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Page 64
Arriv� � ce point de son r�cit, le beau Kabyle se tourna vers madame
Elvire et lui dit:
--Bel-Kassem m'assure que vous d�sirez conna�tre, non-seulement comment
on se bat, mais aussi comment on aime dans nos montagnes. Eh bien,
Madame, pour vous contenter, je ne puis mieux faire que de vous raconter
bri�vement ma vie.
Le visage du narrateur se voila de tristesse:
--Je doute, reprit-il, que mon r�cit vous fasse plaisir: car vos yeux
disent combien vous �tes bonne, et je suis malheureux. Mon coeur s'est
partag� entre deux grands amours: ma patrie et ma fianc�e; il est frapp�
dans l'un et l'autre.
--Dis lui, Bel-Kassem, que, s'il lui est p�nible de retourner dans le
pass�, nous renon�ons au r�cit de ses exploits et de ses amours.
Le guide traduisit les paroles du G�n�ral.
--Non, r�pondit le beau Kabyle: je suis touch� de l'int�r�t que Madame
daigne me t�moigner, et je tiens � lui montrer que, si barbares que nous
lui paraissions �tre, nous ne sommes pourtant pas plus �trangers aux
nobles passions que ses compatriotes de France. Mon village touche � la
cr�te du Djurjura. Vous vous y �tes arr�t�s aujourd'hui, et avez vu
qu'il se trouve � l'extr�me limite des terres cultiv�es. Au-dessus, il
n'y a plus rien que la roche nue.
Les _kharouba_ [Familles.] des A�th-Aziz sont pauvres, tr�s-pauvres,
sauf deux ou trois enrichies dans une industrie coupable � vos yeux,
mais qui ne l'est point aux n�tres: le recel. Nous r�prouvons le vol, et
nos _kanouns_ le punissent; mais l'_oukaf_ [Le rec�leur.] nous fait
retrouver l'objet vol�, qui, rachet� par lui � vil prix, rentre en notre
possession sans qu'il nous en co�te trop cher. Aussi ces familles
d'_oukafs_ ne sont pas moins consid�r�es que d'autres qui ne demandent
leurs ressources qu'� la culture ou � l'�l�ve du b�tail. Et m�me, en
raison des biens qu'elles poss�dent, elles exercent souvent, sinon
toujours, dans la _djem�a_ une influence pr�pond�rante. Nos _amins_
�taient fr�quemment choisis parmi leurs membres.
Cependant ma m�re Hasna nourrissait contre ces familles, surtout contre
l'une d'elles, une haine implacable. Pourquoi? Vous allez le savoir. Ma
_kharouba_ n'avait pas toujours �t� parmi les plus pauvres. Ma m�re
Hasna avait connu le temps o� nous poss�dions des champs dans la vall�e,
des boeufs et des moutons dans la montagne. Et la preuve, c'est que mon
p�re avait pu acqu�rir en mariage la fille unique d'un marabout v�n�r�
de Tirourda, Sa�d-el-Hadj, tr�s-riche lui-m�me. Il ne lui en avait pas
co�t� moins de deux cents douros d'Espagne, soit plus de mille francs.
Eh bien, toute notre richesse s'en �tait all�e chez ces _oukafs,_ et
principalement dans la _kharouba_ des Ahmed-bou-Sma�l. Comment? C'est
bien simple: mon p�re �tait un homme g�n�reux. Dans la _djem�a,_ il
�tait toujours le premier � proposer l'_ouzia_ [Distribution de viande
aux familles du village.], afin que les pauvres pussent manger un peu de
viande. Quand la caisse municipale �tait vide, il donnait le bon exemple
en offrant un boeuf ou plusieurs moutons. Dans la cour de notre maison,
il y avait un hangar pour les h�tes; et tous les voyageurs sans
ressource y �taient log�s et nourris. Allait-il en p�lerinage � la
_zaou�a_ de Chellata ou � toute autre, sa pi�t� se r�pandait en _ziara_
[Dons volontaires.]. Enfin, � chaque �v�nement heureux, comme par
exemple ma naissance, il s'empressait d'inviter � un _th�am_ [Repas de
r�jouissance.] parents et amis; ou bien, s'il �tait invit� quelque part
lui-m�me � un _eurs_ [F�te.], il se montrait �galement prodigue envers
les danseuses et le ma�tre de la maison. Aux danseuses, il jetait des
pi�ces d'argent; et, lorsqu'apr�s le repas on avait, selon l'usage,
d�pli� le mouchoir destin� � recevoir l'offrande des convives, il y
vidait enti�rement sa bourse, ne voulant pas que quelqu'un p�t se vanter
d'avoir �t� plus g�n�reux que lui. Ce brave homme s'appelait
Mohammed-Ameur-el-A�n.
Sa femme Hasna, qui, digne fille d'un _thaleb_ [Savant.], �tait aussi
instruite que belle, lui faisait d'inutiles remontrances sur ses
prodigalit�s. Il l'�coutait et lui promettait de suivre ses sages avis:
car, si la femme, en g�n�ral, est parmi nous assez m�pris�e, nous savons
pourtant honorer celle qui le m�rite. Mais d�s le lendemain, comme l'eau
qui suit sa pente et court � la rivi�re, lui retournait � ses habitudes
de g�n�rosit� ruineuse.
Or les Ahmed-bou-Sma�l n'�taient pas seulement des _oukafs_; ils
pratiquaient aussi la _r'ania,_ c'est-�-dire qu'ils pr�taient sur
hypoth�que � la mani�re kabyle. Nos champs, puis nos troupeaux pass�rent
ainsi entre leurs mains. Ils en devinrent d'abord les usufruitiers,
apr�s en avoir remis en argent le tiers ou m�me seulement le quart de la
valeur � mon p�re.
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