En Kabylie by J. Vilbort


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Page 75

Le patriote des A�th-Aziz devina ce bon mouvement du G�n�ral; car avant
que l'interpr�te eut ouvert la bouche, il s'�cria avec feu:

--Non, non, je tiens � ce que vous sachiez tous que jusqu'au bout nous
avons fait notre devoir.

Et aussit�t il reprit son r�cit:

--Pendant que vos soldats, dit-il, venaient de l'ouest plus nombreux que
les grives du nord � l'automne, une autre troupe, partie de Constantine,
arrivait par la vall�e de l'Oued-Sahel au pied du Djurjura, en
gravissait les pentes abruptes et plantait ses tentes aux approches du
col de Chellata. Celle-ci devait nous attaquer par l'est, et nous
allions ainsi �tre plac�s entre deux feux. Tous ceux des
A�th-Illoula-Oumalou qui n'�taient point all�s au secours des Iraten se
trouvaient rassembl�s sur le Thiziberth, avec les _sofs_ des lllilten,
des Ithourar, des Idger, et des Mlikeuch, pr�ts � faire tomber sur
l'ennemi une gr�le de balles et de pierres. Mais de ce c�t�-ci comme de
l'autre, les _djenouns_ [D�mons.] combattaient visiblement avec les
soldats de France qui traversent le col de Chellata et d�passent le
Thiziberth, prot�g�s par une cuirasse invisible; ils semblent
invuln�rables: ni les pierre ni les balles ne les peuvent arr�ter dans
leur course. Ils tombent comme une avalanche sur le village des
A�th-Mezeguan qu'une faible distance s�pare du village des A�th-Aziz.
Ils le ruinent de fond en comble. Mais ce succ�s leur co�te cher: plus
de cent des leurs sont tu�s ou bless�s. Les n�tres n'ont aucun reproche
� se faire: ils sont au moins deux cents qui gisent l� morts ou
mourants. Ce fut alors sur mon village m�me que s'appesantit la col�re
d'Allah.

Le beau Kabyle �tait devenu tout p�le; il continua avec un tremblement
dans la voix:

--J'�tais arriv� dans la nuit, accourant � la d�fense des miens. Je
trouvai ma maison vide, vide aussi la maison du vieux Salem. Ma m�re
�tait partie avec Yasmina, avec les femmes, les enfants et les
vieillards dans la direction de Tirourda et de Soummeur. On m'apprit
qu'ils �taient all�s chercher un refuge aupr�s de Lalla-Fathma, la
sainte des Illilten. Ce fut pour mon coeur un grand soulagement.

Alors je courus � la _djem�a_ et je leur dis: �Nous serons attaqu�s tout
� l'heure; quels sont ceux qui veulent mourir avec moi?� Plus de trente
r�pondent: moi! moi! Je le constate � regret, mais Ali n'�tait pas du
nombre. Il s'�tait pourtant bien battu chez les Iraten et ailleurs.
�C'est bien, repris-je, nous allons nous barricader dans la tour.� Ce
que nous f�mes aussit�t, apr�s nous �tre pourvus de munitions et de
vivres.

Cette tour surmonte la porte du village; elle est perc�e de meurtri�res
et domine le petit plateau des A�th-Aziz. Nous employons les derni�res
heures � renforcer la porte avec des madriers et des pierres; nous
per�ons de nouvelles meurtri�res; en un mot, chacun s'ing�nie � d�fendre
de son mieux le village et � faire payer sa vie le plus ch�rement
possible. Quant � moi, je n'esp�re plus rien; je sais que l'ennemi nous
�gale par le courage, qu'il est mieux arm� que nous, mieux disciplin�,
plus expert dans l'art de la guerre. Et si ce ne sont pas les _djenouns_
qui combattent avec lui, c'est Allah qui lui donne la victoire, afin de
nous infliger la plus cruelle de toutes les �preuves. Mais si je ne puis
sauver mon pays ni mon foyer, du moins je ne survivrai pas � leur ruine.

Voil� ce que je me disais � moi-m�me, en attendant le soleil trop lent �
se montrer. Et si je n'ai pas r�alis� mon projet, si la mort n'a pas
satisfait mon d�sir, ce ne fut point, en v�rit�, par ma faute.

Pendant quelques instants le beau Kabyle cessa de parler, tellement son
�motion �tait forte. Il vit bien dans nos yeux qu'aucun de nous
n'�levait le moindre doute sur sa sinc�rit�.

--L'assaut, dit-il, nous fut livr� de trois c�t�s � la fois. Parmi vos
soldats, il y en avait qui bondissaient comme des panth�res. Nos balles
s'aplatissaient sur leur peau. Sans cela, comment eussent-ils pu
parvenir jusqu'� nos maisons et les escalader sous nos feux crois�s? Car
nous avions multipli� dans tous nos murs les meurtri�res, et par chacune
d'elles un bon tireur visait, tandis que les autres n'�taient occup�s
qu'� recharger les fusils. J'ai moi-m�me tir� dix fois sur un chef,
longtemps immobile � la m�me place o� il donnait des ordres; je ne l'ai
point atteint. N'�tait-ce pas un sortil�ge? Le village envahi, nous nous
batt�mes corps � corps, nous avec nos _flissa_ [Sabres.] et nos _gadoum_
[Haches.], eux avec leurs ba�onnettes, ou les uns et les autres avec la
crosse du fusil. Une affreuse m�l�e s'engagea dans les rues, dans les
cours et jusque dans l'int�rieur des maisons. A la fin, ce qui restait
encore debout des _Imessebelen_ [Patriotes qui se d�vouent � la mort.]
se jeta dans la tour pour y livrer le combat supr�me. Je tombai l� parmi
mes derniers compagnons, abattu d'un coup de crosse sur la t�te [Le
village d'A�th-Aziz fut attaqu� le 30 juin 1857 par des bataillons des
70e et 71e de ligne, du 2e zouave, du 1er �tranger et des tirailleurs
indig�nes. �Les trois colonnes marchent sur A�th-Aziz avec toute la
furie fran�aise; mais les barricades et les murs cr�nel�s des villages
arr�tent quelques instants l'attaque de front. L'ennemi attend
r�sol�ment les assaillants: les soldats se jettent sur les barricades et
s'efforcent de saisir les fusils kabyles � travers les meurtri�res. La
lutte a lieu � bout portant ou � l'arme blanche. Enfin les premi�res
barricades sont renvers�es, et les soldats p�n�trent dans le village.
Les zouaves de droite y p�n�trent presque en m�me temps; le combat se
prolonge pendant quelques instants de maison en maison; puis le nombre,
les armes et la discipline l'emportent comme ailleurs, et les Kabyles
s'enfuient par le ravin de gauche, laissant de nombreux cadavres aux
mains de leurs ennemis.� Emile Carrey, _R�cits de Kabylie, campagne de
1857._].

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 27th Dec 2025, 3:07