En Kabylie by J. Vilbort


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Page 57

Le G�n�ral tend sa main gant�e au beau Kabyle. Apr�s une centaine de
pas, M. Jules, s'�tant retourn�, s'�crie:

--Il est encore l�; mais voyez l'air malheureux!

--C'est qu'en effet, dit Bel-Kassem, il n'a eu de chance ni � la guerre
ni dans ses amours.

--Ah! vraiment? que lui est-il donc arriv�?

--Pourquoi ne lui demandez-vous pas, Madame, de vous raconter son
histoire?

--Pauvre gar�on! dit madame Elvire en faisant de la main un signe au
beau Kabyle, qui accourut de toute la vitesse de ses jambes.

Arriv� devant le G�n�ral, il attendit ses ordres dans l'attitude du
respect:

--Veux-tu nous accompagner jusque chez Ben-Ali-Ch�rif? veux-tu nous
faire le r�cit de tes exploits et de tes amours?

Le beau Kabyle h�sita un moment avant de r�pondre:

--Soit, dit-il, puisque tel est votre d�sir.

Nous nous remettons en marche.

La cr�te �troite en pierre brune, que nous gravissons sous un soleil
radieux, a l'�clat du cuivre. A gauche, en contre-bas du sentier, nous
laissons une maisonnette d'�t�, le long de laquelle montent des
liserons. Et pr�s de l�, un petit p�tre qui n'a que les �paules
couvertes d'un vieux pan de burnous, m�ne pa�tre un troupeau de ch�vres
maigres; elles vont, cherchant fortune parmi les cailloux amoncel�s d'o�
s'�chappe �� et l�, et comme par miracle, un brin d'herbe. Le guide nous
recommande de ne pas trop regarder � droite et � gauche, ni surtout en
arri�re. �La montagne est haute, la pente raide, la roche glissante, et
le _Roumi_, dit-il, casse comme verre en tombant.� Nous devinons qu'il
veut nous m�nager la surprise du spectacle qui l�-haut nous attend; et
tr�s-complaisamment nous entrons dans son id�e. Vers deux heures de
l'apr�s-midi, nous atteignons � l'entr�e du col de Chellata, un des
points culminants de la cr�te djurjurienne.

--Halte! dit Bel-Kassem; puis, frappant dans sa main, il s'�crie:

--Retournez-vous et regardez!

L'infini est devant nous! un infini prodigieux de montagnes, et en m�me
temps la nature sous tous ses aspects, dans l'in�puisable vari�t� du
paysage. Le cadre se pr�te, �galement merveilleux, � la l�gende �pique
et � l'�glogue champ�tre. Ici, dans cet entassement chaotique de rochers
monstrueux, il faut placer la lutte des cyclopes; l�-bas, dans cette
verte prairie qu'arrose une source claire, ou bien dans ce joli village
joyeusement par� d'orangers et de pampres, les bergers de Th�ocrite et
de Virgile, c�l�brant sur la _ch�ta_ langoureuse les amours du dieu Pan.
A c�t� d'affreux pr�cipices plus noirs que le Tartare, s'�talent des
campagnes riantes et parfum�es qui surpassent en beaut� les
Champs-�lys�ens. Voici la terre promise, et ses moissons superbes, et
ses fruits d�licieux; l�, le d�sert aride, qui refuse une goutte d'eau
au l�zard alt�r�. En haut, c'est le Nord drap� dans son manteau de
neige; en bas, c'est la flore africaine �panouie sous les baisers du
soleil voisin des tropiques. Et devant nous toute la grande Kabylie
baigne dans un oc�an radieux, o� chaque objet �clair� devient lumi�re
lui-m�me, tandis que dans son ombre il fait nuit! L'immense courbe
rocheuse du Djurjura forme un amphith��tre de g�ants, jet� devant la
M�diterran�e. Chaque piton coiff� comme d'un chapeau par son village est
un spectateur qui assiste aux drames tour � tour terribles ou charmants
de la mer. Et les _thamgouth_ [Pics.] au cr�ne d�nud�, � la t�te ceinte
de neige, qui occupent les plus hauts gradins, sont les _amin_ et les
_dhamen_ de cette _k'bila_ de Titans. C'est d'abord le Tiziberth, qui
plane au-dessus de nous comme un vautour � collerette blanche; puis, son
fr�re, le Ras-Chellata; ensuite, vers l'ouest, l'Azerou-N'tour ou pierre
du midi, l'Azerou-Guifri, le Tizgui-Tmerra, le Thamgouth ou pic par
excellence, qui domine tout le massif djurjurien; enfin, le Thalelath,
le Raz-Kouilet, le Koudia-Inguel, le Djem�a-Aizor et le Thasserth.
Ceux-ci ont un oeil ouvert sur la Mitidja; et bien des fois, quand je me
promenais sur ma terrasse � Alger, ces sphinx m'avaient jet� leur
provoquante �nigme. En face de nous, dans la direction du nord-ouest,
sur sa montagne alti�re, maintenant r�duite � la taille d'une humble
colline, voil� le fort national. Sa large enceinte et ses vastes
casernes, plus hautes d'un �tage, produisent l'effet d'une petite
mosqu�e kabyle avec son minaret. Par de l� le fort et le pays mamelonn�
des A�th-Flisset, s'�tend une ligne horizontale: c'est la plaine de deux
cent mille hectares, la Mitidja, et au fond de cette plaine brille un
point blanc: Alger! Plus loin, plus loin encore, envelopp�s de voiles
�blouissants, le ciel et la mer nous offrent en leurs embrassements la
grande et divine image de l'�ternel amour.

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Books | Photos | Paul Mutton | Thu 25th Dec 2025, 11:18