Francia; Un bienfait n'est jamais perdu by George Sand


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Page 52

--Tout �a, c'est des affaires entre Russes, n'en cherchons pas plus
long qu'eux. Je sais que l'empereur de Russie n'aime pas qu'on voie les
preuves de la haine des Fran�ais contre sa nation. Silence sur la petite
Francia: nous ne la reverrons pas, elle n'est rien venue r�clamer, elle
nous a m�me laiss� un billet de banque que le prince lui avait donn�.
Qu'il n'en soit plus question.

Une personne avait pourtant pressenti et comme devin� la v�rit�, c'�tait
le docteur Faure. Le regard profond�ment navr� que Francia avait fix�
sur lui, le jour o� il l'avait quitt�e avec m�pris, lui �tait rest� sur
le coeur et pour ainsi dire devant les yeux; ce pauvre petit �tre qui
s'�tait fi� � lui avec tant de candeur, et qui � une heure de l� �tait
retomb� sous l'empire de l'amour, n'�tait pas une intrigante: c'�tait
une victime de la fatalit�. Qui sait si lui-m�me ne l'avait pas pouss�e
au d�sespoir en voulant la sauver?

Il r�solut de la retrouver, et, comme il avait bonne m�moire, il se
rappela qu'en lui racontant toute sa vie, elle lui avait parl� d'un
estaminet de la rue du Faubourg-Saint-Martin, et d'un invalide qui
tenait l'�tablissement. Il s'y rendit, et trouva la jeune fille entre la
vie et la mort. Son fr�re �tait aupr�s d'elle. Apr�s l'avoir vainement
cherch�e chez Mourzakine, o� il avait appris la catastrophe, il �tait
retourn� au faubourg Saint-Martin, certain qu'on y aurait de ses
nouvelles.

Francia �tait dans une petite chambre humide et mis�rable, qui ne
recevait de jour que par une cour de deux m�tres carr�s, sorte de
puits form� par la superposition des �tages, et impr�gn� de toutes
les souillures et de toutes les puanteurs des pauvres cuisines qui
y d�versaient leurs d�bris dans les cuvettes des plombs. C'�tait la
chambre de Moynet, il n'en avait pas de meilleure � offrir, il n'avait
pas le moyen d'en louer une autre et de payer une garde. Dodore
heureusement ne quittait pas sa soeur d'un instant. Il la soignait avec
un d�vouement et une intelligence qui r�paraient bien des choses. Il
�tait comme transform� par quelques jours de fi�vre patriotique et
par la r�solution de travailler. Antoine, qui s'�tait arrang� pour
travailler cette semaine-l� dans le voisinage, venait le matin, �
midi et le soir, apporter tout ce qu'il pouvait se procurer pour le
soulagement de la malade. La fruiti�re du coin, qui �tait une bonne
Auvergnate, parente d'Antoine, et qui aimait Francia, venait la nuit
relayer Th�odore, on l'aider � contenir les acc�s de d�lire de sa soeur.
Francia ne manquait donc ni de soins, ni de secours; mais le contraste
entre le lieu �coeurant et sinistre o� il la trouvait, apr�s l'avoir
laiss�e dans une sorte d'opulence, serra le coeur du docteur Faure. Il
dut faire allumer une chandelle pour voir son visage, et apr�s s'�tre
bien inform� de la marche suivie jusque-l� par la maladie, il esp�ra la
gu�rir, et revint le lendemain. Peu de jours apr�s, il la jugea hors de
danger. Th�odore, qui secoua tristement la t�te, lui dit en causant tout
bas avec lui dans un coin:

--S'il faut qu'elle vive comme la voil�, mieux vaudrait pour elle
qu'elle f�t morte!

--Vous la croyez folle? dit le docteur.

--Oui, monsieur, car c'est quand la fi�vre la quitte un peu qu'elle a le
moins sa t�te. Avec la fi�vre, elle dit qu'elle a tu� le prince russe,
et nous ne nous �tonnons pas, c'est le d�lire; mais quand on la croit
bien revenue de �a, elle vous dit qu'elle a r�v� de mort, mais qu'elle
sait bien que le prince est vivant, puisqu'il est l� endormi sur un
fauteuil, et que nous sommes aveugles de ne pas le voir.

--Pourquoi donc lui avez-vous appris cette mort dans la situation o�
elle est?

--Mais... c'est elle qui l'a apprise ici. Quand je suis arriv� de
Vaugirard, personne ne le savait. On croyait qu'elle avait r�v� �a, et
moi je leur ai dit que c'�tait la v�rit�.

--Eh bien! mon gar�on, vous avez eu tort.

--Pourquoi �a, monsieur le m�decin?

--Parce qu'on pourrait soup�onner votre soeur, et qu'il faut vous
taire. A pr�sent, le d�lire est tomb�, mais le cerveau est affaibli
et hallucin� il faut l'emmener dans un faubourg qui soit un peu la
campagne, lui trouver une petite chambre claire et gaie avec un bout de
jardin, du repos, de la solitude, pas de voisins curieux ou bavards,
et vous, ne r�p�tez � personne ce qu'elle vous dira de sang-froid ou
autrement sur le prince Mourzakine. Ne vous en tourmentez pas, n'en
tenez pas compte, laissez-lui croire qu'il est vivant, jusqu'� ce
qu'elle soit bien gu�rie.

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 10:54