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Page 33
--Et les vivres? s'�cria le G�n�ral avec l'emportement d'un estomac
montagnard; vous ne pensez donc � rien, Caporal!
A cette r�primande imm�rit�e de son chef, le Caporal ne r�pondit que par
un geste, mais quel geste! Les _tellis_ [Sacs ou poches qui pendent de
chaque c�t� du b�t.] regorgeaient de provisions de bouche, et par-dessus
les _tellis,_ sur le dos des mulets, �taient assujettis des matelas de
troupe. Le directeur des fournitures militaires nous les avait
obligeamment pr�t�s. Le Conscrit et moi, nous cri�mes: Vive le Caporal!
Madame Elvire daigna sourire, et M. Jules fut au ciel.
--Les matelas vous serviront bien, dit Bel-Kassem, car le ca�d de
Thifilkouth n'a pas � vous offrir un palais de France comme Ben Ali
Ch�rif, chez qui vous coucherez demain. Mais pour ce qui est des
provisions, elles sont tout � fait inutiles.
--Vraiment, r�pliqua le Caporal un peu piqu�, j'avais pens� que dix
pains de quatre livres, douze poulets, sans compter mes saucissons
d'Arles et de Lyon, une terrine de foie gras et quelques bouteilles de
vin, n'�taient en fait de vivres que le strict n�cessaire.
--Partout o� madame daignera s'arr�ter, r�pondit Bel-Kassem, on lui
offrira, � elle et � vous, la _diffa,_ le _kouskoussou_ � la volaille,
r�serv� aux h�tes de distinction. Dans une heure, le ca�d de Thifilkouth
sera averti de votre arriv�e.
--Par le t�l�graphe peut-�tre?
--Oui, par le t�l�graphe... kabyle, qui fonctionne presque aussi vite
que le t�l�graphe fran�ais, plus s�rement, sans frais et partout. On va
annoncer avec la voix votre passage et votre arriv�e pour ce soir, de
village en village, de montagne en montagne.
--Mais ces braves gens qui nous accompagnent, il faut les nourrir.
--Non, ils emportent dans la poche de leur burnous une galette d'orge et
des figues. Nous les verrez s'arr�ter aux sources pour faire leurs
ablutions et se d�salt�rer; vous leur payerez trois francs par jour,
leur nourriture comprise et celle de leurs b�tes, qui se contenteront
tout le jour des brins d'herbe et des feuilles qu'elles pourront
arracher en chemin. Ce soir, chez le ca�d, mulets et muletiers seront
aussi des h�tes. Ces hommes qui sont de mon village et de braves gens,
comme vous dites, accepteront volontiers un morceau de pain; et, si vous
leur donnez un morceau de sucre, ils croiront manger le paradis. Mais
ils ne toucheront ni � votre saucisson, qui est pr�par� avec de la chair
de porc, ni a vos poulets, parce qu'on les a saign�s au lieu de leur
couper la t�te. Enfin, au ca�d ou � l'amin qui vous offre la diffa, vous
ne voudrez pas faire l'injure de d�daigner son kouskoussou.
--Et si je pr�f�re, moi, ma cro�te, objecte le Philosophe, ne suis-je
pas libre de la manger? O libert�! ne serais-tu qu'un vain mot?
--Vous la mangerez, Monsieur, votre cro�te, mais apr�s avoir go�t�
d'abord � tout ce qui vous aura �t� offert. C'est l'usage: vous ne
voudriez pas passer pour un homme mal �lev�.
--Tu es un gar�on d'esprit, Bel-Kassem, dit madame Elvire, et son �loge
fit rougir le jeune Kabyle.
Neuf heures sonnent lorsque nous franchissons la porte du Djurjura.
Contre les p�rils du voyage nous avons muni nos estomacs d'un d�jeuner
solide; nous emportons en outre les bons souhaits de l'h�te et de
l'h�tesse, qui ne demandent au ciel d'autre faveur que quatre voyageurs
comme nous pendant toute l'ann�e.
--Alors�, nous avait dit l'Alsacien, ch� bourrais refoir engore afant t�
mourir mon cher bays t'enfance.
Notre petite colonne s'engage dans une route muleti�re qui serpente
tant�t sur les cr�tes, tant�t sur les flancs de la montagne. En t�te
marche le G�n�ral, regardant sans p�lir l'ab�me ouvert sous ses pieds.
Son grand voile vert flotte comme un panache sur son �paule; car, pour
bien jouir du paysage, madame Elvire livre ses joues roses aux ardents
baisers du soleil kabyle. Derri�re elle vient M. Jules, son fouet � la
main. Attentif et p�lissant au moindre faux pas du mulet qui porte son
chef, le Caporal se tient pr�t � s'�lancer � son secours. Puis, c'est le
Conscrit, couch� plut�t qu'assis sur un matelas militaire. Il fume et il
r�ve, les yeux � demi clos. A quoi r�ve-t-il? au b�ton de mar�chal?
Non, en s'enivrant d'air pur et de libert�, il caresse sa divine
chim�re: la r�publique universelle. Ma b�te, un peu paresseuse, le suit
� quelque distance, et, � trois pas en arri�re de moi, Bel-Kassem,
�tendu tout de son long sur la sienne, la t�te appuy�e sur les main:, se
laisse bercer en vrai sybarite africain. Le mulet aux bagages forme
l'arri�re-garde, ou, si l'on veut, son ma�tre et lui sont nos tra�nards.
L'un porte la plus lourde charge, l'autre a fort � faire pour l'emp�cher
de rouler dans le pr�cipice, tellement les _tellis_ sont larges et le
chemin �troit. Nos muletiers babillent et rient en babillant. Leur
gaiet�, comme le beau temps, nous fait f�te.
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