylie.
--C'est une cuisse de sanglier que je mets dans le sel; je la ferai
ensuite s�cher au soleil. M. Ben-Ali-Ch�rif ou M. le ch�rif, son fils,
chaque fois qu'ils vont chasser dans la montagne d'Akbou, abattent
plusieurs de ces b�tes qui ont par ici la taille de petits veaux. Et
lorsqu'ils parviennent � en soustraire un morceau � leurs grands coquins
de l�vriers, de v�ritables tigres, ils ont la bont� de me le r�server.
Pour eux, apprivois� ou non, un sanglier est toujours un porc.
Le soleil s'est couch�, et brusquement le jour a fait place � la nuit;
les diamants c�lestes commencent � jeter leurs feux �tincelants dans un
azur p�le comme le regard de la jeune mourante. Le silence, fr�re des
t�n�bres, a envahi l'immense vall�e. De temps � autre, le cri sinistre
d'un chat-huant ou d'une hy�ne jette l'�pouvante au coeur des troupeaux
endormis. Arrach� par cette menace � son premier sommeil, un agneau y
r�pond par un b�lement plaintif, en se pressant contre le flanc
maternel. �� et l� un feu s'allume pour tenir en respect les carnassiers
qui sortent affam�s de leurs tani�res. La petite cavalcade a pris les
devants. Je remonte sur mon arabe. Je lui l�che les r�nes. Il part comme
un fils d'�ole auquel son p�re a ouvert la caverne. Ses jarrets sont si
flexibles que je ne re�ois nulle secousse de son galop. On dirait que,
suspendu dans l'air, il d�vore l'espace avec des ailes invisibles. En un
clin-d'oeil, il a rejoint ses fr�res, sa soeur, la cavale blanche et la
mule, sa cousine. Sa course pr�cipite la leur; en trois minutes nous
franchissons deux kilom�tres. En descendant de mon cheval, j'avance,
pour le baiser, mes l�vre vers son museau. Il me laisse faire. Un
serviteur s'approche de l'aga et lui dit: �Monsieur Ben-Ali-Ch�rif est
servi.� Nous entrons dans la salle � manger, o� la table dress�e � la
fran�aise est �clair�e aux bougies. Argenterie, cristaux et porcelaines,
tout est de bon go�t et marqu� au chiffre de notre h�te. Mais pourquoi
donc la nappe est-elle d'une blancheur douteuse? Assur�ment, elle a �t�
pass�e � l'eau depuis que la _diffa_ fut servie � ceux qui nous out
pr�c�d�s dans cette maison si grandement hospitali�re. Vos lavandi�res,
mon cher h�te, ignorent-elles donc l'usage du savon? Des valets kabyles,
la serviette sous le bras, s'empressent autour de nous, prompts �
changer nos assiettes et � remplir nos verres. Ah! pour le coup, voici
du m�doc authentique et du mo�t glac�. Ben-Ali-Ch�rif a donn� la place
d'honneur � madame Elvire, il s'est mis � sa gauche: il a la science
inn�e des convenances. Il nous sert, tout en causant. Sa conversation,
o� les traits sont sem�s avec mesure, passe sans effort du grave au
doux, du plaisant au s�v�re. Il prend plaisir � nous prouver que la
France pourra, quand elle le voudra, s'attacher le coeur de la Kabylie
tout enti�re.
--Les Kabyles, nous dit-il, sont accessibles encore aux excitations des
marabouts fanatiques, j'en conviens; mais qu'on fonde chez eux des
�coles fran�aises, qu'on ouvre des routes dans leurs montagnes, qu'on
fasse quelque chose pour leur bien-�tre, qu'on favorise un peu leur
industrie nationale, qu'on leur apprenne � tirer un meilleur parti de
leurs oliviers et de leurs figuiers, qu'on remplace sur le Djurjura les
glands doux par des ch�taignes, qu'on introduise partout la culture de
la pomme de terre et celle aussi du m�rier; en un mot qu'on sache, par
un peu d'aide, en respectant leurs coutumes et leur noble passion de
libert�, r�pandre l'aisance o� r�gne aujourd'hui la mis�re, et la
g�n�ration qui monte sera fran�aise. Ce n'est pas tout: la propri�t�
priv�e r�cemment d�cr�t�e ach�vera la conqu�te de l'Alg�rie; mais pour
la constituer en pays arabe, que d'obstacles � vaincre! Elle existe ici,
et cette population surabondante que la montagne ne peut nourrir, et qui
va chaque ann�e, en �migrant, gagner p�niblement sa vie jusque sur les
fronti�res du Maroc, s'offre comme un �l�ment vigoureux et f�cond de
colonisation dans la plaine. Donnez de la terre � ces braves gens qui
meurent de faim, faites-en des propri�taires et des fermiers mod�les,
vous aurez du m�me coup des partisans d�vou�s de la France, d'utiles
interm�diaires entre les Arabes et vous. M�lez, si vous le voulez, des
colons kabyles aux colons fran�ais: ils sont faits pour s'entendre, et
si la r�volte �clate de nouveau dans le Sud, ne craignez pas alors
qu'ils se joignent aux Arabes. Ils les combattront avec vous, car ils
auront � d�fendre contre eux leurs propres int�r�ts. Et quels colons que
les Kabyles! Demain matin, si vous le voulez bien, nous irons d�jeuner �
ma maison de campagne. Eh bien! tout le long de la route, vous verrez
des cultures magnifiques. Tout r�cemment encore, c'�tait un maquis
imp�n�trable, habit� par des chacals, des sangliers et des hy�nes. J'ai
c�d� ces terrains � de pauvres diables, en pleine propri�t�, � la
condition de les d�fricher, et vous pourrez vous convaincre qu'en
quelques ann�es ils en ont fait une corne d'abondance.
Previous Page
| Next Page
|
|