En Kabylie by J. Vilbort


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 51

La flamme de la lampe est morte; ce n'est plus qu'un oeil rouge qui nous
regarde dans les t�n�bres. Au dehors, l'obscurit� est profonde en d�pit
des millions d'�toiles qui �maillent le ciel de paillettes
scintillantes. Pourquoi sont-elles si loin? Si du moins la lune venait �
notre secours! Devant nous, sur la pierre, est �tendue une masse
blanche, raide, d'aspect sinistre: on dirait un mort dans son linceul.
Un peu plus loin, d'autre masses, celles-ci plus grandes et sombres,
font un bruit continu, monotone et bizarre. L�-bas, des chacals et des
chiens hurlent. Tout � coup, au loin, �clate une clameur effroyable:
sont-ce des lions affam�s qui rugissent, ou des tigres amoureux qui
miaulent? sont-ce des hy�nes furieuses qui se disputent un cadavre? Non,
ces _hou_! _hou_! sauvages et terrifiants qui retentissent dans la nuit,
avec des intervalles de silence, ne sont point pouss�s par des b�tes
f�roces. Sont-ce des sorci�res kabyles qui font le sabbat? ou les
_djenouns_ qui dansent en chantant leur ronde infernale? Le G�n�ral,
vaincu malgr� sa bravoure, saisit le bras du Conscrit, et ce cri lui
�chappe:

--J'ai peur!

--Voulez-vous, lui dit le Caporal, que je retire mon revolver de la
malle? Mais il y a dans Thifilkouth deux cent quarante fusils, et mon
revolver n'a que six coups. Au reste, s'il y a du danger, il n'est pas
pour vous, Madame. Bel-Kassem vous a dit que les Kabyles respectent la
vie des femmes.

--Ah! mes amis, promettez-moi que vous ne me laisserez pas vivante aux
mains de ces sauvages.

--Allons dormir, dis-je, et sur les deux oreilles. Ce mort dans son
linceul est un vivant qui ne dort que d'un oeil et qui nous garde. Ces
fant�mes noirs sont de braves b�tes qui ont bien gagn�, en nous portant
tout le jour sur leur dos, la poign�e d'orge qu'elles broient avec
d�lices. Et quant � ces _hou_! _hou_! terribles, ils font plus de bruit
que de mal; ils s'�l�vent de la petite mosqu�e de Thifilkouth vers
Allah: ce sont des invocations que lui adressent les marabouts et les
�mes pieuses du village. Peut-�tre bien le conjurent-ils d'envoyer celui
qui doit couper la gorge � tous les Roumis ou les noyer dans la mer. Ce
sont eux qui, avec les marabouts de Ben-Dris, les tolbas du b�ton, ont
aid� Bou-Bar'la, le faux _ch�rif_ [Descendant du proph�te.] et le faux
Sid-el-Hadj [Seigneur p�lerin de la Mecque.] � soulever la Kabylie de
1851 � 1854, alors que, gr�ce � ses jongleries second�es par un courage
de lion, il se faisait passer pour le pr�destin� portant l'�toile au
front, pour le _moule-sa�_ en personne, pour Si-Mohammed-ben-Abd-Allah
lui-m�me. Tous les grands agitateurs se sont par�s de ces titres et ont
plus ou moins jou� ce r�le-l�. Comme Abd-el-Kader avant lui, Bou-Bar'la
s'�tait fait affilier � la franc-ma�onnerie des _Khou�ns,_ qui compte
ses fr�res par milliers en Kabylie, et...

Un triple b�illement me coupe la parole. Nous tirons sur nous la porte
massive, que ferme un loquet ing�nieusement fa�onn�. Nous nous
partageons les matelas: chacun a le sien, o� il se jette tout habill� et
envelopp� dans sa couverture. Nous nous endormons berc�s par les _hou_!
_hou_! qui ne nous effrayent plus.

CHAPITRE III

DU DJURJURA A LA MAISON D'OR.

Je me r�veille au petit jour. Une lueur blafarde filtre entre les ais
disjoints de la porte et � travers les meurtri�res. Le Caporal boucle
ses gu�tres, le Conscrit dort comme un enfant. Le G�n�ral se prom�ne de
long en large, agit�, fi�vreux. Est-ce qu'il combine un plan de
campagne? Mais pourquoi ces sourcils contract�s? pourquoi cette bouche
mena�ante?

--G�n�ral, avez-vous bien pass� la nuit?

De ses beaux yeux, si doux quand ils veulent l'�tre, jaillissent deux
�clairs:

--Vous avez tous dormi, dormi comme de l�ches soldats que vous �tes!
Seul, j'ai lutt�, moi, contre un ennemi qui s'appelle l�gion. Conscrit,
debout!

Le Conscrit entr'ouvre un oeil, allonge un bras.

--D�j�! il ne fait pas jour, et je m'endors � peine. Je suis rompu, et
je ne pourrai jamais remonter sur mon b�t. D'ailleurs, on n'est pas mal
chez le ca�d: si nous y demeurions un jour ou deux, le temps de faire un
bon somme?

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Wed 24th Dec 2025, 22:17