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Page 42
--Je ne suis pas fatigu�e, mon ami; mais il para�t que tes minutes se
multiplient comme les poissons de l'�vangile. Voici plus d'une heure que
nous marchons, et il nous faut maintenant marcher encore.
--Qu�! dit le Marseillais avec humeur, les minutes kabyles ne finissent
jamais. Ces hommes mangent, boivent et dorment en marchant, et, comme le
Juif-Errant, ils vont du Fort � Alger sans se reposer en route.
Trente-cinq lieues, bagasse! Nous nous engageons entre deux cha�nes de
roches � pic tourment�es et nues. Le sentier serpente, �troit et
p�rilleux, � mi-hauteur de l'une d'elles. Le fond du pr�cipice, o� leurs
larges pieds se touchent presque, pr�sente un effrayant d�sordre de
blocs amoncel�s, arrondis, d�grad�s par les eaux.
�� et l� un arbre arrach�, bris�, tordu, �tend vers nous d'un air
lamentable ses bras de squelette. Toute v�g�tation a disparu, plus un
village; rien que des pierres g�antes, brunes, fauves ou grises, qui
n'ont pour couvrir leur nudit� que des lambeaux de mousse d'un vert
terne et jaun�tre. D'instant en instant le sentier devient plus abrupte.
--Un endroit merveilleusement choisi pour le sabbat des sorci�res.
--Ah! prends garde, Madame; cette gorge est au pouvoir des _djenouns,_
qui s'amusent � jeter les voyageurs dans l'ab�me. Ton amoureux le sait
bien, et c'est pourquoi il a pris la bride de ton mulet.
En effet, le beau Kabyle marchait devant madame Elvire, entre elle et le
pr�cipice, voulant la prot�ger contre la m�chancet� des _djenouns_. Tout
� coup il s'�cria:
--_Th�la! th�la!_ la fontaine! la fontaine!
Une de ces crevasses que l'eau met plusieurs milliers d'ann�es � creuser
dans la pierre nous appara�t � un coude du sentier. Nos b�tes ont devin�
la source qui coule limpide en babillant joyeusement. L'espoir de ce
r�gal des humbles et des grands qui ont soif ranime leur ardeur. Cette
fois, au bout des cinq minutes de Bel-Kassem, dix ou vingt fois
menteuses, nous sommes assis autour de l'eau promise. Les _tellis_ sont
ouverts, les provisions �tal�es sur la nappe rocheuse. Nous offrons des
saucissons, des poulets et du vin aux muletiers qui ont fait leurs
ablutions, qui ont bu et dont les b�tes boivent.
--_Makache bono_ [Pas bon.]!
--Ils tirent de leur burnous une mince galette d'orge o� le son se m�le
abondamment � la farine; ils y mordent � belles dents.
--Pauvres gens! Offrez-leur donc du pain Caporal, et du sucre.
Cette fois leur gourmandise s'allume, et ce sont des _Allah isselmec_!
Le Marseillais regarde le saucisson du coin de l'oeil, comme un enfant le
pot aux confitures. Le beau Kabyle s'est �loign� discr�tement.
--O� est donc mon amoureux?
--Au-dessus de vous, Madame. Assis sur le rocher, il vous contemple en
mangeant ses figues.
Madame Elvire lui fait signe d'approcher. Il accourt vers elle, souriant
et rougissant sous sa peau de cuivre. M. Jules lui pr�sente un demi-pain
et du sucre. Mais avant de rien accepter, lui, d'un geste noble, tend
vers le G�n�ral ses deux mains rapproch�es et pleines:
--_Thagerth_ [Des figues.]! dit-il.
De belles figues blondes, exquises au go�t, app�tissantes aux yeux; par
malheur, elles sortent d'un burnous qui ne s'est jamais rafra�chi �
aucune fontaine.
Le G�n�ral en prit deux.
--_Arnou_! _arnou_ [Encore! encore!]! dit l'amoureux aux figues.
--Merci.
--_Arnou_! _arnou_! r�p�te le beau Kabyle.
Le G�n�ral prend bravement une troisi�me figue; mais avant de la porter
� sa bouche, il h�site un peu.
--Bah! dit le Philosophe pour l'encourager, il y a des b�tes partout,
petites ou grosses; cela d�pend d'un simple effet d'optique. Mords dans
ta figue, crois-moi; il n'y a que le premier coup de dent qui co�te.
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