En Kabylie by J. Vilbort


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Page 1

Et Sidi-Yzem [Le seigneur lion.], Madame! Si tout � coup il se dressait
devant vous, h�rissant sa terrible crini�re, dardant sur vous ses
prunelles de feu, voudriez-vous, � la mani�re des femmes kabyles,
d�sarmer sa col�re en lui disant:

�O Sidi, toi qui es si fort, si puissant, qui fais trembler les hommes,
� qui rien ne r�siste, tu es trop g�n�reux pour faire la moindre peine �
une pauvre femme qui t'admire et qui ferait tout pour te plaire; car je
ne suis qu'une femme, moi! regarde...�

Vous voyez-vous assaillie sur un _thamgouth_ [Pic.] du Djurjura par un
ouragan de neige? retenue prisonni�re par un d�luge dans une �curie
kabyle? ou bien, j'en fr�mis pour vous, enlev�e par un montagnard aussi
entreprenant qu'amoureux? Un proverbe du cru dit que la femme juive
marche devant le diable, et que la musulmane vient imm�diatement
derri�re lui; mais la chr�tienne, la Fran�aise surtout, est un ange aux
yeux de ces barbares: s'il vous fallait partager la couche d'un
Mlikeuch, voleur, assassin et qui ne se lave jamais!

Madame Elvire haussa l�g�rement les �paules et s'�cria: Je pars demain
vendredi 7 avril; que les courageux me suivent!

Partir un vendredi! Cependant nous nous trouv�mes trois au point du jour
sur la place Bresson, autour du G�n�ral: trois, les braves des braves,
mais aussi quel g�n�ral! De grands yeux gris un peu enfonc�s sous leurs
arcades orgueilleuses, tour � tour na�fs et doux comme des yeux de
gazelle, ou brillants comme des yeux d'aigle; le nez aquilin et fier,
surmontant une petite bouche souriante; le front large, couronn� d'un
magnifique diad�me de cheveux bruns. Grande, svelte, avec des pieds
d'enfant et les plus belles mains que les fils d'Adam admir�rent depuis
�ve. Le bon sens d'un vieux juge et la fantaisie d'une petite ma�tresse,
l'esprit du diable et le coeur d'une soeur de charit�; enfin, le courage
du lion dans une enveloppe fragile, car le docteur Andral avait envoy�
madame Elvire en Alg�rie pour y r�tablir sa sant� alt�r�e par les hivers
de Paris.

Son habit de voyage �tait des plus pittoresques sur un ample v�tement
d'�toffe anglaise, elle portait un manteau doubl� de petit-gris qui
l'enveloppait tout enti�re, la prot�geant contre la pluie, la poussi�re
et le vent. Elle avait un grand chapeau de feutre aux larges bords,
recouvert d'une coiffe blanche qui retombait sur les �paules. Un voile
vert, flottant au vent, pouvait au besoin fermer la fen�tre que la
coiffe laissait ouverte devant un visage blanc et rose, qui se trouvait
ainsi d�fendu contre l'ardeur du soleil ou la curiosit� des indig�nes.
�Je suis laide � faire peur,� nous dit-elle en nous abordant. Certes, il
fallait qu'elle f�t belle pour I'�tre encore dans cet appareil bizarre;
mais il est des femmes dou�es de la gr�ce originelle qui embellit tout.

Un des trois braves �tait le mari de madame Elvire. D�s la premi�re
�tape, et d'une voix unanime, on l'appela le Conscrit; car nous
reconn�mes que, r�veur et distrait, absorb� en lui-m�me, il �tait
incapable de nous conduire. D'ailleurs, le G�n�ral paraissait lui
inspirer une admiration sans bornes. Si merveilleux que f�t le paysage,
ses yeux, apr�s s'y �tre arr�t�s un instant, se tournaient toujours vers
madame Elvire comme pour chercher en elle un point de comparaison.
Bient�t aussi il manifesta, dans sa fa�on d'envisager les hommes et les
choses du monde africain, une tendance paradoxale qui lui valut par
surcro�t le beau surnom de Philosophe. Voici l'homme en trois lignes: de
moyenne taille, blond, assez sentimental, tr�s-myope, et le mari le plus
amoureux de sa femme qui se soit jamais vu.

M. Jules ***, qui faisait partie de notre corps d'arm�e, m�rita les
galons de Caporal par le z�le qu'il d�ploya au moment du d�part. C'est
lui qui retint nos places � la diligence d'Alger � Tizi-Ouzou et fit
charger les bagages. Il fut en outre investi des fonctions d'agent
comptable. Il portait sur ses �paules, tr�s-bravement, ma foi! une
soixantaine d'ann�es dont plusieurs pesaient double. Plus nous avons
l'�piderme sensible, et plus les ronces du chemin nous blessent
cruellement: cet homme excellent s'�tait d�chir� � plus d'un buisson
�pineux; mais il avait la jeunesse qui d�lie le temps, celle du coeur. M.
Jules entourait madame Elvire de soins si empress�s et si d�licats, que
l'heureux mari pouvait r�ver tout le long de la route, certain que son
tr�sor et lui-m�me �taient bien gard�s par ce bon compagnon. Donc nous
part�mes d'Alger le vendredi 7 avril, deux jours avant la r�volte des
Ouled-Sidi-Cheikh, qui allait gagner successivement les Harars, les
Ouled-Na�l, puis remonter dans le Tell jusqu'aux approches de T�niet, de
Tit�ri et de S�tif. La Fortune �tait avec nous: quarante-huit heures
plus tard, l'autorit� se f�t jointe � nos amis pour nous retenir de gr�
ou de force; car, en pays insurg�, les touristes sont pour elle d'autant
plus incommodes, qu'ils sont plus aventureux.

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 7th Jan 2025, 0:19