En Kabylie by J. Vilbort


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Page 45

--Entrons! entrons! dit le guide morose comme un enfant assailli par le
sommeil: on ne nous servira pas le kouskoussou avant le jour, si nous
restons � babiller comme des femmes au moulin.

Quand les femmes vont � la fontaine et au moulin, elles font entre elles
pendant une heure ou deux la petite chronique scandaleuse. Babiller est
au reste le plus grand et presque le seul divertissement pour elles
comme pour les hommes.

Le ca�d nous introduit dans la maison des h�tes. Le madr� est fort � son
aise. Il re�oit du gouvernement un traitement d'un millier de francs
comme juge de paix. Les mauvaises langues de Thifilkouth pr�tendent que
tout l'argent qui entre dans son coffre ne sort pas de cette seule
bourse. Et puis il a du bien au soleil: champs, oliviers, figuiers,
vignes, sans compter le b�tail. Il n'y a que lui parmi les plus hupp�s
de l'endroit qui poss�de une maison des h�tes. Elle s'�l�ve � droite,
dans l'_amrah_ [Cour int�rieure.], sur un pan de roche. Nous y grimpons
avec le ca�d suivi de ses parents et des principaux du village, parmi
lesquels nous remarquons un gendarme Kabyle attach� � sa personne.
L'usage veut que les notables honorent par leur pr�sence les voyageurs
de distinction, et qu'ils aident le ma�tre du logis � les traiter le
mieux possible. Parfois, dans ce but, ils ajoutent � la _diffa_ un ou
plusieurs plats, des oeufs et des g�teaux au miel en guise de dessert.

La maison ne contient qu'une seule pi�ce partag�e en deux compartiments.
Dans le premier, l'_aouens,_ � gauche de la _thabourth_ [Porte.], flambe
dans un _kanoun_ [Trou creus� en terre.] un feu de feuilles et de
branches s�ches. La fum�e remplit la maison et s'�chappe au gr� de sa
fantaisie par la porte qui reste ouverte, par l'_asfalou_ [Petite
ouverture pratiqu�e dans le toit.] et par les _thikouathin_ [Jours
�troits ou plut�t meurtri�res dans la muraille.]. On �tend un maigre
tapis sur la terre pi�tin�e et durcie. Le ca�d y prend place avec nous;
les autres demeurent debout au fond de la salle. Une lampe kabyle �
plusieurs becs br�le entre le feu et nous. Les muletiers apportent nos
bagages. Bienvenues de nous, humbles couchettes du soldat! vous nous
semblez en ce moment plus moelleuses que le lit de plumes d'une petite
ma�tresse. Nous pla�ons les matelas les uns sur les autres pour en
former un divan d�licieux. Le ca�d nous r�v�le ses instincts de sybarite
par le nonchaloir avec lequel il s'y �tend � c�t� de madame Elvire. Les
valises, les sacs, les couvertures, tout notre attirail de voyage est
d�pos� dans le second compartiment de la salle. Un mur de quatre pieds
le s�pare du premier. Sur ce mur s'appuie un plancher, et sous ce
plancher r�gne une cavit� profonde et noire: c'est l'_ada�nin,_ l'�table
o� le boeuf, la vache, la ch�vre et le mulet habitent pr�s de leur
ma�tre. Car il a, lui, sa _doukana,_ son banc de pierre, sa couche, dans
un angle adoss� � l'�table; et sur le plancher qui recouvre celle-ci
dorment, � c�t� du fourrage, sa femme et ses enfants. Son lit d'ailleurs
n'est pas plus doux que celui de sa famille: pour oreiller et pour
matelas il n'a qu'un _thaguerthil_ [Mince natte en sparterie.]. Telle
est l'_akham_ [La maison kabyle, qui se construit en quinze jours.]. Le
propri�taire en rassemble les mat�riaux lui-m�me. Les pierres abondent �
la porte du village; il n'y a qu'� les ramasser, mais il faut payer les
tuiles, le mortier et le ma�on: tout cela co�te de deux � trois cents
francs. Les plus spacieuses, ou celles qui ont une deuxi�me soupente
par-dessus la premi�re, afin de s�parer les filles des gar�ons, en
valent jusqu'� trois cent cinquante.

Quand Bel-Kassem nous e�t renseign�s l�-dessus:

--O peuple de l'�ge d'or! s'�crie le Philosophe, avec le loyer d'un
�picier de Paris, on b�tirait tout un village kabyle.

--Mais les plus riches? dis-je.

--Les plus riches et les plus pauvres ont la m�me maison. Ils vivent
tous avec les b�tes.

--Avec toute esp�ce de b�tes! ajoute madame Elvire. Ah! j'en ai pour le
moins une douzaine de preuves!

Et elle se leva pour secouer ses jupes.

--C'est peine perdue, dit Bel-Kassem en riant. Plus tu chasseras les
puces, et plus elles deviendront m�chantes. Elles ne sont pas habitu�es
� �tre maltrait�es.

--Oh! si seulement j'en tenais une!

--Prends garde! la puce kabyle se venge. Un bon conseil, Madame: fais
comme nous, traite-les avec douceur.

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Books | Photos | Paul Mutton | Wed 24th Dec 2025, 9:32