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Page 3
Madame Elvire fit entendre une petite toux s�che qui lui �tait famili�re
et ajoutait je ne sais quoi de touchant � sa beaut�.
--Ah! l'air est trop vif pour vous, Madame, dit M. Jules en lui tendant
un pan de son manteau. Elle, dans le m�me instant, s'�cria:
--Prenez donc garde, postillon, vous �crasez ce pauvre _bourrico_ [Petit
�ne.].
La roue heurta si violemment l'un des amples _couffins_ [Paniers en
tiges d'alfa.] qui formaient comme un potager de chaque c�t� de
l'animal, que celui-ci en fut renvers� dans le foss� avec l'Arabe qu'il
portait par surcro�t de charge.
Le g�n�ral poussa un cri.
--Bah! dit le postillon, �a leur apprendra � se garer une autre fois, et
ce n'est pas l'Arabe qu'il faut plaindre, mais son bourrico qui n'est
pas la plus grosse des deux b�tes.
Cependant l'Arabe et son petit �ne s'�taient d�j� repris sur leurs
jambes. L'homme redressa ses couffins, et, ayant pris l'�lan d'un
cavalier accompli, il se retrouva sur sa monture. _Har'r! Har'r!_ fit-il
d'un accent guttural, et le bourrico recommen�a � trotter menu au beau
milieu de la route pour se faire culbuter de nouveau par un _corricolo_
[Voiture publique d'Alger.].
--Je crois en v�rit�, observai-je, que les �nes de ce pays ont la bosse
de la fatalit� aussi d�velopp�e que leurs ma�tres, et s'en tiennent
comme eux � ceci: �Ce qui arrive doit arriver; nul n'�chappe � sa
destin�e.�
--Assur�ment, ajouta le Philosophe, l'Arabe en tombant dans le foss� a
dit: C'�tait �crit! le bourrico l'a pens�, et voil� pourquoi la grosse
b�te est remont�e sur la petite, tandis que celle-ci reprenait le haut
du pav�. C'est le fond de l'islamisme et de toutes les doctrines
politiques, religieuses ou sociales qui reposent sur le dogme de
l'immuable. Pour le g�n�ral de l'ordre de Loyola, l'�me de tous les
complots tram�s contre la raison, comme pour le Khalifa des Moule�-Ta�eb
qui, dans sa petite ville d'Ouazan, au Maroc, tient le fil de toutes les
conspirations africaines contre le progr�s apport� par la France, cet
Arabe et son bourrico atteignent � la perfection divine et terrestre.
--Tais-toi! Conscrit, fit le G�n�ral en riant, et regarde! Voici mes
beaux palmiers du jardin d'Essai! Ah! qu'ils me donnent envie d'�tre au
D�sert! mais quel dommage qu'il faille quitter ma ch�re M�diterran�e! Si
j'�tais f�e, j'emporterais � Paris, d'abord cette mer bleue, puis cette
lumi�re �blouissante, la f�te de l'�me comme celle des yeux; enfin ces
palmiers, et encore ces superbes orangers charg�s � la fois de fruits
d'or et de fleurs odorantes.
--Est-ce tout? demandai-je.
--Non, non, j'emporterais aussi cet air doux comme une caresse d'enfant,
ces grands rochers qui se dressent l�-bas devant nous, et dont les
cr�tes aigu�s et neigeuses resplendissent au soleil comme des lances
d'argent.
--Le Djurjura! nous n'en sommes plus qu'� trente-neuf lieues, Madame, et
nous y arriverons demain soir.
--Quel bonheur! s'�cria-t-elle en frappant des mains.
Pauvre Alger! d�j� cette belle inconstante ne te regrettait plus.
Nous laissons � droite et � gauche des jardins l�gumiers et des
bananeries que prot�ge contre la main des maraudeurs et le souffle sal�
de la mer une haie imp�n�trable de cactus monstrueux: les figuiers de
Barbarie dont les �pines ac�r�es gardent en outre leurs propres fruits,
fort pris�s des Arabes. Pr�s du ruisseau A�n-el-Abiad [La fontaine
blanche.], nous apercevons, � moiti� ensevelie dans les sables de la
mer, la Koubba de Sidi-Belal. Ce marabout, v�n�r� des n�gres d'Alger,
pourrait bien n'�tre que le dieu B�lus ou Baal, dont le culte fut
import� par les Ph�niciens dans le Soudan. Les c�r�monies religieuses de
ces noirs enfants, qui se piquent d'�tre aussi bons musulmans que les
Arabes ou les Maures, ont conserv� un caract�re tout pa�en. A Alger,
vers la fin de mars, nous avions assist�, dans une maison de n�gres, �
des sacrifices sanglants. Nous y v�mes immoler des poulets, des moutons,
un boeuf par des sacrificateurs d'�b�ne. Une grande pr�tresse, plus noire
que l'enfer, rendait, d'un air tr�s-majestueux, des oracles tir�s du
sang fumant des victimes. Le mercredi de chaque semaine, sur la plage de
Saint-Eug�ne, hors la porte de Bab-el-Oued, � la Seb�-A�oun [Les sept
fontaines.], les Mauresques galantes, toutes celles qui ont � se
plaindre d'un mari ou � se faire aimer d'un amant, viennent demander des
conseils, des augures et des philtres aux Guezzan�tes [N�gresses
sorci�res.]: c'est un carnage de poulets alg�riens. Mais vienne le temps
o� la f�ve commence � noircir, un effroyable vacarme �clate dans la
haute ville, aux abords de la Kasba [Citadelle.]. Bient�t, par groupes
de cinq ou six, les fils de Cham � la peau de suie descendent dans la
ville basse, en dansant sur une musique assourdissante, la _Derdeba_.
Ils la font avec des tambours, des tamtams et des _Karakobs,_ �normes
castagnettes en fer, plus pesantes qu'un boulet de vingt-quatre. Cette
danse et cette musique en plein air durent plusieurs jours et du matin
au soir. Quels poignets! et quelles jambes!
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