En Kabylie by J. Vilbort


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 38

Le Philosophe rayonnait:

--Qu'on me vante, dit-il, la civilisation du dix-neuvi�me si�cle! Qu'on
me cite notre Code p�nal comme une merveille!

--Mais les Kabyles ne sont-ils pas jug�s au criminel, comme les autres
indig�nes et les Fran�ais de la colonie, par les cours d'assises ou les
conseils de guerre d'Alger, de Constantine et d'Oran?

--Oui, mais ce qui est crime en France ne l'est pas toujours en Kabylie,
et r�ciproquement: le commandant sup�rieur d�cide, dans chaque cas qui
arrive � sa connaissance, s'il faut ou non poursuivre le coupable devant
la justice fran�aise. Pour tout le reste, nous appliquons nos _kanouns_
et n'avons d'autres juges que nous-m�mes. C'est la _djem�a_ [Assembl�e
de village.] qui prononce les peines et applique les amendes. Chaque
_dachera_ ou _thadderth_ [Village.] a la sienne, form�e par tous les
hommes en �tat de porter les armes. En politique, elle d�lib�re
souverainement et d�cide de la paix et de la guerre, ainsi que des
alliances ou _sofs_ � former. En justice, elle juge sans appel en
appliquant les lois, elle en fait de nouvelles ou modifie les anciennes.
En mati�re de finances, elle fixe par t�te l'imp�t que nous payons aux
Fran�ais, quinze, dix, cinq francs ou rien, suivant les fortunes. Elle
dispose des fonds de la _djam�a_ [Tr�sor public, caisse municipale.] o�
sont vers�s les amendes, les dons volontaires et les taxes pr�lev�es sur
les naissances, les mariages, les divorces et les successions. Elle
d�cr�te les travaux d'utilit� g�n�rale et g�re tous les int�r�ts de la
commune. Enfin, elle t�che d'�carter les diff�rends qui surgissent entre
les familles ou les partis du village. Pour me servir d'une comparaison,
chacun de nos villages est une r�publique gouvern�e par la _djem�a,_ ou
assembl�e des hommes en �tat de porter un fusil.

--Voil�, ajouta le Philosophe, ce qu'il faut appeler un peuple
souverain.

--Je pensais, dis-je, que le gouvernement, c'�tait l'_amin_.

--Oh! non, Monsieur, l'_amin_ est l'agent de la _djem�a_ charg�
d'ex�cuter ses d�cisions: mais il n'est pas le ma�tre du village. Il est
�lu par le suffrage universel, ordinairement pour un an; il est
r��ligible ou peut m�me, si tout le monde est satisfait de lui,
continuer pendant un temps ind�termin� ses fonctions o� l'assistent les
_dhamen,_ repr�sentants �lus des _kharouba_ ou familles. L'_amin_ et les
dhamen composent une sorte de conseil municipal; mais c'est l'assembl�e
de tous les hommes portant le fusil qui fait les affaires de la commune.

Chaque _kharouba_ comprend tous les membres d'une famille; elle forme
dans le village un groupe distinct, tr�s-souvent un parti qui a ses
_sofs_ amis ou ennemis. De l� les querelles qui �clatent, surtout pour
l'�lection de l'_amin,_ chacun tenant � faire �lire un membre de sa
_kharouba,_ puis les luttes qui ensanglantent le village, car si la
_djem�a_ ne parvient pas � mettre d'accord ses _sofs_ hostiles, ils
courent aux armes et se fusillent entre eux.

Voici, en cette mati�re, la l�gislation des Kabyles: �Quand la division
s'est mise dans le _thadderth_ et que les troubles ont commenc�, aucune
fraction n'a le droit de nommer un _amin_ dans son sein. Quand les
troubles commencent, et qu'on est sur le point d'en venir aux mains, les
gens de bien s'interposent. Celui qui, pendant ce temps, commet un vol
quelconque, ou tire un coup de fusil, ou entre dans la maison d'un
individu d'un _sof_ ennemi, est passible d'une amende de 250 francs.
S'il a tu� quelqu'un, il doit �tre tu� � son tour. D�s lors, il y a
guerre ouverte, et chacun se pr�pare � la lutte.�

--Mais s'il se rencontrait parmi vous, Bel Kassem, des ambitieux qui
voulussent s'emparer du pouvoir et imposer leur volont� aux autres.

--Cela ne s'est jamais vu, et toute tentative de ce genre serait vaine.
Quiconque voudrait faire la loi � la _djem�a_ se verrait aussit�t
abandonn� par tous ses partisans, par sa propre _kharouba_. Le cas,
d'ailleurs, est pr�vu: celui qui fomente des troubles syst�matiquement
et avec persistance est condamn� � la plus forte amende: 400 francs.

--Et s'il ne veut ou ne peut la payer?

--Il lui faudra quitter le village, � moins que quelqu'un ne la paye
pour lui. Il en est de m�me pour toutes les amendes. Aussi sont-elles
tr�s-exactement acquitt�es. Qui n'a pas d'argent, en emprunte; mais la
_meurda,_ le pr�t d'une semaine � l'autre, co�te cher.

--L'usure � la petite semaine.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 15:33