En Kabylie by J. Vilbort


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 22

--La richesse! s'�cria le Philosophe, elle fera pousser un gros ventre
au Kabyle all�gre! elle changera en Romain du Bas-Empire ce libre et
fier r�publicain! Tu ne sais donc pas, � Ma�kara, que la richesse est la
grande mis�re des Fran�ais?

Le cavalier comprit-il ce singulier aphorisme? je ne sais; mais il
r�pondit en souriant:

--Ah! Monsieur, j'en voudrais bien un peu, moi, de cette mis�re-l�!

Nous montons par un sentier kabyle impraticable pour quiconque n'est pas
mulet ou muletier indig�ne: plut�t un escalier qu'un chemin, form� de
pierres in�gales, grandes, petites, pointues, arrondies, assembl�es par
le hasard, tenant ensemble par la force de l'habitude, se d�tachant
parfois; ou bien c'est le rocher que nos b�tes gravissent par bonds
p�rilleux. De l'un ou l'autre c�t� de ce casse-cou sinueux et
pittoresque, partout o� la pierre est recouverte d'une couche de terre
v�g�tale, s'�talent de belles plantes potag�res dans des jardins
merveilleusement cultiv�s que gardent des haies d'�pines. Puis ce sont
des oliviers et des figuiers o� des rossignols et des fauvettes se
disputent le prix du chant. Au pied de chaque arbre, le sol, l�g�rement
creus�, forme comme une vasque pour retenir les eaux d'arrosage.
Ailleurs, verdissent des bl�s d'orge et de froment de la plus belle
venue; l�, peu ou point d'herbes parasites. Des arbres de luxe, vignes,
orangers, c�drats, grenadiers, cerisiers, pommiers, pruniers et noyers
d�corent quelques enclos; beaucoup sont en pleine floraison, et l'air
est tout impr�gn� de leurs ar�mes suaves. Nous marchons maintenant �
travers un inextricable fouillis de branches, de feuilles et de fleurs.
Ces arbres, amis de l'homme, �tendent vers nous leurs bras dans le
sentier, nous montrant leurs fruits en promesses. Les figuiers vigoureux
et qui ont besoin d'espace nous barrent par moment le chemin; ils nous
obligent d'admirer leurs larges feuilles luisantes, si �l�gamment
d�coup�es, et la riche r�colte que le montagnard fera au prochain
_kherif_ ou cueillette des figues. Pendant ces jours d'abondance, il ira
avec sa famille habiter son _asib_ [Maison ou gourbi d'�t�.]; ils
s'enivrera en savourant la figue fra�che, blanche ou noire, comme le
vigneron de France en d�gustant le vin nouveau. Mais cette ivresse des
figues n'est ni grossi�re ni m�chante; elle exalte en lui jusqu'au
fanatisme l'amour de la libert�. Alors les pauvres iront de jardin en
jardin, bien accueillis partout, et mangeront � discr�tion de ces fruits
nourrissants et exquis. Alors aussi, m�l�s � eux, couverts de haillons
sordides, les derviches fanatiques trouveront l'oreille des Kabyles plus
accessible, quand, pour les pousser � la r�bellion, ils leur diront:
�Que le Roumi vienne! o� qu'il nous faille aller pour le combattre, nous
trouverons � vivre! et s'il br�le nos villages, cet arbre qui nous donne
la nourriture nous procurera un toit pour la nuit.�

Devant nous, quel charmant tableau! Dans l'angle d'un carrefour auquel
aboutissent plusieurs sentiers, coule une _th�la_ [Fontaine.]. Des
femmes, des jeunes filles et des enfants se pressent autour d'un mince
filet de cristal liquide. A notre approche, deux ou trois, les plus
timides, fuient dans la montagne, emportant, gracieusement pos�e sur
l'�paule, leur _medhid_ [Cruche � eau.] d'une belle forme antique.
D'autres se voilent le visage avec la main, mais nous regardent entre
leurs doigts aux ongles teints de henn�. L'une d'elles nous accueille
par un sourire, et, avec un geste plein de coquetterie mutine, c'est un
de ses yeux seulement qu'elle nous d�robe. Pourquoi?... Ah! pauvre
enfant! elle est borgne. Les plus petites, qui ont aussi une cruche
mesur�e � leur taille,--car � peine sorties du berceau, on leur enseigne
le dur labeur de la m�nag�re kabyle,--se r�fugient dans les jambes
maternelles en criant: _O imma! � imma!_ � maman! � maman! Nos muletiers
vont � la fontaine, faire leurs _oudou-el-seghir,_ ablutions que tout
bon musulman doit renouveler cinq fois dans un jour. Ils mouillent leurs
mains, se gargarisent et aspirent l'eau par les narines en disant: �O
mon Dieu! fais-moi sentir l'odeur du paradis.� Pendant ce temps, nos
regards demeurent attach�s sur le groupe f�minin. De son c�t�, il nous
contemple avec une curiosit� �bahie qui touche � la stupeur.

--Ma�kara, sais-tu l'�ge de cette fillette dont les dents sont des
perles, et les yeux des diamants noirs?

--Madame, c'est une femme mari�e et d�j� m�re.

--Tu la connais?

--Non, mais le bijou qu'elle porte au front dit qu'elle a mis au monde
un gar�on.

C'�tait le glorieux _tavezimth_ tant d�sir� des jeunes �pous�es: grand
anneau d'argent ouvrag� et orn� de corail qu'elles �talent avec orgueil
sur leur front le jour o� elles donnent naissance � un fils; si c'est
une fille, elles le placent modestement sur leur poitrine, entre les
seins.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 1:43