En Kabylie by J. Vilbort


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Page 77

--Et les Mlikeuch? fis-je.

--Les Mlikeuch ont fait leur soumission.

Mes yeux s'�tant port�s sur l'Azerou-N'Thour, j'y vis briller des armes.

--Ce sont les n�tres qui sont l�? demandai-je.

--Non, r�pondit ma m�re Hasna en fr�missant; ce sont les d�mons de
France. Les _djenouns_ les y ont amen�s cette nuit.

Au m�me instant des vieillards, des femmes, des enfants, effar�s,
g�missant et poussant devant eux leur b�tail, accouraient vers le
village:

--Les Roumis! criaient-ils, les Roumis! Ils viennent! Ils sont l�!

Tout � coup la fusillade �clata dans la montagne. Nos derniers
d�fenseurs ripostent en cent endroits au feu de l'ennemi plus nombreux
que jamais et plus terrible, car il est maintenant press� d'en finir
avec cette poign�e de patriotes qui offense son orgueil. Ce sont des
A�th-Illilten, des A�th-Illoula-Oumalou, des A�th-Ithourar, des
A�th-Idger et des guerriers de diverses tribus vaincues et soumises.

Ici le beau Kabyle parut de nouveau frapp� de mutisme; mais faisant un
effort sur lui-m�me, il s'�cria:

--Puisque c'est la v�rit�, je dois vous la dire: eh bien, une partie de
nos anciens alli�s, comme s'ils �taient jaloux de nous voir libres
encore, ne se montr�rent pas moins empress�s d'en finir avec nous que
vos propres soldats. Ils se joignirent � eux; et nous les apercevions,
l�-bas, qui se battaient, eux Kabyles, contre nous, leurs fr�res. Le
malheur est mauvais conseiller: les vieilles haines qui existaient entre
des tribus ou des villages, entre des sofs ennemis, saisirent avec
empressement le pr�texte ou l'occasion de se satisfaire. Alli�s dans la
guerre contre l'�tranger, unis pour la commune d�fense, nous v�mes les
divisions anciennes r�appara�tre dans nos rangs au lendemain de nos
premi�res d�faites. Et c'est ainsi que plusieurs villages furent pill�s
et br�l�s, non par des mains fran�aises, mais par des mains kabyles. Il
me fallait vous faire ce p�nible aveu qui couvre mon visage de honte.

Ma m�re, ma fianc�e et moi, nous regagn�mes la maison de Lalla Fathma
sans �changer une seule parole. Qu'aurions-nous pu nous dire? Tout
n'�tait-il pas fini pour nous?

La fusillade se rapprochait d'instant en instant. De notre c�t�, elle
�tait aussi de moins en moins nourrie. Autour de moi, ce n'�tait que
lamentations. Des femmes, des enfants s'entassaient dans l'_amrah_ [La
cour.] et jusque dans l'_aouens_ [Logement du chef de la famille.] o� la
sainte se tenait assise sur la _doukana_ [Banc de pierre ou lit.]. A
l'expression de son visage, on devinait qu'elle aussi avait renonc� �
toute esp�rance, et qu'elle attendait, d�sol�e mais r�sign�e,
l'in�vitable destin�e. Pour nous, elle ne pouvait plus rien que nous
donner l'exemple du courage devant la mort, et ce devoir, elle s'en
acquittait.

Mais voici que les lamentations redoublent. Les coups de fusil �clatent
maintenant � l'entr�e m�me du village. Chacun comprend que nous touchons
au moment supr�me. Alors je ne sais quel vertige s'empare de moi: il me
semble voir, je vois ma m�re Hasna, je vois Yasmina ma fianc�e, aux
mains de l'ennemi, expos�es aux derniers outrages. Je les presse sur mon
coeur pour me persuader � moi-m�me que ce n'est l� qu'une hallucination.
Mais l'�pouvante des femmes, leurs cris d�chirants, m'avertissent que ce
qui n'est � pr�sent qu'une affreuse illusion deviendra tout � l'heure la
r�alit� m�me. Aussit�t, je m'arrache des bras ch�ris qui me retiennent:

--Non, m'�cri�-je, cela ne sera pas, moi vivant.

Dou� d'une force surnaturelle, je bondis hors de la maison, je m'�lance
du c�t� o� l'on se bat encore; � d�faut de fusil, j'ai ma _gadoum_. Le
premier ennemi qui se rencontre � ma port�e est un tirailleur indig�ne.
Il d�charge son fusil sur moi et me manque. Je lui fends la t�te. Un de
ses camarades accourt, et je tombe perc� d'un coup de ba�onnette
[L'attaque des A�th-Illilten et la prise de Lalla Fathma au village de
Soummeur eurent lieu le 11 juillet 1857.].

Le beau Kabyle, entrouvrant sa _gandoura,_ nous montra sur sa poitrine
une horrible cicatrice. Son r�cit nous avait tous vivement �mus. La
chaleur que Bel-Kassem avait mise � le traduire, prouvait bien qu'il
n'�tait pas demeur� insensible, lui non plus, aux exploits de ce h�ros.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 27th Dec 2025, 7:09