En Kabylie by J. Vilbort


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Page 35

--Quelle est ta tribu � toi, Bel-Kassem?

--La plus civilis�e et la plus glorieuse de toutes, me r�pond-il en
redressant la t�te avec orgueil. La plus civilis�e, car nous exer�ons
toutes ou presque toutes les industries �parses chez les autres Kabyles,
et aussi les plus nobles. Nous avons des orf�vres, des armuriers, des
forgerons. Nagu�re nous fabriquions la poudre. Nous tannons le cuir,
nous cardons la laine et faisons un grand commerce de ces produits. Nous
travaillons le bois et le fa�onnons en plats et autres ustensiles. Nous
produisons de la cire et de l'huile. Nous savons teindre les v�tements.
Nos coiffures brod�es et nos ceintures multicolores sont recherch�es par
toutes les femmes de la Kabylie. La plus glorieuse aussi, car...

Je pousse un cri: le mulet du guide s'est abattu. Je vois avec �pouvante
Bel-Kassem pench� sur un pr�cipice de cinq ou six cents m�tres. Mais
d�j� les voici debout tous les deux, et l'homme est remont� sur la t�te.

--N'�tes-vous pas bless�?

--Non! non!

Tout le monde s'�tait arr�t�.

--Ce pauvre Bel-Kassem, dit madame Elvire avec un peu de moquerie.

--Marchons! s'�crie le Kabyle furieux.

Nous repartons; mais cette chute a r�veill� notre prudence, et chacun de
nous instinctivement se penche du c�t� oppos� � l'ab�me.

--Allah, dis-je, a puni ton orgueil.

--Vous parlez comme un Arabe, et cela ne m'emp�che pas de r�p�ter que ma
tribu, celle des lraten, est la plus noble et la plus glorieuse de toute
la Kabylie; la preuve, la voil�!

Et d'un geste dont rien ne saurait rendre l'�nergie, il nous montre un
rocher tout d�chiquet� par des balles fran�aises, puis au bord du rocher
un grand fr�ne mort des blessures qu'il a re�ues pendant le terrible
assaut d'Ichariten, le 24 juin 1857.

--C'est mon village, dit-il. Sept mille Fran�ais l'ont attaqu� avec des
canons, des obusiers et des fus�es. En se retranchant dans leurs camps,
apr�s la prise du Souk-el-Arba, ils nous avaient appris � faire les
barricades. Nous en avions �lev� deux avec des arbres et des pierres.
Vous voyez cette pente raide et nue qui descend vers un petit plateau
couronn� d'arbres. Eh bien, c'est par l� que les zouaves et la ligne
sont mont�s � d�couvert sous le feu de mon village. Et jamais, malgr�
leur courage ils ne seraient venus � bout de l'enlever, car ils
tombaient comme des figues m�res: les n�tres, abrit�s, ne tiraient qu'�
coup s�r, chaque balle kabyle trouait une poitrine fran�aise; mais voici
que, tout � coup, la l�gion �trang�re, faisant un coude, se jette sur le
flanc de nos barricades. Tous nos fusils sont braqu�s sur elle; elle
avance toujours. Mille, deux mille coups sont dirig�s contre le
commandant et aucun ne l'abat. C'est pourquoi on le tient parmi nous
pour plus invuln�rable encore que Mohamed-el-Debbah [Voyez page 25.].

Et comme nous passions devant le cimeti�re:

--Bien des n�tres sont morts et dorment l�, ajoute Bel-Kassem; mais bien
des Fran�ais aussi sont enterr�s au pied de ce monticule.

--_Besef_ [Beaucoup.] _Franc�s� morto!_ dit un des muletiers en nous
d�signant de la main la pente d'Ichariten; et il r�p�ta: _besef! besef!_

--Avoue, mon ami, que les Iraten et tous les autres Kabyles en veulent
terriblement aux Fran�ais d'�tre venus dans leurs montagnes.

--Oui et non, me r�pondit le guide avec un fin sourire. Un assez bon
nombre d'Iraten ont vendu leurs fusils: les uns jugeant qu'ils ne leur
serviraient plus � rien, les autres par amiti� pour les Fran�ais ou du
moins pour observer vis-�-vis d'eux la foi jur�e. A vous avouer toute la
v�rit�, les plus vieux vous d�testent; ils vivent dans un pass� o� ils
ont vu toute la Kabylie libre. Mais les jeunes, ceux surtout qui vont
travailler dans les villes ou dans les fermes, et d'autres qui comme moi
ont fr�quent� l'�cole, ma foi, ils trouvent que les Fran�ais ont du bon.

--Vraiment! fis-je en riant.

--Et pour ma part, r�pondit Bel-Kassem en riant aussi, je pr�f�re
beaucoup leur cuisine � la n�tre.

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 8:45