En Kabylie by J. Vilbort


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Page 49

Nous prenons cong�; le kouskoussou nous attend dans la maison des h�tes:
c'est le ca�d qui nous l'annonce. Il para�t enchant� de nous voir
quitter ses femmes. Sa jalousie a-t-elle pris l'alarme? et se dit-il que
ces _Roumis_ qu'il tient pour sorciers pourraient bien lui escamoter sa
ravissante Zohra, ou jeter le sort d'amour � Lalla, sa tigresse?

Ca�d, rassure-toi: la vertu de ces belles s'abrite derri�re un rempart
o� elle est aussi en s�ret� que ta vieille Touffa derri�re ses rides.
Dans chaque pays o� la France porta ses armes, elle a implant� plus
d'une racine; mais ici point. Pourquoi? Le Marseillais, que nous
retrouvons accroupi � la mode kabyle devant le kouskoussou fumant, va
nous le dire:

--Qu�! s'�crie-t-il, je commen�ais � craindre que les femmes ne vous
eussent enti�rement coup� l'app�tit; elles sont jolies, mais sales!
sales � d�go�ter un capucin de Marseille.

Nous nous asseyons sur la chaise d'Adam, doubl�e des matelas militaires,
et le festin commence. Outre le Marseillais, le ca�d seul y prend part,
et encore ne mange-t-il qu'une bouch�e de notre pain, pour faire honneur
� ses h�tes. En Kabyle bien �lev�, il ne doit qu'assister � leurs repas;
il ne soupera qu'apr�s eux avec son fils a�n�, ses parents, les notables
et Bel-Kassem. Les femmes se r�galeront entre elles. Dans les repas de
c�r�monie, les sexes ne sont pas confondus devant la m�me gamelle; mais,
dans la vie ordinaire, on d�ne et on soupe en famille, madame mange avec
monsieur. Et ceci, de m�me que l'absence du voile, �l�ve la femme kabyle
au-dessus de la femme arabe ou mauresque, qui ne se nourrit que des
reliefs du ma�tre. De celles-ci il en est encore � Alger qui n'ont
jamais mis le pied dans la rue.

Le ca�d nous offre, pour assaisonner le kouskoussou, une sauce rouge au
_felfel,_ du lait doux et du lait aigre. Ni fourchettes ni couteaux.
Notre h�te nous enseigne la mani�re de s'en passer: il saisit une
volaille, enfonce ses pouces dans le dos de la b�te, et par un mouvement
brusque la s�pare en deux parts �gales. Il en offre une au G�n�ral,
arrache � l'autre une cuisse, dont il ne fait qu'une bouch�e, et remet
le reste sur le plat. Puis il se sert de son burnous en guise de
serviette.

Pour manger le kouskoussou, il y a des cuillers en bois. Avec l'une
d'elles, il creuse dans les p�tes, au bord du plat, un petit trou o� il
verse de la sauce. Il porte une cuiller pleine � sa bouche, en avale le
contenu, et, l'ayant essuy�e � son burnous il la passe galamment �
madame Elvire. Le G�n�ral nous jette un regard constern�. Le Conscrit
est saisi d'un fou rire, dont la contagion nous gagne. Le ca�d et les
autres Kabyles nous consid�rent avec des visages ahuris: ils sont � cent
lieues de la cause qui a produit cette explosion bruyante. Bel-Kassem,
lui, la conna�t et sourit malicieusement:

--Le colonel, Madame, a oubli� de te renseigner sur les diff�rents
usages du burnous. Il y a d'abord le burnous chemise, et le Kabyle n'en
change presque jamais; puis il y a le burnous serviette et le burnous
torchon...

--Tais-toi! s'�crie le Marseillais: tu vas me couper la faim.

--Si je lavais ma cuiller dans cette cruche d'eau? dit le G�n�ral.

--Y penses-tu? objecte le Conscrit: nous devons tous y boire.

--Sauv�e, � mon Dieu! reprend madame Elvire, les yeux baign�s de folles
larmes. Bel-Kassem!...

--Madame!

--Dis au ca�d que j'ai l'habitude de manger le kouskoussou avec mes
doigts...

--Vive le G�n�ral!

Nous nous tordons de rire, tandis que le ca�d et notables de
Thifilkouth, plus graves que des augures, interrogent Bel-Kassem pour
savoir quelle tarentule nous a piqu�s.

--Conscrit, passe-moi la cruche: j'�touffe!

--Mais j'ai un verre, moi, dit le Caporal, un verre superbe, que j'ai
achet� au fort National.

--O� est-il?

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Books | Photos | Paul Mutton | Wed 24th Dec 2025, 18:01