En Kabylie by J. Vilbort


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Page 50

--Au fond de ma malle.

--Avec le revolver!

--Et le saucisson!

Tandis que M. Jules va d�boucler sa malle, le ca�d se l�ve et sort sur
un mot de Bel-Kassem. Au bout d'un instant, il rentre tenant � la main
une timbale d'argent. Avec un pan de l'in�vitable burnous, il l'essuie,
et, l'ayant remplie d'eau, il la pr�sente avec un geste orgueilleux �
madame Elvire.

--C'�tait �crit! dit-elle; et, levant les yeux au ciel, elle boit.

Apr�s elle, nous buvons tous dans la timbale, qui porte cette
inscription: � Au ca�d de Thifilkouth, le mar�chal duc de Malakoff.�

--Tu nous as trahis, fit le G�n�ral en mena�ant le guide du doigt.

--Bah! r�plique Bel-Kassem, il n'y a que la premi�re gorg�e qui co�te.

--Mais pourquoi, Caporal, avez-vous donc achet� ce verre?

--On m'a dit au fort National que c'est l� un pr�sent auquel les Kabyles
sont fort sensibles.

--Eh bien! offrez-le donc, puisque j'ai bu la calice jusqu'� la lie!

M. Jules pleure en dedans sur son impr�voyance; et, le verre � la main,
s'approche de notre h�te:

--M. le ca�d, votre hospitalit� nous touche vivement. Veuillez...

--Bien! tr�s-bien! dit le Philosophe; mais voyez donc comme il est
content, et comme ces �mes simples s'extasient sur une merveille de
trente sous! Voil� les hommes de l'�ge d'or!

Et, se tournant vers madame Elvire:

--S'il nous arrive, un jour de n'avoir pas de pain, nous reviendrons en
Kabylie avec la bo�te du colporteur, et nous y ferons fortune.

--Tu dis cela en plaisantant, interrompt Bel-Kassem; mais il est bien
certain que si les marchands qui font de mauvaises affaires � Alger
s'avisaient d'aller vendre dans nos montagnes, � un prix raisonnable, de
bons ustensiles, tels que serpes, faucilles, socs de charrue, pelles,
casseroles, et bien d'autres marchandises, comme des toiles, des
cotonnades, des mouchoirs aux couleurs �clatantes, des objets de
quincaillerie et des bagatelles pour les femmes, ils y trouveraient un
fort joli profit. Pour le colon agriculteur, il n'y a rien � faire ici,
puisque le sol kabyle ne nourrit pas tous ses enfants; mais pour le
colon commer�ant, il y a de l'argent � gagner. Nous ne sommes pas
riches, c'est vrai; cependant demandez demain � Ben-Ali-Sh�rif, qui est
presque aussi Fran�ais que Kabyle, si nos oliviers et nos figuiers ne
valent pas ceux de la Provence, On pourrait faire un commerce
d'�changes, et il en r�sulterait pour tout le monde un grand bien. Mais
nos moeurs un peu rudes et nos burnous malpropres font peur � bien des
gens, qui nous prennent pour des b�tes fauves.

La lampe faillit s'�teindre: la m�che manquait d'huile et se
carbonisait. Le ca�d � plusieurs reprises trempa ses doigts dans l'huile
pour les faire d�couler sur la m�che, qu'il moucha. Puis, ayant essuy�
ses doigts crasseux � l'une de ses savates, il reprit dans le plat la
cuisse de poulet qu'il y avait mise et qui s'y morfondait, d�daign�e de
nous. Ce petit incident, assaisonn� � l'huile d'olive, termina le
souper. Toutes les cuillers, m�me celle du Marseillais, se plant�rent
dans le kouskoussou comme � un signal donn� par nos estomacs en r�volte.
Le Marseillais, Bel-Kassem, le ca�d et les siens se lev�rent en nous
souhaitant une bonne nuit. Assis sur nos matelas militaires, nous
rest�mes tous les quatre silencieux en face de la lampe mourante, dont
l'agonie nous soulevait le coeur. En d�pit de ce que nous savions
d'�difiant sur l'hospitalit� kabyle, nous �prouvions profond�ment le
sentiment de notre faiblesse et de notre isolement au milieu des
sauvages de Thifilkouth.

Les tableaux saisissants, si color�s et si vari�s, qui s'�taient succ�d�
sous nos yeux, avaient tenu �loign�e de nous l'id�e d'un p�ril
quelconque; mais, dans le silence et dans la nuit, � la discr�tion de
ces _manefguis_ farouches, nous ne pouvons nous d�fendre d'une �motion
proche voisine de la peur. Comment oublier que Lalla-Fathma, la
maraboute visionnaire, avait nagu�re sa _doukana_ pr�s de l�, dans la
montagne, au village de Soummeur; que Bou-Bar'la, le derviche sorcier
qui agitait la Kabylie vers 1850, avait dans les ann�es suivantes
rencontr� � Thifilkouth m�me un ardent foyer d'intrigues et de haine
contre les Roumis? Nous nous rappelons enfin que, le 11 juillet 1857,
les Fran�ais ont br�l� plusieurs villages des A�th-Illilten.

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Books | Photos | Paul Mutton | Wed 24th Dec 2025, 20:09