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Page 79
Je partis, reprit-il, apr�s avoir bais� pieusement la main de ma
bienfaitrice et remerci� du fond du coeur le thebib fran�ais. Pour
regagner mon village, je suivis d'abord la nouvelle route, celle que vos
soldats avaient ouverte aux flancs du rocher, et je compris pourquoi ils
avaient l� tant fait parler la poudre. Sur le Souk-el-Arba des Iraten,
le fort enti�rement achev� se dressait mena�ant, et dans l'int�rieur du
fort des maisons, grandes ou petites, s'�levaient comme si un magicien
les e�t fait sortir de terre. Je m'�loignai en toute h�te de ces lieux
remplis de sortil�ges. Douze heures de marche seulement me s�paraient de
mon village, de ma m�re, de ma fianc�e. Et comme le coeur me battait � la
pens�e que j'allais les revoir! car la sainte de Tizi-Ouzou m'avait
assur� que toutes les femmes, except� Lalla Fathma, avaient �t� remises
en libert�. Quant � ma maison, �tait-elle encore debout? Peu
m'importait! La guerre, me disais-je, n'en aura du moins pas emport� les
pierres, et le l'aurai, moi, bient�t relev�e avec l'aide de mon tuteur
qui est ma�on.
Je me parlais ainsi � moi-m�me en traversant Ichariten, o� la plupart,
des maisons br�l�es avaient d�j� �t� reconstruites. D�j� les traces de
la lutte avaient presque partout disparu; car le Kabyle ne se montre pas
moins ardent aux oeuvres de la paix qu'� celles de la guerre. Tout en
marchant d'un pas rapide, je formais de doux projets. Je n'avais point
les cent douros d'Espagne que le vieux Salem exigeait pour la dot,
d'Yasmina: je n'en avais m�me pas le premier. Mais cet homme-l�, me
disais-je encore, ne sera pas impitoyable quand j'aurai fait justice
d'Ali, comme c'est mon droit et mon devoir. Il sera trop heureux alors
de me donner sa pupille pour que je lui assure, moi, sa nourriture.
Je m'�tais arr�t� � une fontaine; j'y avais fait mes ablutions en
disant, selon la coutume: �O mon Dieu, fais-moi sentir l'odeur du
paradis.� Comme je me relavais et montrais mon visage, quelqu'un pr�s de
moi s'�cria au comble de la surprise:
--Vraiment est-ce toi, Mohamed, est-ce bien toi?
C'�tait un homme des A�th-Aziz, Yacoub, un de mes camarades d'enfance.
--Nous t'avons tous cru mort. Ta m�re t'a pleur�, Yasmina aussi.
--Yasmina aussi, fis-je machinalement, car je ne savais plus ce que je
disais, accabl� sous le pressentiment de quelque nouveau malheur.
--Oui, reprit Yacoub, elle t'a bien pleur�, la pauvre petite; mais il y
a une fin � tout, et le vieux Salem lui ayant apport� la preuve de ta
mort...
--Quelle preuve? m'�criai-je hors de moi.
--Ta _gadoum_ qu'elle a reconnue aux signes que tu y avais grav�s avec
ton couteau. Ta m�re Hasna aussi l'a reconnue.
--Et alors?
Alors son tuteur l'a tour � tour suppli�e, menac�e, lui r�p�tant sans
cesse qu'elle offensait le ciel en vouant sa vieillesse � la mis�re par
son refus obstin� d'�pouser Ali.
--Elle, la femme d'Ali! criai-je; en saisissant le bras de Yacoub. Mes
ongles s'enfon�aient dans sa chair.
--Pas encore, s'empressa-t-il de me r�pondre, mais tu me fais mal.
--Allah est grand!
Je me jetai au cou de mon ami; je l'embrassai de toutes mes forces.
--Tu n'as pas de temps � perdre, reprit-il, si tu veux arriver l�-bas
avant que le marabout ait r�cit� la _fatha_ [La pri�re qui consacre le
mariage.].
--C'est donc demain?
--Oui, c'est demain.
Je mesurai la distance:
--Yacoub, m'�criai je, Ali n'�pousera demain que la mort.
Et comme un fou je me mis � courir dans la direction de mon village.
Mais je n'avais pas retrouv� mes jambes d'autrefois, et dans ma poitrine
il y avait un fer rouge. Ma blessure s'enflammait; elle mena�ait de se
rouvrir. A chaque fontaine je m'arr�tais, et j'avalais de grandes
gorg�es d'eau pour �teindre le feu qui d�vorait mes poumons et ma gorge.
Je ne disais plus: �O mon Dieu, fais-moi sentir l'odeur du paradis;�
mais je disais: �O mon Dieu, prends ma vie, mais que du moins, avant de
mourir, je puisse frapper ce tra�tre!�
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