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Page 2
Quand la diligence quitta la place Bresson, emport�e dans la rue de
Constantine par ses six chevaux lanc�s au galop, le soleil sortait
radieux de son lit d'or et de pourpre. Un grand calme r�gne sur la mer
qui, � l'horizon, embrasse le ciel derri�re le magique rideau des
brouillards iris�s. A gauche, la rade d'Alger, du cap Matifou � la
pointe Pescade, ressemble � une �norme coquille de nacre de perle aux
reflets changeants; � droite, les cr�tes de la Bou-Zar�ah et de
Mustapha-Sup�rieur se dorent et se d�coupent en ar�tes vives sur un azur
� teintes d'opale. Les villas �parses brillent comme autant de perles
dans le collier d'�meraudes des collines, dont le pied demeure envelopp�
de vapeurs noires. Derri�re nous, coiff�e comme d'un turban maure par
les maisons de sa ville haute superpos�es en terrasse, Alger, inond�e de
lumi�re, caress�e par les brises marines, parfum�e par la flore
orientale, semble vouloir d�ployer toutes ses s�ductions pour nous
retenir dans ses murs hospitaliers.
Madame Elvire est �mue: un diamant �tincelle entre les cils de sa
paupi�re, et elle dit en soupirant: �Mon doux Alger, quand te
reverrai-je?� La conqu�te de 1830 n'est-elle pas justifi�e par ce regret
et cette larme?
Nous saluons de la main, comme un ami, le palmier de la rue de
Constantine qui, sous le souffle de la premi�re brise, s'incline pour
nous souhaiter un bon voyage. A Mustapha-lnf�rieur, nous prenons la
route de la Maison-Carr�e, qui contourne � gauche le champ des
manoeuvres. Le Conscrit, qui est mont� sur le si�ge pour fumer, cherche �
distraire le G�n�ral de sa m�lancolie.
--Vois-tu, lui dit-il, l�-bas, au pied des collines, la _Koubba_
[Mausol�e.] de Sidi-Mohamed Abd-er-Rhaman-bou-Kobrin? C'�tait un
marabout fameux et un sorcier de premi�re force. Vers 1785, ce _Medhi,_
ou pr�curseur du _Moule-Sa�,_ fonda la soci�t� secr�te des _Khou�ns_
[Fr�res affili�s.]. Cette association politico-religieuse nous a fait
beaucoup de mal, car elle a constamment souffl� la r�volte au coeur des
Arabes et surtout des Kabyles. Son foyer principal est en Kabylie, dans
la _Zaou�a_ [Sanctuaire, lieu consacr�.] des A�th-Smahil, une des six
tribus de la conf�d�ration des Guechtoula.
Abd-el-Kader, Bou-Bar'la et d'autres grands agitateurs sollicit�rent
l'_Oueurd_ [La rose.], l'initiation du Mek'-Addem [Celui qui avance.] ou
chef des _Khou�ns_. Les fr�res affili�s s'engagent, par les plus
terribles serments, � ob�ir aveugl�ment au cheikh spirituel de l'ordre;
ils forment en outre une sorte de franc-ma�onnerie, o� ils se doivent
entre eux aide et protection. On les pr�pare � l'initiation par un je�ne
prolong� dans un endroit sombre, propice aux jongleries et aux
hallucinations du fanatisme. Le g�n�ral Yusuf d�truisit cette Zaou�a
pendant l'exp�dition d'ao�t et de septembre 1856. Il n'en �pargna que le
tombeau du saint, qui, dans les premi�res ann�es de ce si�cle, s'�tait
retir� chez les Guechtoula, o� il mourut. Les Maures d'Alger lui
�rig�rent, de leur c�t�, le mausol�e que nous apercevons d'ici. Mais une
koubba sans sarcophage, c'est comme une ch�sse sans reliques.
Donc une bande de pieux p�lerins, amplement munie d'_ouadas_ [Offrandes
religieuses.], gravit un beau matin les escarpements du Djurjura, et
p�n�tra le soir dans la maison hospitali�re des A�th-Smahil.
Ils re�urent des _tolbas_ [Religieux.] d'Abd-er-Rhaman l'accueil de la
bouche en coeur que des moines n'ont jamais refus� aux p�lerins qui
viennent � eux les mains pleines. On leur offrit du _kouskoussou_ � la
viande, du _lebben_ [lait aigre.], des figues et le g�te: bref, on les
traita en h�tes de distinction. Mais quelle fut la stupeur des Kabyles
quand le bruit se r�pandit dans leurs montagnes que les p�lerins avaient
emport� la d�pouille du saint pour la d�poser au Hamma d'Alger! D�j� ils
couraient aux armes. Un sage marabout s'avisa d'ouvrir le tombeau: le
pr�curseur du _Montader_ [Celui qui est attendu.] n'avait pas quitt� les
_Adrars_ [Pierres.] kabyles.
Et voil� comment l'illustre marabout, op�rant apr�s sa mort un prodige
plus extraordinaire que tous ceux par lesquels il s'�tait signal� de son
vivant, est devenu _Bou-Kobrin,_ ou l'homme aux deux tombes.
--Ami, demanda madame Elvire, assise dans le coup� entre M. Jules et
moi, y a-t-il une moralit� � ton petit conte?
--Assur�ment, r�pondit le philosophe, et la voici: la superstition est
un chancre qui ronge tous les peuples du monde. Aussi longtemps qu'on ne
l'aura pas extirp�, il n'y aura rien de raisonnable � attendre des
hommes. Que les fanatiques d'Europe donnent la main aux fanatiques
d'Afrique! ils se valent, ils sont fr�res. Ceux-ci b�atifient Bou-Kobrin
et Lalla-Khr�didga, la sainte du Thamgouth [Le plus haut pic du
Djurjura.]; ceux-l� canonisent Labre, un fain�ant sordide, et Marie
Alacocque, une nonne hyst�rique. Les j�suites font la guerre aux libres
penseurs et � toutes nos libert�s; les marabouts excitent les grands
enfants d'Afrique � d�tester les Roumis qui leur apportent l'instruction
et le bien-�tre. Les uns et les autres conspirent contre la civilisation
moderne; entre leurs mains la religion n'est qu'une arme politique, un
instrument de r�action universelle.
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