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Page 65
Mais voici qu'une contestation s'�tant �lev�e, lui qui avait la main
prompte autant que le coeur chaud, accourt � la maison, saisit son fusil,
son sabre, et la guerre est d�clar�e dans la _dachera_ [Commune.]. Les
marabouts s'interposent, la _djem�a_ se r�unit. On parle, on crie, on
gesticule, on s'injurie, on se provoque. Le village se divise en deux
partis ennemis; bref, on court aux armes et la poudre se met � parler.
Le soir, nos partisans nous rapportaient mon p�re frapp� d'une balle en
plein coeur.
Je n'�tais alors qu'un petit enfant de trois ans, et pourtant j'entends
encore les lamentations de ma m�re. Je la vois aussi jetant son cri de
mal�diction et de vengeance aux meurtriers de son mari.
Mon p�re mort, il fallut acquitter les dettes de sa succession. J'�tais
son unique h�ritier, car les femmes n'h�ritent pas. La _djem�a_ me donna
pour tuteur un cousin de mon p�re qui n'avait pas de fr�res. Cet honn�te
homme, conseill� par ma m�re, fit son possible pour sauver une partie de
mon h�ritage. Nos biens furent acquis � vil prix par les
Ahmed-bou-Sma�l, qui seuls avaient de quoi les requ�rir. La _r'ania_
�teinte, ce qu'ils nous remirent d'argent suffit � peine � acquitter
d'autres dettes. En sorte qu'il ne nous resta, � ma m�re et � moi, que
la maison du village avec le potager et quelques ch�vres.
Ma m�re Hasna �tait une femme d'intelligence et de courage. Elle n'avait
pas seulement appris � lire les versets du Coran, mais aussi � carder, �
filer et � tisser la laine. Jeune et belle, autant que savante, il
s'offrit � elle, quoique veuve, plus d'un parti que d'autres n'eussent
point d�daign�s. Mais elle les refusa tous, parce qu'elle honorait la
m�moire de mon p�re et qu'elle concentrait maintenant sur moi tout son
amour. D'ailleurs elle nourrissait au fond de son coeur une passion
ardente: celle de la vengeance.
--Ces Ahmed-bou-Sma�l, disait-elle souvent, ne sont pas de notre race.
Ce sont des Arabes ou des Juifs, comme le montrent leur yeux obliques,
leur nez recourb� et leurs instincts de cupidit�. Il faut les ha�r,
Mohamed, car ils d�shonorent notre montagne et ils ont tu� ton p�re.
Elle avait aussi le culte des vieux souvenirs. Vers le soir, quand elle
avait b�ch� notre jardin o� j'arrachais, moi, les mauvaises herbes, nous
menions les ch�vres sur les hauts rochers. Nous nous dirigions presque
toujours vers un endroit d'un abord difficile. L� se trouvaient des
excavations profondes, de forme cylindrique et qui semblaient avoir �t�
pratiqu�es de main d'homme. Elles ressemblaient � d'immenses silos.
--Regarde bien ces trous, disait ma m�re Hasna; ce sont les demeures des
g�ants qui, les premiers, ont habit� ces montagnes. Allah les a
foudroy�s parce que, dans leur orgueil, ils voulaient s'�lever jusqu'�
lui. Mais nous, venus ici apr�s eux, nous sommes rentr�s en gr�ce, car
nous savons nous incliner devant sa toute-puissance et ob�ir � sa loi.
Parfois encore, les _djenouns_ viennent hanter ces cavernes; la nuit, on
les entend qui m�lent leur cri strident aux clameurs de la temp�te
d�cha�n�e.
Alors moi je me serrais contre elle en tremblant:
--Va, reprenait-elle, nous n'avons rien � craindre de leurs mal�fices,
aussi longtemps que nous serons pieux et charitables, d�vou�s au
prochain, pr�ts � donner tout notre sang pour l'honneur de la famille,
du village ou de la tribu, pour la libert� et l'ind�pendance de tous les
Kabyles. Mais malheur au l�che qui d�serte son devoir, et honte au fils
d�g�n�r� qui ne venge point l'offense faite � son p�re!
Ma m�re Hasna connaissait les plantes qui gu�rissent toutes les
maladies. Elle les cueillait, j'en faisais une botte et, � la nuit
tombante, nous ramenions les ch�vres � la maison. En ce temps-l� d�j�,
malgr� sa jeunesse, elle s'�tait acquis dans le village et m�me plus
loin, une r�putation de savoir et de vertu. Elle �tait le m�decin, la
sage-femme, et s'il y avait un malade au village, on l'appelait aupr�s
de lui. On avait foi dans ses rem�des. Si elle ne parvenait pas � gu�rir
le corps, elle trouvait du moins de bonnes paroles pour r�conforter
l'�me. Aussi jouissait-elle d'une estime particuli�re parmi les hommes
comme parmi les femmes des A�th-Aziz; et tout enfant que je fusse, cela
m'inspirait un grand respect pour elle. Il s'y m�lait m�me de la
crainte, quand je la voyais pr�parer ses rem�des en r�citant des
pri�res, ou d'autres fois, parvenue � la pointe extr�me d'un rocher, y
demeurer longtemps immobile, les yeux fixes et perdus dans l'ab�me. Il
m'arrivait alors de crier: _imma_ [Maman.]! en la tirant par son ha�k.
Elle, comme une personne qu'on r�veille brusquement, me regardait
�tonn�e; puis, me prenant dans ses bras, elle me serrait contre sa
poitrine et me couvrait de baisers:
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