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Page 70
Vers le m�me temps, le bruit commen�ait � se r�pandre dans toute la
Kabylie que cette fois l'arriv�e du _Moule-S�a_ [Le ma�tre de l'heure,
le r�g�n�rateur attendu du monde musulman.] �tait proche. Cependant, la
mort de Bou-Bar'la [L'homme � la mule.] avait singuli�rement diminu�,
dans la haute montagne, l'influence des derviches arabes qui viennent y
pr�cher la guerre sainte. On avait acquis la preuve que ce pr�tendu
ch�rif qui avait commenc� par vendre, sous sa tente, des rem�des aux
femmes st�riles, au _Souk-el-Had_ [March� du dimanche.] des Oulad-Dris,
et qui s'�tait fait passer ensuite pour Si-Mohamed ben Abd-Allah [�Un
homme viendra apr�s moi, son nom sera semblable � celui de mon p�re, et
le nom de sa m�re sera semblable � celui de la mienne. Il me ressemblera
par le caract�re, mais non par les traits du visage; il remplira la
terre de justice et de v�rit�.� Commentaire du Coran.--Aucapitaine.
_Les Kabyles et la colonisation de l'Alg�rie._] en personne, n'�tait
qu'un imposteur. Ce tr�s-habile homme avait r�ussi, par ses diableries,
� soulever une partie de nos tribus, et m�me � abuser de notre vraie
sainte des A�th Illilten, Lalla Fathma-Bent-Cheikh. Il nous avait
annonc� que les Roumis s'�loignaient de la terre d'Afrique [A l'�poque
de la guerre d'Orient, quand on r�duisait toutes les garnisons pour
envoyer les troupes en Crim�e.]. Il se pr�tendait invuln�rable comme
Mohamed-el-Debbah. Un jour, ayant son burnous travers� par une balle, il
dit � ses partisans: �On ne peut m'atteindre avec le fer ou le plomb.
Les infid�les le savent; c'est pourquoi ils essayent de me tuer avec des
balles d'or: voyez!� Et il leur montra une balle recouverte d'une
feuille d'or. Ce qui n'avait pas emp�ch� le ca�d Lakhdar-el-Mokrani des
A�th Abb�s de lui trancher la t�te d'un coup de sabre [Le 26 d�cembre
1854.]. Et quelque temps apr�s nous avions vu aussi les Roumis revenir
en grand nombre [Apr�s la guerre d'Orient.]. En sorte que, sur nos
_souks_ [March�s.], les derviches trouvaient nos oreilles moins ouvertes
que par le pass�.
Cependant ils arrivaient plus nombreux que jamais de l'Ouest, et tous se
pr�tendaient envoy�s par Allah pour nous annoncer la prochaine
lib�ration de la terre africaine. Ceux d'entre nous qui avaient eu d�j�
� souffrir de la guerre, ceux dont les Fran�ais avaient br�l� les
villages, coup� les oliviers et les figuiers, disaient alors: �Si
l'�tranger veut escalader nos montagnes pour nous r�duire en esclavage
nous le rejetterons dans la vall�e et punirons son orgueil; mais nous ne
sommes point des Arabes fanatiques, et nous ne devons pas appeler sur
nos villages et sur nos familles le fl�au de la guerre.� Ainsi
parlaient-ils dans les _djem�a,_ et leur avis y pr�valait le plus
souvent. Lalla-Fathma elle-m�me, quoiqu'ardente patriote, tenait alors
ce langage, en d�pit des excitations des _khou�ns_ [Fr�res associ�s de
l'ordre de Si Mohammed Abd-er-Rhaman bou Kobrin.]. Elle pour qui
l'avenir �tait un livre ouvert, y voyait-elle, la sainte illumin�e, que
les jours de notre ind�pendance �taient compt�s, ou bien se
flattait-elle encore de pouvoir d�tourner la foudre d�j� suspendue sur
toute la Kabylie?
Les choses �taient ainsi au printemps de 1857. L'hiver avait �t�
tr�s-long, tr�s-rigoureux. Durant de longs mois, nous �tions rest�s dans
nos maisons emprisonn�s par la neige, tout pareils � des oiseaux en
cage. Cette r�clusion nous est fort p�nible � nous qui aimons � nous
mouvoir en libert�; mais elle l'avait �t� doublement pour moi: car c'est
� peine si j'avais pu une fois ou deux �changer quelques paroles avec ma
bien-aim�e. En voyant tomber incessamment la neige qui �levait entre
Yasmina et moi un obstacle infranchissable, je me rongeais les ongles
d'impatience; ou lorsque j'entendais gronder les avalanches qui, par
endroits, comblaient la vall�e, et ailleurs formaient de nouvelles
montagnes, je perdais courage; je me disais en cherchant quelque coin
sombre: non, jamais toute cette neige ne fondra, jamais je ne verrai la
fin de cet affreux hiver. Il se termina pourtant comme les autres. Ce
fut dans la nature une explosion de joie, et moi je n'avais jamais si
bien compris qu'alors la chanson des oiseaux.
Un matin,--j'avais dix-sept ans depuis la veille--je me dirigeai vers la
demeure du vieux Salem. Un chaud soleil d'avril faisait �clater les
bourgeons au bout des branches. Mon coeur bondissait dans ma poitrine;
j'avais des ailes aux pieds. Ma bonne m�re m'avait dit:
--Je ne sais en v�rit� comment nous ferons pour nourrir une femme et des
enfants; mais tu le veux... va donc!
En me voyant ma bien aim�e changea de couleur; elle devinait le but de
ma visite. Quant au vieux Salem, il ne me fit aucun accueil; au
contraire, son visage s'allongea:
--Que me veux-tu? dit-il brusquement.
--Je viens, lui r�pondis-je, te demander pour femme ta pupille Yasmina.
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