En Kabylie by J. Vilbort


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Page 32

Le retour � l'h�tel fut silencieux: un coucher de soleil en Kabylie est
un des plus �mouvants spectacles qui se puissent voir; et s'il est des
gens blas�s sur les beaut�s de la nature, nous les engageons � aller
rallumer au fort National la flamme �teinte de leur enthousiasme.
Bel-Kassem, qui avait joui de notre admiration en Kabyle amoureux de ses
montagnes, nous accompagne jusqu'� la porte de l'h�tel; puis il se
retire discr�tement, quoique nous insistions pour le garder � d�ner.

Nous nous m�mes � table avec un app�tit qu'ignoreront toujours les
estomacs de la plaine. L'h�te, qui nous servait lui-m�me, �tait un grand
Alsacien p�le et maigre, � l'oeil m�lancolique. Il composait avec sa
femme, d�j� sur le retour et borgne, tout le personnel de
l'�tablissement.

Quelle vicissitude avait pouss� jusque sur les plus hautes cimes des
A�th-Iraten ce Phil�mon tudesque et sa fid�le Baucis? J'aurais bien
voulu le leur demander; mais le mutisme triste de cet homme me retint de
satisfaire cette indiscr�te envie.

Il allait et venait, apportant les plats garnis, emportant les plats
vides, sans faire plus de bruit qu'une ombre, raide, froid et
silencieux. Parfois seulement, un sourire furtif passait sur ses l�vres
quand l'un de nous vantait les talents culinaires de sa moiti�.

Les mets pr�par�s sans raffinement, � la mode bourgeoise, �taient tr�s-
proprement servis; le linge avait une odeur fra�che, les assiettes et
les couverts reluisaient; on se f�t mir� dans les verres. La maison,
bien tenue, avait sous son habit de pauvret� un air particuli�rement
honn�te. C'�tait moins une auberge que le dernier refuge et la supr�me
planche de salut de deux braves gens que voulait noyer la Fortune. Ce
fut madame Elvire qui imagina ce petit roman: elle le d�bita d'une voix
attendrie qui nous e�t certes coup� l'app�tit... mais nous en �tions aux
noisettes.

Cette maison hospitali�re manquait pourtant d'une chose essentielle.
Devinez laquelle?

En vain la cherch�mes-nous par les escaliers, de la cave au grenier,
puis dans la cour et jusqu'au fond du poulailler.

--Ah! mosi�, me dit l'h�telier constern�, nous l'affre eue et
barfaidement contidionn�e... Un dorrent l'affre embord�e!

Nous nous couchons de bonne heure dans des lits o� les plumes sont
rares, mais par compensation les puces aussi. Au point du jour nous
sommes sur pied, le soleil �tant venu nous baiser au visage.

D�j� Bel-Kassem nous attend, savourant la cigarette matinale sur la
porte de l'h�tel. Pour nous faire honneur, il a chang� la grosse casaque
du soldat contre un �l�gant habit maure. Par-dessus une veste de soie
bleu-clair orn�e de passementeries d'argent, il porte un large burnous
d'un tissu fin. Une �charpe rouge lui ceint la taille.

Ses jambes brunes et nerveuses sortent d'amples chausses en cotonnade
blanche. Il a aux pieds des chaussettes de laine et des souliers de cuir
verni. Les fiers contours de sa t�te intelligente, ses beaux yeux noirs,
ses l�vres rouges et bienveillantes, tout en lui, jusqu'au sourire par
lequel il nous accueille nous semble plus expressif encore que la
veille, et redouble notre sympathie pour lui.

Les muletiers sont l� avec leurs b�tes.

--Bonjour, mes amis, leur dit madame Elvire.

--_Bono, Bono,_ Franc�s�! nous r�pondent-ils en souriant.

Ils ont tous de bons visages, et leurs mulets aussi.

--Bel-Kassem, o� dormirons-nous ce soir?

--Chez le ca�d de Thifilkouth, Madame, si tu le veux bien.

--A quelle distance en sommes-nous?

--Je ne l'ai pas mesur�e, mais il y a huit heures de marche.

Les Kabyles ne mesurent les distances que par le temps qu'ils mettent �
les franchir: aussi varient-elles beaucoup suivant la vigueur et
l'agilit� des uns, ou l'humeur plus apathique des autres. Quand nous
leur demandions: _Kod�che S�a?_ combien d'heures? le plus vif nous
montrait quatre doigts, un moins agile six, le plus paresseux de tous
�levait ses dix doigts � la hauteur de sa t�te.

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 2:20