|
Main
- books.jibble.org
My Books
- IRC Hacks
Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare
External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd
|
books.jibble.org
Previous Page
| Next Page
Page 43
Madame Elvire y mordit.
--Exquise! _Bono_! _bono_! dit-elle au montagnard ravi qui remonte sur
sa pierre, emportant son pain et son sucre.
Ce fut au tour des muletiers de venir nous offrir des fruits, figues,
raisins secs et caroubes, dans leurs mains rapproch�es en forme de
corbeille. Nous en prenons tous et mangeons... ce dessert parfum�
d'essence de burnous.
Nous nous remettons sur nos b�ts. Bient�t, en sortant de la gorge, nous
apercevons, couch�s � nos pieds, le village de Thifilkouth. La descente
commence. D�j� le soleil s'incline vers l'horizon; avant une heure, il
aura disparu derri�re les montagnes.
--Combien faut-il de tes minutes, Bel-Kassem, pour aller chez le ca�d?
--Cinq, Madame, r�pond le guide en riant, cinq toutes petites, toutes
petites.
Le tra�tre! il faut plus d'une heure. Nous avons des crampes dans les
jambes, car nos pieds s'�chappent sans cesse des poches du _tellis_ dont
Kabyles et Arabes se servent en guise d'�triers. Les b�ts sont minces,
les mulets maigres: leur �pine dorsale nous scie en deux. Et quelle
descente! Plus de sentier, mais un escalier de pierre, grossi�rement
taill� dans le rocher � pic. Telle marche n'a que six pouces, mais telle
autre a deux m�tres, elle est arrondie, glissante; et le mulet, � chaque
pas, s'arc-boute des quatre jambes pour ne pas piquer une t�te dans le
vide; ou bien, c'est un chemin-ravin, d�tremp� par les derni�res
pluies, o� la b�te s'enfonce jusqu'aux genoux dans la boue. Nous voici
arr�t�s devant un passage impraticable.
--Ah! s'�crie le Conscrit, j'aimerais mieux �tre sur une grande route!
--Marchons! dit le G�n�ral, cela nous d�gourdira les jambes.
--Mais, Madame, objecte le Caporal constern�, vous ne pourrez jamais
vous tirer de ce cloaque!
--Eh! observe judicieusement Bel-Kassem, il vaut mieux se salir les
pieds que la t�te.
Nous sommes de son avis et descendons de nos b�tes. Nous passons � gu�
des ruisseaux boueux sur des pierres jet�es l� par des femmes kabyles.
La pente toujours aussi raide devient moins p�rilleuse � mesure qu'on la
descend. Une terre fertile recouvre le rocher; des oliviers et des
figuiers innombrables, des haies d'�pines entourent des champs d'orge et
nous prot�gent contre l'ab�me. Ici, comme � la mont�e du fort National,
c'est bient�t un enchev�trement inextricable de branches, de feuilles et
de fleurs o� la vigne se marie aux arbres fruitiers et aux fr�nes. Les
rossignols et les fauvettes de Thifilkouth nous accueillent par des
chansons. Un jeune p�tre nous regarde passer avec de grands yeux
effar�s. Un troupeau b�lant de chevreaux trottine devant lui, press� de
regagner le village, car ces pauvres petits ont soif du lait et des
caresses de leurs m�res dont ils sont s�par�s depuis le matin. Enfin, au
fond de la vall�e, nous traversons un _asif_ o� courent en grondant sur
des pierres roul�es les neiges fondues du Djurjura. Quelques pas encore,
et nous serons � Thifilkouth.
Le village couronne un mamelon � pentes assez douces. Il est entour�
d'un mur flanqu� de tours blanchies � la chaux, et qui ressemblent � des
minarets. Nous p�n�trons dans cette enceinte fortifi�e par une porte �
vo�te basse d'aspect belliqueux. Thifilkouth est une vraie citadelle.
Bel-Kassem nous apprend que ces tours sont gard�es en temps de guerre et
que des sentinelles y veillent alors nuit et jour. Quand l'ennemi se
risque � livrer un assaut, des femmes, les plus braves, y viennent le
pistolet au poing, faire le coup de feu ou recharger les fusils de leurs
fils, de leurs maris, de leurs fr�res. Toutes les autres, jeunes et
vieilles, par�es comme pour une f�te, entonnent un chant guerrier en se
tenant par la main, ou poussent des cris per�ants qui exaltent le
courage des hommes.
Mais si le village est emport�, quel est leur sort?
Pour le vainqueur, la femme du vaincu est sacr�e. Ces attaques de
village sont d'ailleurs assez rares. Beaucoup sont si bien prot�g�s par
les d�fenses naturelles de leurs pitons � pic qu'il ne leur en faut
gu�re d'autres. Pour arr�ter l'ennemi, il suffit de barrer l'unique
chemin de la cr�te, et de fermer la porte massive qui bouche l'entr�e de
_thadderth_. Le plus souvent les _sofs_ se d�clarent la guerre et s'y
pr�parent plusieurs jours d'avance. Dans quelques tribus, la bataille se
livre en un endroit choisi. Les combattants s'en approchent de chaque
c�t�, lentement, en rampant et s'abritant derri�re une pierre, derri�re
un arbre. Tout homme en �tat de porter les armes doit combattre sous
peine d'infamie. �Si quelqu'un, disent les _kanouns,_ quitte le village
pendant une guerre, sa maison est ras�e.� Le m�me sort est r�serv� au
tra�tre, l'espion est lapid�. D�s qu'un enfant peut se servir d'un
fusil, son p�re le pr�sente � la _djem�a_. A partir de ce jour-l�, il a
sa place au combat comme dans l'assembl�e. Pendant la lutte, les plus
vieux qui n'ont plus la force de combattre, post�s en sentinelle sur le
sommet de la montagne, signalent par leurs cris l'approche de l'ennemi:
�Les voici! ils avancent, ils reculent, ils vont tirer! D�robez-vous!
_tamourt_! tamourt_! � terre! � terre!� Apr�s la bataille, si l'un des
partis n'a pas de mort, il d�charge ses armes en signe de joie; ou, s'il
en a, il demande la _dhomana_ [Tr�ve.] pour les enterrer. Tout le
village assiste aux fun�railles. Les hommes, silencieux et tristes,
creusent la fosse; les femmes poussent des plaintes lamentables et avec
les ongles se d�chirent le visage. Parfois des combattants ennemis
assistent � ce deuil, pour honorer le courage de leurs victimes. Malheur
aux bless�s! si la _gadoum_ [Hache.] ou le _flissa_ [Sabre.] ne les a
pas achev�s, ils demeurent souvent estropi�s pour la vie: car la balle
kabyle, quoique d'un trop petit calibre pour le fusil, n'en casse pas
moins fort bien une jambe ou un bras, et, pour raccommoder ce membre,
les montagnards n'ont d'autre m�decin que la nature. Quelques-uns
pourtant, les plus riches, se donnent le luxe d'un _thebib_ [Chirurgien
arabe.]; mais les autres, pour gu�rir leur blessure, se contentent d'y
appliquer un chiffon de papier o� la main de quelque pieux marabout a
trac� � leur intention une formule miraculeuse. Jadis les montagnards se
battaient avec la _mzerag_ [Lance.]; ils ont encore le _loueh,_ grand
bouclier � l'�preuve de la balle. Ils s'en couvrent deux ou trois,
lorsqu'avec le _thanhizth,_ longue perche arm�e d'une pointe d'acier,
ils veulent ouvrir une br�che dans le mur d'une maison ou d'un village.
Previous Page
| Next Page
|
|