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Page 50
Francia s'assit sur une chaise et regarda Mourzakine. Comme il �tait
calme! Comme il l'avait oubli�e! Combien peu de chose elle �tait pour
lui! Il sortait des bras de la marquise, et d�j� il ne se souciait
presque plus de son petit oiseau bleu. Il le laissait au puissant
Ogoksko�, il n'osait pas le lui disputer; il essaierait, quand il aurait
bien dormi, de se le faire rendre par une l�che supplication; peut-�tre
m�me ne l'essaierait-il pas du tout!
Francia mesura l'ab�me o� elle �tait tomb�e. La fi�vre faisait claquer
ses dents. Elle sentait son coeur aussi glac� que ses membres. Elle
repassa dans son esprit encore lucide tous les �v�nements de la soir�e:
la soumission avec laquelle Mourzakine l'avait abandonn�e au ravisseur
�tait pour elle le plus poignant affront. Guzman lui �tait infid�le
aussi, lui; mais il lui faisait encore l'honneur d'�tre brutalement
jaloux. Il l'e�t tu�e plut�t que de la c�der � un autre. Mourzakine
s'�tait content� de lui fournir un moyen de tuer son rival.
--Pourquoi a-t-il eu cette pens�e, se dit-elle, puisqu'� pr�sent le
voil� qui dort et ne se souvient plus que j'existe? Sans doute qu'il
h�rite de son oncle et qu'il m'aurait su gr� de le faire h�riter tout de
suite!
Elle eut un rire convulsif et crut entendre r�sonner � ses oreilles les
paroles de l'invalide: �Il a tu� ta m�re, _cela doit �tre vrai_, il
rit de t'avoir pour ma�tresse malgr� cela! il en rit avec son autre
ma�tresse, qui ne vaut pas mieux que lui.�
Francia se leva dans un transport d'indignation. Elle eut chaud tout �
coup; cette chaleur d�vorante se portait surtout � la t�te, et il lui
sembla qu'une lueur rouge remplissait la chambre. Elle tira le poignard,
elle essuya la lame sans savoir ce qu'elle faisait.
--A pr�sent, pensait-elle, je vais mourir; mais je ne veux pas mourir
d�shonor�e. Je ne veux pas qu'on dise: Elle a �t� la ma�tresse du Russe
qui a tu� sa m�re, et elle l'aimait tant, cette mis�rable, qu'elle s'est
tu�e pour lui. J'ai si peu v�cu! Je ne veux pas avoir v�cu pour ne faire
que le mal et pour amasser de la honte sur ma m�moire. Je veux qu'on me
pardonne, qu'on m'estime encore quand je ne serai plus l�. Je veux qu'on
dise � mon fr�re:
�--Elle avait fait une l�chet�, elle l'a bien lav�e, et tu peux �tre
fier d'elle, tu peux la pleurer. Toi, qui voulais tuer des Russes, tu
n'as pas trouv� l'occasion, elle l'a bien trouv�e, elle! Elle a veng�
votre m�re!�
Que se passa-t-il alors? Nul ne le sait. Francia se rassit, reprise par
le froid et l'abattement. Elle contempla ce beau visage si tranquille
qui semblait lui sourire; la bouche �tait entr'ouverte, et, du milieu
des touffes de la barbe noire, les dents �blouissantes de blancheur se
d�tachaient comme une rang�e de perles mates. Il avait les yeux grands
ouverts fix�s sur elle.
Il essaya de porter la main � sa poitrine, comme pour se d�barrasser
d'un corps �tranger qui le g�nait. Il n'en eut pas la force; la main
retomba ouverte sur le bord du lit. Il �tait frapp� A mort. Francia n'en
savait rien. Elle lui avait plant� le poignard persan dans le coeur;
elle avait agi dans un acc�s de d�lire dont elle n'avait d�j� plus
conscience: elle �tait folle.
Mourzakine avait-il pouss� un cri, exhal� une plainte? lui avait-il
parl�, lui avait-il souri, l'avait-il maudite? Elle ne le savait pas.
Elle n'avait rien entendu, rien compris; elle croyait r�ver, se d�battre
contre un cauchemar. Elle ne se souvenait plus d'avoir voulu se tuer.
Elle se crut �veill�e enfin, et n'eut qu'une volont� instinctive, celle
de respirer dehors. Elle sortit de la chambre, traversa brusquement le
vestibule sans que Mozdar l'entendit, arriva � la grille, trouva la
cl� dans la serrure, sortit dans la rue en refermant la porte avec un
sang-froid h�b�t�, et s'en alla devant elle sans savoir o� elle �tait,
sans savoir qui elle �tait.
Mourzakine respirait encore; mais de seconde en seconde, ce souffle
s'affaiblissait. Il n'avait sans doute �prouv� aucune souffrance; la
commotion seule l'avait �veill�, mais pas assez pour qu'il comprit, et
maintenant il ne pouvait plus comprendre. S'il avait vu Francia, s'il
l'avait reconnue, il ne s'en souvenait d�j� plus. Ce qui lui restait
d'�me s'envolait au loin vers une petite maison au bord d'un large
fleuve. Il voyait des prairies, des troupeaux; il reconnut le premier
cheval qu'il avait mont�, et se vit dessus. Il entendit une voix qui lui
criait:
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