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Page 73
--Mourir peut-�tre!
Elle tomba sur ses genoux en poussant des cris d�chirants.
--Prends garde, lui dis-je, tu vas donner l'�veil � Kreira la sorci�re.
--Ah! qu'elle me voie et qu'elle le dise! Puisque tu pars, je veux
partir... et si tu meurs, je mourrai avec toi.
Le beau Kabyle essuya une larme qui brillait entre ses cils noirs.
--J'eus beaucoup de peine, reprit-il, � la dissuader; mais ce grand
amour qu'elle faisait �clater pour moi allumait dans mon coeur une flamme
d'enthousiasme. Je me sentais invincible; je le lui dis. Non, je ne
mourrai pas, m'�criai-je; je te reviendrai victorieux, charg� des
d�pouilles de nos ennemis: car, apr�s les avoir vaincus, nous les
poursuivrons jusqu'� Alger, jusqu'� la mer; toutes leurs richesses
deviendront les n�tres, et si le vieux Salem exige alors deux cents
douros au lieu de cent, je les lui donnerai.
Ses yeux rayonnaient. Elle voulut traverser la haie et ne fit que se
blesser cruellement aux �pines. Moi, prenant mon �lan, je franchis la
haie d'un bond et tombai dans ses bras. A ce moment, la vieille Kreira
nous montra, � une _thikouathin_ [Petite fen�tre.], son nez et ses yeux
de chouette.
C'est bien, glapit la sorci�re, le vieux Salem le saura, et toi, tu
seras condamn� � l'amende.
Nous �change�mes le dernier baiser. La haie de nouveau franchie, je pris
ma course dans la direction de Thirourda et de Soummeur. L'impatience me
d�vorait. J'eusse voulu tout de suite engager le combat. J'allai donc de
toute la vitesse de mes jambes au-devant de ma m�re. Ne rapportait-elle
pas la r�ponse de Lalla Fathma, l'infaillible proph�tesse?
De si loin que je l'aper�us dans la montagne, je sus que l'heure �tait
arriv�e. Elle venait � pas rapides, le regard fixe, le visage s�v�re.
Aux deux coins de sa bouche, il y avait quelque chose qui semblait
d�lier un invisible ennemi. Je m'�lan�ai vers elle, l'interrogeant des
yeux:
--Prends ton fusil, dit-elle d'une voix br�ve; cours � la _djem�a_:
annonce-leur que les Roumis attaqueront demain les A�th-Iraten. Propose
que notre contingent parte � l'instant m�me, avec l'_amin_ en t�te.
S'ils ne votent point de d�part, va avec les volontaires, et s'il n'y en
a pas, va seul.
Je fis ce que ma m�re Hasna m'ordonnait de faire. J'annon�ai � la
_djem�a_ la grande nouvelle. Au nom de la patrie, je r�clamai le d�part
imm�diat de notre contingent. Quelques hommes de la _kharouba_ des
Bou-Sma�l �lev�rent des objections, moins par d�faut de courage, je dois
le dire, que par un mouvement de haine, la proposition venant de moi.
Elle n'en fut pas moins adopt�e. Nous nous rassembl�mes sur l'heure dans
la petite prairie o�, madame, vous avez si bien dormi: chacun de nous
avait son fusil, son sabre, sa _gadoum_ [hachette.] et son _tabenta_
[Tablier de cuir.], plus une grande poche suspendue � son c�t�, et qui
contenait, avec la provision de poudre et de balles distribu�es par la
_djem�a,_ des provisions de route, telles que galettes d'orge, figues,
amandes et raisins secs.
Les m�res, les femmes, les soeurs, les vieillards, les enfants,
accompagn�rent les guerriers jusqu'� la sortie du village. On criait
_you_! _you_! pour exciter leur courage. L� ce fut un d�chirement; car
si brave que l'on soit, ce n'en est pas moins un cruel moment que celui
o� l'on se s�pare des siens pour aller regarder la mort en face. Au fond
de la vall�e, je me retournai une derni�re fois et relevai la t�te: je
vis l�-bas, sur la pointe extr�me du rocher des A�th-Aziz, deux formes
blanches. Je les reconnus bien: c'�tait ma m�re et ma fianc�e. Elles se
tenaient �troitement embrass�es. Un rayon de bonheur jaillit de mes yeux
et rencontra ceux d'Ali. Il me jeta un mauvais regard. Celui que je lui
renvoyai n'�tait pas meilleur, car il disait:
--C'est bien, Ali, nous r�glerons notre compte ensemble apr�s la guerre.
Nous march�mes toute la nuit; et, au point du jour, nous arriv�mes au
village d'lcheraou�a, qui existait alors sur le plateau du Souk-et-Arba.
En chemin nous nous �tions r�unis d'abord aux contingents de notre
tribu, puis � ceux d'autres tribus des Zouaoua, telles que les Illilten,
les Menguelate, les Ithourar, les Idger. A peine nous �tions-nous fait
reconna�tre de nos fr�res Iraten, que la poudre parla, et avec quelle
violence! C'�tait la foudre et le tonnerre �clatant en cent endroits?
Fusils, canons, fus�es, faisaient rage, et jamais la mort n'avait fait
pareille cur�e dans nos montagnes. Nos plus vieux guerriers disaient:
nous avons assist� � bien des batailles; mais aucune, en aucun temps, ne
fut comparable � celle-l�. Trois divisions fran�aises se mirent �
monter, comme trois grands serpents, les cr�tes des Iraten; et quand
vint la nuit, elles �taient, en d�pit de tous nos efforts, parvenues aux
deux tiers de la hauteur [Combats du 21 mai 1857, voir page 72.]. Le
lendemain, la lutte recommen�a d�s l'aube, acharn�e de leur c�t�,
d�sesp�r�e du n�tre. Vers midi le dernier tiers de la montagne �tait
franchi, et l'ind�pendance kabyle avait re�u une blessure dont elle
devait mourir.
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